Mot-clé : « Vauvenargues »

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Le Livre, tome II, p. 193-209

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 193.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 193 [209]. Source : Internet Archive.

la phrase est de lui[193.1]. Or, les livres qu’on ne relit pas ne se retient pas, ne se gardent pas, c’est un principe de biblio­philie[193.2].

Écoutons encore Mme de Sévigné : « J’ai apporté ici (aux Rochers) quantité de livres choisis, annonce-t-elle à sa fille[193.3] ; je les ai rangés ce matin : on ne met pas la main sur un, tel qu’il soit, qu’on n’ait envie de le lire tout entier ; toute une tablette de dévotion,… l’autre est toute d’histoires admirables ; l’autre de morale ; l’autre de poésies et de nouvelles et de mémoires. Les romans sont méprisés et ont gagné les petites armoires. »

Le mépris était aussi le sentiment qu’éprouvait à l’égard des romans le prince de Ligne (1735-1814) : « Moi, qui ne lis jamais de romans, » avoue-t-il quelque part[193.4].

S’il ne va pas jusqu’à les « mépriser », tous en bloc, Doudan ne se fait guère d’illusions non plus à leur endroit ; il les compare à des « déjeuners de soleil » :

« Pour Corinne, écrit-il à l’une de ses correspon-

[II.209.193]
  1.  Vauvenargues, Réflexions sur divers sujets, VII, Des romans : Œuvres complètes, p. 478. (Paris, Didot, 1883 ; in-8).  ↩
  2.  « Un bibliophile ne conserve pas les livres qu’on lit une fois, mais seulement ceux qu’on relit avec plaisir et que par conséquent on relie… plus ou moins richement. » (Jules Richard, l’Art de former une bibliothèque, p. 139.)  ↩
  3.  Lettre du mercredi 5 juin 1680. (Lettres, t. IV, p. 178.)  ↩
  4.  prince de Ligne, Œuvres choisies, Mélanges philosophiques et humoristiques, De moi pendant la nuit, p. 139. (Paris, Librairie des bibliophiles, 1890.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 192-208

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 192.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 192 [208]. Source : Internet Archive.

litté­rature[192.1] » ? Si agréable que soit pour bien des personnes la lecture des romans, — tellement agréable que Gray (1716-1771), le chantre du Cimetière de campagne, n’hésitait pas à déclarer que « rester nonchalamment étendu sur un sofa et lire des romans nouveaux donnait une assez bonne idée des joies du para­dis[192.2] », — « on ne relit point un roman » : Vauvenargues (1715-1747) l’avait déjà constaté, et

[II.208.192]
  1.  « Il y a deux sortes de littératures : la petite et la grande. La petite littérature, c’est le roman, qu’il soit livre ou feuilleton. » (Napoléon Ier, ap. Jean Darche, op. cit., p. 100.)  ↩
  2.  Walter Scott, Notice sur Le Sage, ap. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome dernier (sans numéro). Table, p. 28. Une anecdote, rapportée par John Lubbock (le Bonheur de vivre, p. 56 ; traduction anonyme ; Paris, Alcan, 1891), démontre éloquemment combien peut être vif le plaisir causé par les romans, quelles puissantes émotions cette lecture peut engendrer. Il s’agit du livre de Richardson (1689-1761), Paméla ou la vertu récompensée. Dans un village d’Angleterre, de braves paysans avaient pris l’habitude de se réunir chaque soir chez le forgeron de la commune pour entendre la lecture de ce roman de Paméla, que ledit forgeron s’était procuré. Lorsqu’on fut arrivé au dernier chapitre, en voyant que l’héroïne, après nombre de tribulations, venait enfin d’épouser l’élu de son cœur et recevait la récompense due à son courage et à ses infortunes, toute l’assistance se mit à pousser des hourras d’enthousiasme ; puis tous de se précipiter en masse vers l’église, pour remercier le Ciel, et sonner les cloches à toute volée. Il ne manquait que le chant du Te Deum, qu’auraient entonné des catholiques romains. Sur l’admiration et l’enthousiasme inouï et incroyable qu’a excités en France et partout au xviiie siècle l’auteur de Paméla, de Clarisse Harlowe et de Grandisson, « ces trois ouvrages dont un seul suffirait pour immortaliser un homme », voir l’Éloge de Ridchardson, par Diderot.  ↩

Le Livre, tome II, p. 099-115

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 099.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 099 [115]. Source : Internet Archive.

vent en toutes rencontres celui qui est leur maître et qui les redresse ; ils sont les dupes de leur vaine curiosité, et ne peuvent au plus, par de longs et pénibles efforts, que se tirer d’une ignorance crasse. »

Rollin (1661-1741) a repris ce même thème[099.1] : « Il vaut bien mieux s’attacher à un petit nombre d’auteurs choisis, et les étudier à fond, que de promener sa curiosité sur une multitude d’ouvrages qu’on ne peut qu’effleurer et parcourir rapidement. »

Et Vauvenargues[099.2] : « Si nous étions sages, nous nous bornerions à un petit nombre de connaissances, afin de les mieux posséder. Nous tâcherions de nous les rendre familières, » etc.

Plus rationnel et meilleur nous semble le conseil de lord Brougham (1779-1868)[099.3] : « Il est bien d’étudier quelque sujet à fond, et un peu de chaque sujet ».

« J’oubliais à vous dire, — écrit Racine à son fils[099.4], — que j’appréhende que vous ne soyez un trop grand acheteur de livres. Outre que la multitude ne sert qu’à dissiper et à faire voltiger de connaissances en

[II.115.099]
  1.  De la manière d’enseigner et d’étudier les belles-lettres, livre III, chap. iii ; t. II, p. 78. (Paris, Vve Estienne, 1748.)  ↩
  2.  De l’amour des sciences et des lettres : Œuvres choisies, p. 199. (Paris, Didot, 1858 ; in-18.)  ↩
  3.  Ap. John Lubbock, le Bonheur de vivre, t. I, p. 64. (Paris, Alcan, 1891.)  ↩
  4.  Lettre du 24 juillet 1698 : Œuvres complètes, t. I, p. 398. (Paris, Hachette, 1864.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 054-070

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 054.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 054 [070]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 055.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 055 [071]. Source : Internet Archive.

rité. Ceux qui font un travail pénible, les bûcherons et les boulangers, s’excitent eux-mêmes par la voix[054.1]. »

Quant à « se faire lire », le même maître ès livres et ès lettres ne recommande pas ce mode de lecture, qu’il préfère laisser aux malades et aux aveugles :

« Rien, observe-t-il[054.2], ne ressemble moins à lire que se faire lire ; on dirait un air dont l’accompagnement ne va pas ; chacun a sa manière d’accompagner intérieurement ce qu’il lit. »

Atteint de maux d’yeux, et se trouvant dans la nécessité de recourir à des lecteurs, alors qu’il était en garnison à Reims, en 1739, Vauvenargues (1715-1747) écrit[054.3] : « J’ai pris deux hommes pour me faire la lecture, un le matin, et un autre le soir. Ils défigurent ce qu’ils lisent ; je leur donnai, l’autre jour, les Oraisons funèbres de Bossuet, dont l’éloquence est divine, et ils coupaient, par le milieu, les plus belles périodes ; je faisais du mauvais sang (sic), mais il me fallait prendre patience ; cela vaut encore mieux que rien[054.4]. »

[II.070.054]
  1.  Doudan, ap. Albert Collignon, Notes et réflexions d’un lecteur, p. 16.  ↩
  2.  Doudan, Lettres, t. IV, p. 204.  ↩
  3.  Lettre au marquis de Mirabeau, 29 août 1739 : Vauvenargues, Œuvres posthumes et œuvres inédites, Correspondance, p. 148. (Paris, Furne, 1857.)  ↩
  4.  Cf. une citation, que nous donnons plus loin (p. 147), empruntée à M. Gustave Mouravit (le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 162), et dont le début concerne le point en question ici, la lecture à haute voix : « Qu’un lecteur malhabile entreprenne de vous lire une belle œuvre : si ses hésitations, ses intonations fausses, la rudesse de son organe, la gaucherie de son interprétation, brisent constamment vos efforts pour être attentif, et émoussent en vous, si l’on peut dire, le sentiment de la lecture, le plaisir que vous vous étiez promis ne deviendra-t-il pas un supplice ? et quel profit rapporterez-vous de ce labeur ? »  ↩

Le Livre, tome I, p. 307-331

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 307.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 307 [331]. Source : Internet Archive.

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