III-XI. Bibliomanes et bibliolâtres

Nous avons vu défiler jusqu’ici, dans les divers chapitres du présent ouvrage, nombre de passionnés liseurs et d’enthousiastes bibliophiles, nous avons entendu leurs éloquentes déclarations, leurs pieuses et ardentes professions de foi ; mais il est d’autres noms encore à citer, d’autres cas plus particuliers, où la passion va jusqu’à l’exagération et la singularité et tombe dans la démence ; où le bibliophile se transforme en bibliomane, où il devient le bibliolâtre, pour qui le livre est tout, et pour qui parfois tout le reste n’est rien et ne compte plus.

« L’innocente et délicieuse fièvre du bibliophile est, dans le bibliomane, une maladie aiguë poussée au délire, a écrit Charles Nodier[216.1]…. Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas. Du bibliophile au bibliomane, il n’y a qu’une crise. Le bibliophile devient souvent bibliomane, quand son esprit décroît ou quand sa fortune s’augmente, deux graves inconvénients auxquels les plus honnêtes gens sont exposés ; mais le premier est bien plus commun que l’autre. »

Le bibliolâtre, aussi bien, du reste, que le bibliomane et le bibliophile, est très souvent doublé d’un bibliotaphe, d’un « enterreur de livres ». En effet, semblable à l’avare qui cache son trésor, pareil à l’amoureux qui ne confie sa belle à personne, le passionné du livre doit, logiquement et fatalement, garder pour lui seul, avec un soin jaloux, l’objet de sa tendresse.

Il est aussi — mais le fait est bien plus rare, heureusement — doublé parfois d’un biblioklepte, d’un « voleur de livres ». Ainsi Dibdin (1776-1847), l’un des plus célèbres bibliographes de l’Angleterre, nous avoue, dans une de ses lettres[218.1], qu’il se félicite d’avoir pu rester seul dans une bibliothèque publique (celle de Strasbourg), « sans que sa conscience ait aucun reproche à lui faire », c’est-à-dire, sans euphémisme et tout nettement, sans avoir succombé à la tentation de glisser quelques précieux volumes dans ses poches[218.2].

Ces fervents des beaux livres et des somptueuses reliures ont été durement malmenés par un chroniqueur du siècle dernier, Edmond Texier (1816-1887), qui a eu son heure de vogue.

« De tous les êtres créés par Dieu, dit-il[219.1], le bibliophile est, sans contredit, le plus égoïste et le plus féroce. La passion de l’or n’est rien comparée à celle du livre. Le public ne comprendra jamais toutes les passions malsaines qui agitent l’âme d’un amateur de bouquins à la vue d’un exemplaire unique ou même noté comme rare sur les catalogues. Pour arriver à la possession de cet exemplaire, il n’est pas de lâchetés qu’il ne fît, et il en est quelques-uns qui iraient volontiers jusqu’au crime. Le fait suivant, qui s’est passé à Londres, démontrera mieux que tout ce que je pourrais dire à quels excès peut se laisser entraîner un homme bien né qui ne sait pas refréner le démon bibliographique.

« Deux gentlemen, grands amateurs, conviennent de faire fabriquer à frais communs chez Wittigham, le premier imprimeur de l’Angleterre, un livre qui ne sera tiré qu’à deux exemplaires ; ils commandent le vélin, achètent des caractères neufs, surveillent l’impression et le tirage, et n’épargnent rien pour faire de ces deux exemplaires, enrichis de gravures originales, les deux merveilles de la typographie moderne. L’édition imprimée, tirée et brochée, est portée chez un relieur, qui donne aux deux volumes un vêtement splendide et de tous points semblable, et nos deux gentlemen entrent chacun en possession de son trésor.

« Vous croyez peut-être que ces deux hommes sont heureux ? Pas du tout : celui-ci envie l’exemplaire de celui-là. A quelque temps de là, l’un des deux part pour la campagne ; l’autre se rend aussitôt, son exemplaire sous le bras, chez son ami absent, et prie la femme de cet ami de lui communiquer pour un instant le second exemplaire, afin de comparer les gravures de l’un avec celles de l’autre. La femme, sans défiance, livre le bouquin, que l’ami semble feuilleter avec le plus grand soin, et dont il déchire, sans qu’on le voie, deux ou trois feuillets ; après quoi il retourne triomphant chez lui, avec son exemplaire désormais unique.

« Cependant le propriétaire de l’exemplaire lacéré revient, apprend la visite de l’ami, se doute de quelque chose, examine son livre, et intente un procès au lacérateur, qui est condamné à 2 000 livres de dommages-intérêts. La Société des Bibliophiles veut à son tour rayer de sa liste le nom du coupable, mais il se présente fièrement devant elle et dit : « Quel est celui d’entre vous qui n’en aurait pas fait autant que moi ? — Au fait ! » répliqua un des membres. Et son nom ne fut pas rayé.

« … Le vrai bibliomane croit, comme Alexandre[220.1], que rien n’est fait tant qu’il reste quelque chose à faire, qu’il possède peu de chose tant qu’il peut envier les trésors d’un autre. Un de mes amis, grand dénicheur de livres rares, m’a avoué qu’il avait été pris d’un invincible désir de mettre le feu à sa propre bibliothèque, après avoir visité celle de M. le duc d’Aumale…. L’envie, la jalousie, l’appétence du bien d’autrui, tels sont les moindres défauts du bibliomane. »

Du bibliomane peut-être ; mais le véritable ami des livres ignore ces rancunes, ces haines, ces farouches convoitises, cette rage, tous ces vilains et honteux sentiments. Il est, d’ordinaire, — surtout s’il ne sépare pas l’amour des livres de l’amour des lettres, — plus pondéré, plus réfléchi, plus calme. « Les amis du livre oublient volontiers, a remarqué Jules Janin[221.1], — et bien plus équitablement, bien plus exactement que ne vient de le faire Edmond Texier, — oublient volontiers… toutes les passions mauvaises, les vanités misérables, les ambitions malsaines, les petits honneurs, les petits devoirs : le vrai bibliophile est content de lui-même et des autres. »

L’égoïsme et la férocité ne sont, d’ailleurs, pas plus le privilège des bibliomanes que des inventeurs, comme l’a bien prouvé Balzac dans sa Recherche de l’absolu, — que de tous les amoureux et de tous les passionnés, tous les exaltés et tous les possédés — passionnés et possédés de la femme, de l’argent ou du pouvoir.

Nous allons passer en revue les plus curieux exemples de bibliomanie et de bibliolâtrie, — revue succincte et sommaire, qu’il eût été facile de prolonger, et qui demanderait à elle seule tout un volume.

Le célèbre helléniste Guillaume Budé (1467-1540) trouva moyen, le jour même de son mariage, de ne pas délaisser ses livres, ses muets trésors, et de passer au milieu d’eux « pour le moins trois heures », — ce qui ne l’empêcha pas, du reste, de devenir père de sept fils et de quatre filles. C’est lui aussi, raconte-t-on, qui, pour ne pas quitter son cabinet et s’arracher à la page commencée, répliqua à un domestique, qui venait lui annoncer, tout haletant, que le feu était à la maison : « C’est bien, avertissez ma femme. Vous savez bien que je ne m’occupe pas des affaires du ménage[222.1] ! »

Il fallut pareillement enlever à ses livres, le matin de ses noces, un autre éminent helléniste et philosophe du xvie siècle, Adrien Turnèbe (1512-1565) : il avait oublié la cérémonie à laquelle il devait participer ce jour-[223.1].

Le savant imprimeur Frédéric Morel le Jeune (1558-1630), qui a été professeur au Collège de France et était aussi un acharné travailleur, terminait ses recherches sur le sophiste grec Libanius[223.2], quand on vint le prévenir que sa femme, pour laquelle, notez bien, il avait une réelle et très vive affection, et qui était alors dangereusement malade, demandait à le voir. « Encore deux mots, et j’y vais ! » répondit-il. Mais les deux mots se prolongèrent plus que de raison, et le même messager accourut lui dire que la malade venait d’expirer. « Hélas ! j’en suis bien marri, car c’était vraiment une bonne femme ! » soupira Frédéric Morel en se replongeant dans ses livres[224.1].

L’érudit abbé Goujet (1697-1767) mourut de douleur d’avoir été contraint de vendre sa bibliothèque. On en a dit autant ou à peu près de Scaliger et de Patru[224.2].

Au milieu des troubles de la Ligue, le docte médecin Jacques Goupil ou Gopile (….-1564), professeur de botanique à Paris, voit sa bibliothèque mise au pillage, et il en meurt de désespoir[225.1].

Le publiciste et libraire Colnet du Ravel (1768-1832), l’auteur de l’Art de dîner en ville, à l’usage des gens de lettres, succomba de même au chagrin qu’il ressentit en voyant « flotter sur la Seine les livres de l’Arche­vêché », après le sac de cet édifice, livres qu’il avait été chargé jadis, par le cardinal Fesch, de mettre en ordre, et dont il avait rédigé le catalogue[225.2].

Le philologue strasbourgeois et helléniste passionné Richard Brunck (1729-1803), que des revers de fortune obligèrent, en 1791, à se défaire d’une partie de sa bibliothèque, et qui dut recourir, en 1801, à ce même expédient, demeura inconsolable de la perte de ses bien-aimés livres : « Quand on parlait devant lui de quelque auteur qu’il avait possédé, les larmes lui venaient aux yeux. De ce moment, les lettres grecques, qui lui avaient valu sa réputation, lui devinrent tout à fait odieuses. » Il mourut peu après la dernière vente, le dernier coup[226.1].

Forcé, lui aussi, de mettre ses livres aux enchères, le prince Camerata (xixe siècle) se brûle la cervelle aussitôt après la dispersion de ses chers trésors[226.2].

Un Américain, M. Bryan, nous conte M. Jules Claretie[226.3], avait fait don, il y a quelques années, à la Bibliothèque de l’Arsenal, d’une magnifique collection de livres romantiques, parmi lesquels se trouvaient un exemplaire du célèbre Paul et Virginie, de Curmer, « sur chine, avec le chiffre de Jules Janin, J.J., couronné de roses, sur la reliure pleine, » et une Notre-Dame de Paris, sur chine également, d’une valeur de quinze mille francs. Un jour on annonça à M. de Heredia, administrateur de ladite bibliothèque, un vieux monsieur à l’air fort pauvre, qui désirait lui parler. C’était M. Bryan. Il dit simplement : « Je voudrais revoir mes livres ». On le plaça devant ces belles reliures ; et, en feuilletant celle Notre-Dame de Paris et ce Paul et Virginie, il les regardait avec de tels yeux que M. de Heredia se demanda si le donateur ne rêvait pas de les reprendre. Mais non, il s’éloigna tranquillement. Deux jours plus tard, on apprenait qu’il s’était tué : avant de se donner la mort, il avait tenu à contempler une dernière fois ces livres qui avaient jadis tant réjoui ses yeux.

Une des plus singulières morts que les livres aient causées, c’est celle du marquis de Chalabre (xixe siècle), succombant au désespoir qu’il éprouvait de ne pouvoir se procurer un volume qui n’existait pas, une Bible, « qu’en un moment d’humour, avait inventée Charles Nodier[227.1] ».

Pétrarque (1304-1374) mourut en belle place, et comme devrait mourir tout bibliophile. Ses gens s’étonnaient de ne pas le voir sortir de sa bibliothèque : « Il y reste bien longtemps aujourd’hui… Peut-être est-il malade ? » Doucement on entre, on s’approche…. Il était assis près de la fenêtre, un livre entre les mains, sans bouger. « Il dort sans doute…. » Mais non :

Sur son Virgile ouvert le doux Pétrarque est mort[228.1].

Le journaliste Armand Bertin (1801-1854), directeur des Débats, qui possédait une des plus belles collections de livres qui existât, s’éteignit de même dans sa bibliothèque. C’était quelque temps après la mort de sa femme, qu’il chérissait. Très malade, moribond, il s’était fait transporter au milieu de ses livres, avait pris entre ses mains un volume particulièrement aimé de sa défunte compagne, et il le feuilletait, le contemplait, quand la mort vint lui clore les yeux[229.1].

Jacques-Charles Brunet (1780-1867), l’auteur du Manuel du libraire, mourut pareillement, assis dans son fauteuil, au milieu de ses livres, après une longue vie, toute consacrée à l’étude et au travail. Il pouvait se dire et disait de lui-même : « … Si le caractère et l’esprit ont été souvent dominés par le tempérament ; si, par conséquent, je suis resté un homme médiocre, je ne dois pas regarder cela comme un malheur, puisque j’ai été préservé de l’ambition, qui trop souvent tourmente les esprits plus brillants et plus ardents que le mien, et que, satisfait d’une modeste fortune, fruit de travaux utiles, j’ai pu jouir d’une douce indépendance, et couler des jours paisibles, au milieu des agitations qui ont renversé, à côté de moi, tant d’existences en apparence dignes d’envie[229.2] ».

C’est dans sa bibliothèque aussi que mourut le collectionneur Motteley (….-1850)[230.1]. il y a un demi-siècle, « Motteley, nous conte M. Firmin Maillard[230.2], était un amateur enragé et jaloux ; chaque porte de son appartement était garnie d’une serrure à secret, et la porte d’entrée, outre la serrure ordinaire, était encore agrémentée d’un énorme cadenas. Il recevait fort peu, n’aimant pas les visites, et se refusait obstinément de faire à sa demeure les réparations les plus urgentes, dans la crainte d’un contact imprévu, mais possible, entre des ouvriers aux mains blanches de plâtras et les superbes reliures de ses livres, lesquels furent seuls témoins de sa mort, qui arriva brusquement, au milieu de la nuit. Son cabinet valait bien cent mille francs, mais on ne découvrit chez lui qu’une somme à peine suffisante pour le faire enterrer. »

Motteley légua à l’État sa bibliothèque, riche en éditions elzéviriennes, en manuscrits à miniatures et en magnifiques reliures françaises et étrangères. Il eut soin, d’ailleurs, dans son testament[230.3], de bien spécifier que cette collection serait placée « dans une galerie ou salon portant cette inscription : Musée bibliographique formé par le bibliophile Motteley » ; et il exigea que le célèbre bibliophile Paul Lacroix[230.4] fût spécialement chargé de rédiger une notice sur sa bibliothèque, et d’en composer le catalogue, à l’adresse de la postérité, travail important, qui devra être, ajoutait-il, « rémunéré d’une manière digne du gouvernement français ».

Ces admirables livres de Motteley, qui avaient été déposés à la Bibliothèque du Louvre, furent dévorés par le feu, durant les incendies de mai 1871.

Parmi les bibliophiles et savants morts des chutes qu’ils ont faites, du haut d’un escabeau ou d’une échelle, en essayant d’atteindre quelque rayon supérieur de leur bibliothèque, — tués ainsi et aussi au champ d’honneur, — on nomme l’illustre bibliothécaire de Dresde, F. A. Ebert (1791-1834)[231.1] ; le marquis de Morante (1808-1868), bibliophile espa­gnol[231.2] ; « le zélé Rover (….-….), mort à quatre-vingt-deux ans, d’une chute qu’il fit en prenant un de ces volumes au milieu desquels il passa sa vie dans la plus sauvage retraite[232.1] ».

Le savant historien et épigraphiste allemand Théodore Mommsen (1817-1903), s’étant rendu, un soir de janvier 1903, dans sa bibliothèque, avec une bougie à la main, communiqua le feu à ses longs cheveux blancs, et fut très grièvement brûlé à la tête et au visage[232.2]. Il mourut le 1er novembre suivant.

Un des plus curieux types de « bibliolâtres » qui aient existé fut Antoine Magliabecchi (1633-1714), de Florence, « l’un des hommes les plus extraordinaires de son siècle[233.1] ». Né « dans la dernière classe du peuple », Magliabecchi avait commencé par être au service d’un marchand de fruits et de légumes[233.2]. Quoiqu’il ne sût pas lire, une espèce d’instinct lui tenait sans cesse les yeux fixés sur les maculatures et les feuilles des vieux livres destinées à envelopper la marchandise vendue. Un libraire du voisinage, ayant remarqué cette particularité, interrogea l’enfant, qui lui avoua combien il s’ennuyait chez le marchand fruitier, et quelle serait sa joie s’il pouvait être à son service, dans une maison pleine de livres. Il obtint cette faveur, et son nouveau maître reconnut bientôt combien il avait lieu de s’applaudir de son acquisition ; car le jeune apprenti, par sa mémoire incroyable, fut, au bout de quelques jours, en état de trouver plus promptement que le libraire lui-même tous les livres qu’on lui demandait. Ce fut là qu’il apprit à lire et qu’il connut Michel Ermini, bibliothécaire du cardinal de Médicis, qui l’aida de ses conseils et de ses leçons. Sous la direction de ce maître, il fit de rapides progrès. Il étudiait sans cesse, et il était doué d’une mémoire si heureuse, qu’il n’oubliait, pour ainsi dire, rien de ce qu’il avait lu. Il devint bientôt « l’oracle des savants » : il répondait à toutes leurs questions avec une précision admirable, citant l’auteur, l’édition et la page même où l’on pouvait trouver la solution des difficultés qu’on lui proposait. Aussi le Père Angelo Finardi trouva[234.1], dans les mots Antonius Magliabecchius, l’anagramme Is unus bibliotheca magna : « Celui-ci est, à lui seul, une grande bibliothèque ».

Le grand-duc Cosme III, informé du mérite de ce jeune homme, le nomma conservateur de la bibliothèque qu’il venait d’établir dans son palais, et l’autorisa en même temps à faire copier les manuscrits de la Laurentienne qu’il croirait utiles au public. Magliabecchi se trouva là dans son élément ; mais l’immense quantité de livres dont il était entouré ne suffisait pas à son insatiable avidité. Non seulement il parvint à retenir la place où était chaque livre dans ces deux vastes bibliothèques, de manière à pouvoir le retrouver au besoin les yeux fermés, mais il voulut se rendre aussi familières les autres bibliothèques principales de l’Europe. Bien qu’il ne se fût jamais éloigné de Florence que de quelques lieues, il vint à bout, par la lecture des catalogues, tant imprimés qu’inédits, par sa correspondance et par ses entretiens avec les plus savants voyageurs, de connaître mieux que personne tous les grands dépôts littéraires ; et sa mémoire prodigieuse les lui rendait toujours présents. On raconte, à ce sujet, qu’un jour le grand-duc lui ayant demandé un ouvrage fort rare, Magliabecchi lui répondit :

« Monseigneur, il m’est impossible de vous le procurer ; il n’y en a au monde qu’un exemplaire, et cet exemplaire se trouve à Constantinople, dans la bibliothèque du Grand Turc : c’est le septième volume de la deuxième armoire du côté droit, en entrant. »

Magliabecchi « avait une manière particulière de lire ou plutôt de dévorer les livres. Quand un ouvrage nouveau lui tombait sous la main, il examinait le titre, puis la dernière page, parcourait les préfaces, dédicaces, tables, jetait un coup d’œil sur chacune des divisions principales, et avait alors assez vu pour être en état de rendre compte non seulement de ce que le livre contenait, mais encore des sources où l’auteur avait puisé.

« Devenu bibliothécaire, Magliabecchi ne changea rien à ses habitudes ; il était toujours négligé dans sa mise, et il avait pour tout ameublement deux chaises et un grabat sur lequel il passait le petit nombre d’heures qu’il ne pouvait pas dérober au sommeil ; le plus souvent même il dormait tout habillé sur sa chaise ou sur les papiers et brochures dont son lit était toujours couvert ; il ne sortait de son cabinet que pour se rendre à la bibliothèque, dans les moments où elle était ouverte ; et il venait aussitôt après se renfermer au milieu de ses livres[236.1]. »

Un professeur hollandais, Heyman, de passage à Florence, alla faire visite à Magliabecchi, et il nous a laissé une relation détaillée de cette entrevue, ainsi que des renseignements circonstanciés sur ce bibliographe, « un des plus passionnés, et dont l’existence fut une des plus singulières que l’on connaisse[236.2] ».

« Heyman le trouva au milieu d’un nombre prodigieux de livres ; deux ou trois salles du premier étage en étaient remplies. Non seulement il les avait placés dans des rayons, mais il en avait encore disposé par piles, au milieu de chaque pièce, de sorte qu’il était presque impossible de s’y asseoir, et encore moins de s’y promener. Il y régnait cependant un couloir fort étroit, par lequel on pouvait, en marchant de côté, passer d’une chambre à une autre. Ce n’est pas tout : le corridor du rez-de-chaussée était chargé de livres, et les murs de l’escalier en étaient tapissés, depuis le haut jusqu’en bas. Parvenu au second étage, vous étiez tout surpris d’en voir les salles inondées comme celles du premier ; elles en étaient tellement encombrées, que deux beaux lits, qui s’y trouvaient montés, disparaissaient, pour ainsi dire, sous leur prodigieux amas.

« Cette confusion apparente n’empêchait cependant pas Magliabecchi de trouver les livres dont il avait besoin ; il les connaissait si bien, et même les plus petits d’entre eux, qu’il les distinguait à la couverture. Il mangeait sur ses livres, dormait sur ses livres, et ne s’en séparait que le plus rarement possible.

« Il ne sortit, pendant tout le cours de sa vie, que deux fois de Florence : l’une pour aller voir Fiesole, qui n’en est éloignée que de deux lieues, et l’autre pour se rendre à dix milles de cette capitale, par ordre du grand-duc.

« Rien n’était plus simple que sa manière de vivre : quelques œufs, un peu de pain et de l’eau faisaient sa nourriture ordinaire. Un tiroir de sa table s’étant trouvé ouvert, M. Heyman y vit des œufs et de l’argent que Magliabecchi y avait mis pour son usage journalier ; mais, comme ce tiroir n’était jamais fermé, il arrivait souvent que les domestiques de ses amis, ou des étrangers qui venaient pour le voir, lui volaient, soit de l’argent, soit des œufs. »

Son habillement, en rapport avec sa manière de vivre, « se composait d’une veste brune, qui lui tombait sur les genoux, d’un pantalon, d’un manteau noir plein de pièces et de coutures, d’un chapeau déformé, à grands bords, percé de toutes parts, d’une large cravate toute farcie de tabac, d’une chemise sale, qu’il ne quittait jamais tant qu’elle durait, et qu’on voyait à travers les coudes percés de son habit. Une paire de manchettes, qui ne tenaient pas à la chemise, complétait cette brillante toilette. »

Ludovic Lalanne nous apprend, en outre, que, toujours environné de livres, et ne s’embarrassant de rien autre chose, Magliabecchi paraissait ne s’intéresser qu’à une seule sorte d’êtres vivants, aux araignées, « qui ne manquaient pas de pulluler au milieu d’un pareil taudis. Il avait une telle affection pour ces insectes, qu’il lui arrivait souvent de crier aux visiteurs qui ne mettaient pas assez de précaution dans leurs mouvements : « Prenez garde de faire du mal à mes araignées ».

Cet étrange personnage, aussi studieux et érudit que maniaque, jouissait, dans le monde savant, — et malgré certaines accusations auxquelles il fut en butte dans sa patrie, — de la plus haute estime. Le pape et l’empereur tentèrent de l’attirer auprès d’eux, mais il resta sourd à leurs offres et à leurs instances, et persista à ne pas quitter sa ville natale.

Le grand-duc, qui appréciait de plus en plus son savoir et ses mérites, le traitait, d’ailleurs, avec les plus affectueux égards. Il lui avait fait préparer dans son palais même un appartement commode, afin de le mettre plus à portée de recevoir les soins qu’exigeait son grand âge ; mais Magliabecchi ne l’occupa que quelques mois, et trouva un prétexte pour retourner dans sa maison, où il était plus libre. Il renvoyait le soir son domestique, et passait une partie de la nuit à lire, jusqu’à ce que le livre lui tombât des mains, ou qu’il tombât lui-même accablé de sommeil. Il lui arriva plus d’une fois de mettre le feu à ses vêtements ou à ses meubles et ses papiers, en renversant ainsi le réchaud de charbon, le couvet, qu’il portait toujours avec lui pendant l’hiver ; et, sans un prompt secours, sa maison eût été incendiée.

Au mois de janvier 1714, ce savant, sortant de chez lui, fut saisi d’un tremblement violent et d’une faiblesse qui l’obligèrent à rentrer ; dès ce moment, il ne fit plus que languir, et il mourut le 2 juin de la même année, à l’âge de quatre-vingt-un ans.

Par son testament, Antoine Magliabecchi légua à sa ville natale sa bibliothèque, composée de 30 000 volumes, avec une rente pour l’entretenir : cette collection, qui s’est beaucoup accrue depuis, est aujourd’hui la plus considérable de Florence, et elle porte encore le nom de « Bibliothèque Maglia­becchiana »[239.1].

Un autre des plus beaux exemples qu’on puisse citer de dévouement aux livres, et aussi de souffrance pour les livres, c’est celui du prélat polonais Joseph-André Zaluski (1701-1774), évêque de Kiew (en russe Kiev ou Kief), dont toute la fortune, tout le temps et toutes les forces furent consacrés à rassembler une bibliothèque qui finit par compter 200 000 volu­mes[240.1]. Jamais, en Europe, un simple particulier n’avait jusqu’alors formé à ses frais une collection aussi considérable. Mais à quel prix ! « Joseph-André était si zélé pour l’agrandissement de sa bibliothèque, dit l’historien Félix Bent­kowski[240.2], qu’afin de pouvoir en soutenir les frais et l’enrichir, il prenait sur son nécessaire ; n’ayant fait à midi qu’un repas frugal, il ne mangeait pour son souper qu’un morceau de pain avec du fromage. »

La bibliothèque de Zaluski, qu’il avait généreusement offerte à ses concitoyens, fut ouverte au public en 1745, et devint la « Bibliothèque nationale polonaise » ; mais les Polonais n’en profilèrent que jusqu’en 1795. A cette époque, les Russes s’étant emparés de la capitale de la Pologne, l’ordre fut donné d’envoyer celle bibliothèque à Saint-Pétersbourg. Les livres furent jetés sans précaution dans de mauvaises charrettes, et, quand il en tombait, les Cosaques chargés d’accompagner ce précieux convoi s’en servaient pour allumer leurs pipes.

On a dit de Zaluski ce qu’on avait dit de Magliabecchi, qu’il était « une bibliothèque vivante ».

Arrêté en 1767 par ordre du prince Repnin, ambassadeur russe à Varsovie, qui fomentait la discorde dans la nation polonaise, afin de la subjuguer plus aisément, l’évêque Zaluski fut conduit à Zaluga, où il resta prisonnier jusqu’en 1773. « Par bonheur, sa bibliothèque lui était présente, quoiqu’il l’eût laissée à Varsovie, et, pour charmer l’ennui de son cachot, il feuilletait de mémoire les livres qu’il avait ramassés au prix de tant de privations[241.1]. »

A son retour en Pologne, il eut la douleur de trouver cette bibliothèque, l’œuvre de toute sa vie, et dont il avait si libéralement doté son pays, tout en désordre et mise au pillage. Heureusement encore qu’il mourut avant de la voir enlevée par les Russes, comme nous l’avons dit, et transportée à Saint-Pétersbourg.

 

Lauwers (….-1829), « l’héroïque Lauwers », comme l’appelle M. Gustave Mouravit[241.2], a bien droit aussi à une place dans cette galerie des amants et martyrs du livre. Pour accroître sa bibliothèque, il se soumettait aux plus dures privations, « passant l’hiver sans feu et sans lumière ; déjeunant et dînant avec deux sous par jour ; austère anachorète, courageux confesseur de la bibliomanie, que la mort surprit, les regards fixés sur ses collections immenses, dont il n’avait pas voulu ôter le plus mince volume, pour en faire l’échange contre une dernière bouchée de pain[242.1] ».

 

Et le bibliophile belge Van Hulthem (1764-1832) : « … La table sur laquelle il prend son modeste repas est couverte de livres, et à peine y a-t-il place pour étendre une serviette ; l’alcôve dans laquelle il couche en est encombrée ; il craint si fort la poussière et la fumée pour ses livres qu’il n’a jamais voulu de feu dans sa chambre durant les plus rudes hivers ; et lorsque le froid est trop intense et qu’il éprouve, étant au lit, de la peine à se réchauffer, il se fait mettre sur les pieds un de ses in-folio[242.2]. »

Pendant l’hiver rigoureux de 1825, Van Hulthem revenait en diligence du fond de la Hollande ; « il avait oublié son manteau, et il tenait sur ses genoux, avec opiniâtreté, deux magnifiques in-quarto qu’il n’avait pas voulu confier à sa malle, de crainte qu’ils ne se détériorassent par le frot­tement[243.1]. »

Cet intrépide collectionneur « mourut glorieusement, sur un tas de livres, le 16 décembre 1832, raconte un de ses bio­graphes[243.2]. Il avait été frappé d’apoplexie ; mais la chaleur de son appartement n’y était pour rien, car il ne souffrait, en aucune saison, que l’on fît du feu dans sa chambre : selon lui, cela eût pu ternir la reliure de ses précieux volumes. Durant les grands froids, il se faisait mettre sur les pieds un in-folio. Son livre de prédilection, dans ces occasions exceptionnelles, était un certain Barlæus de dimensions honnêtes, et qui, racontant les conquêtes des Hollandais sous les tropiques, devait sans doute déverser sur les pieds de l’heureux dormeur la bienfaisante chaleur que rappelle si souvent l’historien. »

 

Un autre bibliophile, J.-F. Chenu (xixe siècle), « qui publia de charmantes éditions, la joie des amateurs, » ce qui ne l’enrichit pas, aima mieux mourir pauvre, au milieu de ses livres, que de les vendre pour augmenter ses maigres res­sources[243.3].

 

Un conservateur à la Bibliothèque de l’Arsenal, Jean Baptiste-Augustin Soulié (1780-1845), que sa physionomie distinguée et mélancolique avait fait surnommer « le beau ténébreux », passa sa vie au milieu de ses rayons, sans vouloir jamais en sortir sans jamais connaître d’autres plaisirs, et traça ainsi l’épitaphe à graver sur sa tombe :

En naissant je fus orphelin ;
Je vécus seul à mon aurore,
Je vécus seul à mon déclin,
Et, seul ici, je suis encore[244.1].

Écoutez ce récit des derniers jours d’un autre fervent de l’étude et des livres, de l’érudit philologue Alexandre Timoni (….-1856). Il savait, paraît-il, une vingtaine de langues, et ne quittait sa chambre que pour se rendre dans les bibliothèques publiques. « Une petite rente sur un immeuble de Constantinople l’empêchait seule de mourir de faim…. Il avait cherché à donner des leçons, mais n’avait trouvé qu’un élève, un Arménien, à qui il enseignait le grec moderne, et qui le payait en lui apprenant à son tour à bien prononcer l’arménien.

« Un mois avant sa mort, Timoni ayant prié M. Blancard (son intime ami, ancien secrétaire de l’École d’Athènes), de le mener en consultation chez un médecin, et n’étant pas venu au rendez-vous, M. Blancard alla rue des Vieux-Augustins, où il trouva le savant dans son pauvre logis, sans feu, assis devant sa table, au milieu de ses livres et de ses paperasses, grelottant dans une guenille qui jadis avait été un manteau.

« Je n’ai pas froid, dit-il à M. Blancard, qui lui faisait des offres de service ; je ne fais jamais de feu, et, quand la température est plus rigoureuse, j’ai un autre manteau tout neuf. Je me trouve mieux à présent ; j’irai pourtant chez le médecin avec vous ; j’ai voulu pourvoir à des besoins plus pressés ; j’ai été me confesser (c’était un catholique fervent) et je viens de faire mon testament. »

« A son concierge qui, pris de pitié en le voyant passer exténué, amaigri, lui offrait un bouillon et un verre de vin, il répondait doucement : « Mon ami, les philosophes savent se passer de ces choses-là ».

« La petite pension n’arrivait pas ; il l’attendait anxieusement, mais n’en soufflait mot à personne.

« Il ne s’est pas alité et n’a pas même gardé la chambre ; presque jusqu’au dernier jour, il alla travailler dans les bibliothèques ; un matin, le concierge ne le voyant pas paraître monta à sa chambre et le trouva, comme toujours, assis devant sa table, mais la tête tombée sur ses manuscrits. Il était mort… de n’avoir pas mangé depuis bien des semaines.

« Quelques heures après sa mort, arrivait la petite rente qu’il n’avait pu attendre plus longtemps. Cette rente, il la laissa par testament à l’église des Petits-Pères, ainsi que de précieux manuscrits à la Bibliothèque Mazarine. Il avait environ deux mille volumes et quelques objets d’art, qu’il a aimés jusqu’à la mort et qu’il ne lui est pas venu à l’idée de chercher à vendre — pauvre savant ! — afin de durer un peu plus.

« Son concierge et son élève l’Arménien l’accompagnèrent seuls à sa dernière demeure…. « Le malheureux est toujours seul, » disait-il souvent[246.1]. »

 

Non moins émouvante fut la fin du philosophe cartésien, catholique et libéral, Bordas-Demoulin (1798-1859), qui consacra son existence à l’étude et à la recherche de ce qu’il estimait être la vérité. Plein d’insouciance pour la vie matérielle, Bordas ne parvenait pas à se suffire à lui-même, et, maintes fois, sans quelques amis, il serait littéralement mort de faim. Il lui arrivait de garder le lit des journées entières, parce qu’il ne pouvait se tenir debout et encore moins marcher, tant était grande sa faiblesse, due au manque de nourriture. On le voyait toujours sordidement vêtu, chaussé de vieux souliers ramassés au coin des bornes, et toujours oublieux de sa misère, de ce qu’il appelait cependant « les extrémités terribles »[246.2].

Bordas-Demoulin « habitait une petite mansarde de la rue des Postes, où il vivait dans le travail et dans la pauvreté, et, la veille du jour où il s’alita, il était descendu dans la rue, se traînant avec peine, pour acheter, des derniers sous qui lui restaient, son triste déjeuner. Passant devant l’étalage d’un bouquiniste, il aperçut une brochure traitant de sujets qui l’intéressaient ; — en l’achetant, il ne lui restait plus rien… ; il n’eut ni hésitation ni lutte : il l’acheta, et remonta tranquillement dans sa mansarde, d’où il ne devait plus sortir que pour aller mourir à l’hôpital[247.1]. »

 

Citons encore le professeur et écrivain genevois Gaullieur (1808-1859), qui, « sobre comme un ascète, ayant l’art de porter vingt ans le même habit sans sordidité, économisait sou par sou sur un maigre traitement, sur sa pitance, sur ses vêtements, sur tout, pour pouvoir, nous apprend le journaliste et critique Henri de la Made­lène[247.2], venir de temps en temps à Paris, avec un petit sac d’écus, à la chasse des livres rares. Il fallait le voir à la salle Silvestre, certains jours de ventes célèbres ! Quelles émotions et quelles angoisses ! Aurait-il assez d’argent pour rester dernier enchérisseur du livre envié, et ses rivaux n’allaient-ils pas le pousser au delà de ses forces ? Comme il respirait largement, après ces victoires si chèrement achetées, et comme il s’enfuyait bien vite avec sa conquête ! Un jour, il m’en souvient, je le rencontrai rue de Seine. Il déjeunait, en marchant, d’un petit pain d’un sou, et feuilletait avec ivresse un petit in-douze, relié en parchemin, merveille typographique de Jean de Tournes, célèbre imprimeur lyonnais. Le brave Gaullieur venait, sans hésiter et tout ravi de l’aubaine, de payer ce bouquin quelque chose comme dix louis. Ah ! l’heureux homme, et la belle journée ! et que ce petit pain d’un sou était bon à manger ce matin-[248.1] ! »

Parmi les plus insatiables acquéreurs de livres et les maniaques qui en achètent d’innombrables quantités pour n’en rien faire, ne pas même les regarder, nommons :

 

Jean Harius (xvie siècle), chanoine de Gorcum, « qui, transportant ses livres à la Haye, en encombre tellement le port que la ville en est stupéfaite » et qu’il en reçoit le joli surnom de Jean des Livres. Achetée par Charles-Quint, qui la rendit publique, cette bibliothèque « formidable » fut dispersée durant les guerres civiles de la Hollande[249.1].

 

Le duc et maréchal d’Estrées (1660-1737) : « Ce qu’il amassa de livres rares et curieux, raconte Saint-Simon[249.2], d’étoffes, de porcelaine, de diamants, de bijoux, de curiosités précieuses de toutes les sortes, ne se peut nombrer, sans en avoir jamais su user. Il avait cinquante-deux mille volumes, qui, toute sa vie, restèrent en ballots presque tous à l’hôtel de Louvois. »

 

Le financier portugais Grapina (xviiie siècle) avait fait transporter dans un village, aux environs de Lisbonne, sa magnifique bibliothèque, et, comme on s’étonnait de voir, au milieu de ce désert, tant de beaux livres, qui ne pouvaient servir à personne : « Précisément ! s’exclama-t-il. C’est bien pour cela ! A Lisbonne, j’étais obsédé de visiteurs qui, nuit et jour, avaient les yeux et les doigts sur mes livres, et les usaient…. Car, voyez-vous, je ne ressemble pas à cet ignorant qui ne jugeait de la bonté d’un livre que par sa vieillesse ; moi, j’en juge par la beauté de la reliure, et, dès que cette beauté est altérée, qu’elle fait défaut, je mets le volume au rebut. Je suis si délicat, si exigeant sur cet article, que je ne lis jamais mes livres, que je n’ose pas les toucher, de peur de les gâter[250.1]. »

 

Le célèbre bibliomane anglais, sir Richard Heber (1773-1833), possédait la collection de livres la plus considérable qui ait jamais appartenu à un simple particulier. Trois de ses châteaux étaient littéralement pleins de vieux livres. Il achetait des livres dans tous les pays, et possédait des bibliothèques dans les principales villes de l’Europe, notamment à Oxford, à Paris, à Bruxelles, à Gand et à Anvers. Comme il y avait de ces villes où il n’allait jamais, il s’est trouvé propriétaire d’innombrables volumes qu’il n’a jamais vus[251.1].

 

Mais le plus fameux peut-être dans cette catégorie, c’est notre concitoyen Boulard, Antoine-Marie-Henri Boulard (1754-1825)[251.2], exécuteur testamentaire de La Harpe, à qui, durant la Révolution, il avait quasiment sauvé la vie[251.3], ancien notaire, devenu maire du XIe arrondissement de Paris[252.1], et député sous le premier Empire, qui remplit de livres, de la cave aux mansardes, plusieurs maisons, cinq, dit l’un ; six, assure un autre ; et même huit, d’après un troi­sième[252.2]. Boulard, qui avait fait d’excellentes études, qui possédait, outre les langues anciennes, les langues vivantes les plus usuelles, parlant l’anglais et l’allemand aussi couramment que le fran­çais[253.1], a publié quantité d’ouvrages, des études historiques, littéraires et scientifiques notamment, et des tra­ductions[253.2]. Son obligeance et sa générosité étaient, comme son aimable caractère, sa courtoisie et son esprit, connues et appréciées de tous, et l’on est allé jusqu’à dire que si Boulard est devenu un bouquineur enragé, ce fut principalement pour rendre service aux bouquinistes[253.3].

« Le désir de conserver à la France une partie de ses richesses littéraires lui avait fait, dès les premières années de la Révolution, former une bibliothèque qui s’accrut successivement, au point d’être, après celle du roi, la plus nombreuse de Paris, a écrit un de ses bio­graphes[254.1]. Si, comme on la dit, le goût d’acheter des livres était devenu, dans Boulard, une sorte de manie, on conviendra du moins qu’il n’en est pas de plus respectable. Mais on a rencontré plus juste en attribuant les acquisitions qu’il faisait chaque jour sur les quais, dans les dernières années de sa vie, au désir qu’avait cet excellent homme d’aider, par des encouragements pécuniaires, la partie la plus souffrante du commerce de la librairie. Dans cette louable intention, il lui est arrivé souvent d’acheter un grand nombre d’exemplaires du même ouvrage. Tous les étalagistes de Paris le connaissaient et le respectaient. Il les visitait tous au moins une fois par semaine, et ne rentrait jamais chez lui sans être chargé de livres, et après en avoir rempli ses énormes poches, qu’il avait fait faire exprès[255.1]. C’est d’un goût si estimable et d’intentions aussi pures que la malignité s’est emparée. On a fait contre le bibliomane Boulard des épigrammes et des caricatures qu’il a connues, et qui ont jeté beaucoup d’amertume sur les dernières années de sa vie. Il ne laissait passer aucune occasion de manifester son zèle pour le bien public et la gloire de la patrie. C’est ainsi qu’en 1817 il réclama en faveur des tombes oubliées de Boileau, de Descartes, de Montfaucon et de Mabillon, et les fit rétablir dans l’église de Saint-Germain-des-Prés. »

Le docteur Descuret, qui a particulièrement étudié le processus du cas de Boulard, « la seconde providence des bouquinistes », comme il l’appelle, nous donne à son sujet les détails suivants :

« … En femme prudente, Mme Boulard conseillait à son mari de lire avant de continuer à acheter[256.1]. Inutile conseil : les nouveaux volumes arrivaient par masses, par toises carrées ; toutes les pièces de l’appartement furent envahies et converties en quatre grandes rues toutes garnies de rayons de livres.

« Cependant Boulard devient moins aimable, sort plus tôt, ne déjeune plus chez lui ; un jour même, ne rentre ni dîner ni coucher…. On ne tarde pas à apprendre qu’il passe des journées entières dans une de ses maisons, dont il avait successivement expulsé tous les locataires, et qu’il venait de métamorphoser en une vaste bibliothèque. Il achetait alors des livres par voitures…. Boulard promit bien à Mme Boulard de n’acheter aucun livre sans sa permission. Mais, quelques mois après celle résolution, sa santé décline ; il perd peu à peu les forces et l’esprit et est en proie à une fièvre consomptive, sorte de nostalgie causée par l’ennui de ne plus acheter de livres[257.1]…. Pour remettre sa santé, Mme Boulard lui permit fréquemment d’enfreindre sa promesse…. On le voyait alors cheminant sur les quais, enveloppé d’une immense redingote bleue, ses vastes poches de derrière chargées de deux in-quarto, et celles de devant d’une dizaine d’in-dix-huit ou d’in-douze : c’était alors une vraie tour ambulante[257.2]…. »

Boulard, au début surtout, ne bouquinait ni n’achetait au hasard. Il commença par rechercher de préférence les éditions princeps d’Alde Manuce et des manuscrits du moyen âge ; puis il se mit à collectionner les volumes de grand format, et « finit par croire et par professer que tout ce qui était in-quarto, et à plus forte raison in-folio, avait droit à son hospitalité, attendu que les éditeurs modernes avaient, à tort, selon lui, renoncé à de beaux formats, pour cultiver les in-octavo, les in-douze et même les in-dix-huit[257.3] ». C’était là, de sa part, une étrange aberration, vu l’indiscutable et évidente incommodité des grands formats.

Au dire de Mary Lafon[258.1], la veille du jour où Boulard allait acheter la neuvième maison qui devait abriter ses livres, « il gonfla si bien les poches de sa houppelande monstre, que pas un fiacre ne voulut se charger de lui. Plutôt que de se séparer de ses bouquins chéris, il essaya de se traîner vers ses foyers, où il ne parvint que le soir, inondé de sueur. On voulut l’empêcher d’aller ranger lui-même les bouquins dans la cave de la dernière et seule maison où il restât un coin de libre encore ; mais il n’écouta personne, et gagna une pleurésie qui l’emporta. » On peut donc dire que, lui aussi, mourut sur le champ de bataille[258.2].

La bibliothèque de Boulard, qui se composait d’environ 600 000 volumes, fut vendue et retourna en grande partie là d’où elle était venue, chez les bouquinistes des quais. La section de l’histoire et des voyages, qui formait le tome cinquième du catalogue dressé pour cette vente, fut achetée en bloc par le rival de Boulard, par le bibliomane anglais dont nous parlions tout à l’heure, sir Richard Heber : « Après la vente Boulard, qui dura de 1828 à 1833, ajoute M. Numa Raflin[259.1], les étalagistes de Paris furent tellement encombrés, que, pendant plusieurs années, les livres d’occasion ne se vendaient plus que la moitié de leur valeur habituelle. »

Au lieu de prendre la peine d’acheter tant de livres et de se donner l’embarras de les caser et de les aligner, certains « amateurs » se sont avisés de faire peindre sur les panneaux de leur appartement des rangées de volumes vus de dos, de façon à imiter des bibliothèques. Turgot, à l’époque où il était intendant de Limoges, en 1761, avait fait ainsi « orner » son cabinet de travail : « Sur une porte où sont simulées des tablettes en rapport avec les rayons de la bibliothèque, figurent des livres également fictifs, et dont les titres sont évidemment l’œuvre de Turgot, » dit Tenant de Latour, qui a consacré à cette bibliothèque de Turgot tout un chapitre de ses Mémoires d’un biblio­phile[259.2]. Ajoutons que ces titres, imaginés par le caustique intendant et inscrits au dos de ces volumes de bois, cachent, pour la plupart, quelque satirique allusion. On y trouve ceux-ci, par exemple : Art de compliquer les questions simples, par l’abbé Galiani ; — Véritable utilité de la guerre, par les frères Paris (qui s’étaient enrichis comme fournisseurs des armées) ; — Dictionnaire portatif des métaphores et des comparaisons, par S.-N.-H. Linguet (trois énormes volumes) ; — Du pouvoir de la musique, par M. Sedaine (de méchantes langues attribuaient la réussite des pièces de Sedaine aux charmantes compositions de Grétry et de Monsigny) ; — De l’emploi des images en poésie, par M. Dorat (on sait que le succès des Baisers de Dorat fut dû uniquement aux admirables gravures d’Eisen) ; etc.

On rencontre encore fréquemment des bibliothèques de ce genre, — de ces rangées de livres peintes sur des panneaux de bois, principalement sur des portes, comme pour les masquer ; — il existe des spécimens de ces bibliothèques fictives ou bibliothèques factices, notamment dans le château de Compiègne et dans celui de Chantilly.

Le mot de Diogène (413-323 av. J.-C.) : « Avoir des livres sans les lire, c’est avoir des fruits en pein­ture[260.1], » se vérifie donc ici textuellement et se matérialise en quelque sorte.

« Il vous faut à tout prix de longues rangées de volumes, écrit à ce propos M. Mouravit[261.1] ; il faut que lambris et murailles disparaissent sous les files interminables de livres soigneusement alignés : eh bien ! suivez cette naïve pratique de vos bons aïeux en bibliomanie, qui faisaient figurer dans leurs cabinets d’amples bibliothèques où les volumes n’existaient guère que par des dos factices, qui réussissaient plus ou moins à faire illusion : vénérable coutume dont Sauval[261.2] avait parlé avant La Bruyère[261.3], et qui a pour soi, outre l’économie, l’avantage immense de rendre à la circulation des richesses immobilisées aux mains des plus sordides de tous les avares.

« Les Anglais, nos maîtres ici encore, avaient reconnu l’excellence de cette louable pratique : « Mylord est curieux en livres, nous dit Pope[261.4]…. Il vous en fait parcourir tous les dos, chacun avec la date de sa publication…. Admirez ces livres de vélin ou ces livres de bois magnifiquement décorés : pour l’usage que mylord en fait, ces derniers sont aussi bons que les autres. »

Le même bibliographe, M. Gustave Mouravit, mentionne deux autres bibliothèques factices, celle d’Eugène Scribe (1791-1861), l’auteur dramatique, et celle du roi de Naples Ferdinand IV (1751-1825), époux de la fameuse Marie-Caroline, chez qui « on vit une collection rivale de celle de Turgot ; mais le monarque y mit moins de malice, et voici ce qu’on lit, à ce propos, dans la Revue germanique (juin 1862, page 377) : « J’avisai, dans la chambre à coucher du feu roi, une fort belle bibliothèque fermée par des portes vitrées, et je voulus y prendre un livre. Elle contenait la fleur de la littérature italienne…. Ces livres que j’avais admirés étaient des morceaux de bois figurant des volumes et portant au dos le titre des ouvrages qu’ils représentaient[262.1]. »

[II.232.216]
  1.  L’Amateur de livres, dans les Français peints par eux-mêmes, t. II, p. 84. (Paris, Delahays, s. d.) Voir aussi, du même délicat écrivain, qui a tant aimé les livres et les connaissait si bien, le Bibliomane (dans les Contes de la veillée, pp. 268-281 ; Paris, Charpentier, 1875). Ce bibliomane, que nous peint Charles Nodier, ou plutôt dont il prononce devant nous l’oraison funèbre, « sur la tombe duquel il vient jeter des fleurs », « ce bon Théodore », qui a passé sa vie au milieu des livres et ne s’occupait que de livres, avait coutume de ne regarder les femmes « qu’au pied », et quand une chaussure élégante avait frappé son attention : « Hélas ! soupirait-il avec un gémissement profond, voilà bien du maroquin perdu ! Que de belles reliures on ferait ! » Pendant vingt ans. Théodore n’a eu qu’une dispute avec son tailleur : « Monsieur, lui dit-il un jour, cet habit est le dernier que je reçois de vous, si l’on oublie encore une fois de me faire des poches in-quarto ». Sur sa tombe, on grava l’inscription suivante, « qu’il avait parodiée pour lui-même de l’épitaphe de Franklin » (cf. supra, t. I, p. 174) :

     Ci-git,
    sous sa reliure de bois,
    un exemplaire in-folio
    de la meilleure édition
    de l’homme, écrite dans une langue de l’age d’or,
    que le monde ne comprend plus.
    C’est aujourd’hui
    un bouquin
    gâté,
    maculé,
    dépareillé,
    imparfait du frontispice,
    piqué des vers,
    et fort endommagé de pourriture.
    On n’ose attendre pour lui
    les honneurs tardifs
    et inutiles
       de la réimpression.
      ↩

[II.234.218]
  1.  La xxxve : Révérend Thomas Frognall Dibdin, Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France, traduit de l’anglais, avec des notes par Théodore Licquet et G.-A. Crapelet (Paris, Crapelet, 1825, 4 vol. in-8). Voir le tome IV, page 350, et la note de Crapelet de la page 176.  ↩
  2.  J’ai recueilli, dans mon volume Amateurs et Voleurs de livres (Paris, Daragon, 1903), les noms des plus fameux bibliokleptes, et les anecdotes les plus piquantes qui les concernent : je n’y reviendrai pas ici.  ↩
[II.235.219]
  1.  Les choses du temps présent, Collectionneurs et Bibliomanes, pp. 143-147.  ↩
[II.236.220]
  1.  L’auteur a sans doute voulu faire allusion ici à César, qui a dit, par la voix de Lucain, dans la Pharsale (livre II, vers 657, p. 46, collection Nisard) :
    •  Nil actum credens, quum quid superesset agendum.  ↩
[II.237.221]
  1.  Journal des Débats, 17 septembre 1866, ap. Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 68, note.  ↩
[II.238.222]
  1.  Cf. Bayle, Dictionnaire historique et critique ; Fertiault, les Légendes du livre, pp. 93 et 199. — Une réponse analogue fut, dit-on, faite par Corneille à un « jeune homme, auquel il avait accordé sa fille, et que l’état de ses affaires mettait dans la nécessité de rompre ce mariage ». Ce jeune homme se présente un matin chez Corneille, et pénètre jusqu’à son cabinet de travail : « Je viens, monsieur, lui dit-il, retirer ma parole, et vous exposer les motifs de ma conduite. — Eh ! Monsieur, réplique Corneille, ne pouviez-vous, sans m’interrompre, parler de tout cela à ma femme ? Montez chez elle ; je n’entends rien à toutes ces affaires-là…. » (Helvétius, De l’esprit, Discours IV, chap. i, t. II, p. 278, note ; Paris, Chasseriau, 1822.)  ↩
[II.239.223]
  1.  Fertiault, op. cit., p. 199 ; et Ambroise Firmin-Didot, Essai sur la typographie, col. 786.  ↩
  2.  Né à Antioche vers 314, mort vers l’an 400, Libanius fut un des derniers défenseurs, et le plus éloquent, du paganisme contre l’envahissement de la religion chrétienne. Il enseigna toujours la modération, l’indulgence, la sagesse, et compta, parmi ses auditeurs, l’empereur Julien, saint Basile et saint Jean Chrysostome.  ↩
[II.240.224]
  1.  Cf. Ambroise Firmin-Didot, op. cit., col. 807. En même temps que cette anecdote relative à Frédéric Morel, G.-A. Crapelet, dans ses Études pratiques et littéraires sur la typographie (pp. 147-148, note), nous en conte une autre, concernant son père, qui était prote et correcteur à l’imprimerie de Stoupe, une des plus importantes de Paris à la fin du xviiie siècle. Charles Crapelet « était, dans toute l’étendue du terme, esclave de ses doubles fonctions, et tellement préoccupé des intérêts des ouvriers, que, le jour même de ses noces, vers minuit, il quitta la compagnie, pour aller corriger des épreuves qu’il savait être attendues par les imprimeurs. Ma mère, — continue G.-A. Crapelet, — m’a raconté ce fait, et toute l’inquiétude que causa la disparition subite du marié. Le grave Stoupe, qui était dans la confidence de son Charles, comme il l’appelait, se divertit quelques instants de l’embarras visible de la personne la plus intéressée dans l’événement, mais il ne tarda pas à rassurer tout le monde. Vers trois heures du matin, le marié revint partager les plaisirs de la réunion. »  ↩
  2.  Fertiault, Drames et Cancans du livre, p. 264. « Amis, voulez-vous connaître un des grands malheurs de la vie ? Eh bien ! vendez vos livres. » (Joseph Scaliger, ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 288.) Et Jules Janin (ap. Id., ibid.) : « Celui-là qui veut connaître en un seul bloc toutes les misères d’ici-bas, qu’il vende ses livres : Bibliothecam vendat ! »  ↩
[II.241.225]
  1.  Michaud, Biographie universelle, art. Goupil ; et Mouravit, op. cit., p. 389 ; « … Jacques Gopile, le docte médecin du xvie siècle, dont Scévole de Sainte-Marthe a compris l’éloge dans le premier livre de ses charmantes petites notices, datées, à Poitiers, de 1598. »  ↩
  2.  Larousse, op. cit. C’est le brave et spirituel Colnet, surnommé « l’Ermite de Belleville », connu de tout Paris pour sa sobriété et pour « ne jamais dîner en ville ». qui répliqua, tout en mangeant sur le coin d’une table, — un jour que le riche et peu scrupuleux Étienne, de l’Académie française, tentait de l’amener à trafiquer de sa plume, et lui disait : « Mais comment pouvez-vous vivre avec d’aussi chétifs gains que les vôtres ? Comment faites-vous ? — Vous voyez, monsieur Étienne, voilà comment je m’y prends : je dîne de deux œufs durs. » (Cf. Tenant de Latour, Mémoires d’un bibliophile, p. 330.)  ↩
[II.242.226]
  1.  Michaud, op. cit.  ↩
  2.  Jules Janin, ap. Fertiault, les Légendes du livre, pp. 135 et 202. Un autre grand seigneur du même temps, le comte de Labédoyère, dont tous les bouquinistes des quais connaissaient bien « le sac et le chien mouton », s”imaginant qu’il était fatigué de ses livres, les vendit, « puis passa le reste de sa vie à courir après dans les ventes et à les racheter à tout prix, comme autant d’enfants prodigues qui auraient fui de la maison paternelle ». (Firmin Maillard, les Passionnés du livre, p. 125.)  ↩
  3.  Le Journal, numéro du 10 novembre 1903.  ↩
[II.243.227]
  1.  Mouravit, op. cit., p. 28. Les bibliophiles ont été plus d’une fois à l’affut de livres introuvables, voire de livres imaginaires et imaginés. « L’heureux mortel qui ferait la trouvaille de l’Historique Description du solitaire et sauvage pays de Médoc, par feu M. de la Boëtie, conseiller du Roy en sa cour de Parlement, à Bordeaux, etc., etc. (Bordeaux, Millanges, 1593, in-12), deviendrait du coup presque célèbre et presque riche. Depuis plus d’un siècle et demi, on cherche cette Historique Description, dont l’existence même a été mise en doute. Le livre est pourtant mentionné, avec son titre très détaillé, dans la Bibliothèque historique. » (Revue bibliographique belge, 1902, citée par le Journal de la Jeunesse, 13 septembre 1902, Supplément.) A propos du marquis de Chalabre, je glane cette anecdote dans l’Histoire de l’imprimerie, de Paul Dupont (t. II, p. 177) : « … Le marquis de Chalabre avait légué sa bibliothèque à Mlle Mars. Cette bibliothèque était réellement du plus grand prix, mais Mlle Mars lisait peu ou plutôt ne lisait pas du tout. Elle chargea Merlin, son ami, de classer les livres du défunt et d’en faire la vente. Merlin s’acquitta de cette mission en toute conscience ; il feuilleta et refeuilleta si bien chaque volume, qu’un jour il entra dans la chambre de Mlle Mars, tenant trente à quarante billets de mille francs, qu’il déposa sur une table. « Qu’est-ce que cela, Merlin ? demanda Mlle Mars. — Je ne sais, Mademoiselle, dit celui-ci. — Comment, vous ne savez ? Mais ce sont des billets de banque. — Sans doute. — Où donc les avez-vous trouvés ? — Mais dans un portefeuille pratiqué sous la couverture d’une Bible très rare. Comme la Bible était à vous, les billets de banque sont aussi à vous. » Mlle Mars prit les billets de banque, qui, en effet, étaient bien à elle, et eut grand peine à faire accepter à Merlin, en cadeau, la Bible dans laquelle les billets de banque avaient été trouvés. Quant aux autres livres, auxquels il semble que cette aubaine inattendue aurait dû servir de rançon, ils n’en furent pas moins vendus aux enchères et à beaux deniers comptants, au profit de la légataire. »  ↩
[II.244.228]
  1.  Fertiault, les Légendes du livre, p. 49.  ↩
[II.245.229]
  1.  Fertiault, op. cit., p. 28 ; et Drames et Cancans du livre, p. 263.  ↩
  2.  Firmin Maillard, op. cit., pp. 137-138.  ↩
[II.246.230]
  1.  Cf. Paul Dupont, op. cit., t. II, p. 175.  ↩
  2.  Op. cit., p. 139.  ↩
  3.  Cf. Paul Dupont, op. cit., t. II, p. 176.  ↩
  4.  Paul Lacroix, qui appelle Motteley « le bibliophile par excellence », a donné sur lui d’amusants détails dans la préface des Amoureux du livre de M. F. Fertiault, pp. xxiii et suiv. Voici l’une de ces anecdotes : « Le 24 février 1848, les révolutionnaires (ceux-là mêmes qui ont incendié la bibliothèque de Motteley dans le palais du Louvre, aux derniers soupirs de l’affreuse Commune de 1871) envahirent le Palais-Royal et commencèrent par jeter dans la cour du palais les livres de la Bibliothèque pour en faire un feu de joie. Motteley accourt ; ce n’est plus un bibliophile, c’est un lion, c’est un apôtre : Brûler des livres ! s’écrie-t-il. Vous n’êtes pas des hommes, vous êtes des bêtes brutes ! Vous ne savez donc pas lire ? » On s’empare de lui, on veut le coucher sur un bûcher de livres, auxquels on a mis le feu. « O Voltaire ! crie Motteley, ce ne sont plus les Parlements qui brûlent les livres ; c’est le bon peuple de Paris ! » L’invocation à Voltaire sauva Motteley et la Bibliothèque du Palais-Royal. »  ↩
[II.247.231]
  1.  Graesel, Manuel de bibliothéconomie, p. 15.  ↩
  2.  Fertiault, les Légendes du livre, pp. 64 et 193.  ↩
[II.248.232]
  1.  Mouravit, op. cit., p. 136, n. 2. A propos des échelles destinées à atteindre les rayons supérieurs des bibliothèques, citons l’anecdote suivante, contée par le Dr Véron, dans ses Mémoires d’un bourgeois de Paris, t. II, p. 249 (Paris, Librairie nouvelle, 1856) : « M. Corbière (le comte de Corbière [1767-1853], qui fut ministre sous la Restauration) ne se calmait sur la politique qu’en rangeant et dérangeant les livres de sa bibliothèque. Un député d’une certaine importance, qui avait obtenu une audience, arrive à l’heure indiquée : il est introduit chez le ministre. Il le cherche partout, et le trouve enfin dans sa bibliothèque, sur une échelle double, occupé de ses livres. Le député, pour ne pas contrarier le ministre en le forçant de descendre, n’hésita pas à monter de l’autre côté de l’échelle, jusqu’à ce qu’il se trouvât face à face avec M. Corbière. C’est ainsi que se passa l’audience. Rien de plus plaisant et de plus grotesque que ce ministre et le solliciteur en haut de l’échelle, gesticulant et s’adressant à bout portant des demandes et des réponses. »  ↩
  2.  Le Journal, numéro du 27 janvier 1903.  ↩
[II.249.233]
  1.  Dit la Biographie universelle de Michaud, à qui j’emprunte la plupart des détails qui suivent.  ↩
  2.  D’autres biographes font de lui un orfèvre. « A l’âge de quarante ans, Antonio Magliabecchi était encore ce que le hasard de la naissance l’avait fait, un simple orfèvre, qui habitait une boutique bien achalandée sur le Pont-Vieux. (Dr Hœfer, Nouvelle Biographie générale.)  ↩
[II.250.234]
  1.  Avec un peu de bonne volonté, et en donnant aux mots une légère entorse.  ↩

[II.252.236]
  1.  Michaud, op. cit.  ↩
  2.  Ces expressions et les citations suivantes sont de Ludovic Lalanne (Curiosités bibliographiques, pp. 52-53), qui reproduit le récit du professeur Heyman, d’après Disraeli (Curiosities of literature). Sur Magliabecchi et le professeur Heyman, voir aussi Fertiault, Drames et Cancans du livre, le Souper du savant, pp. 111-138.  ↩

[II.255.239]
  1.  Cf. Michaud, op. cit.  ↩
[II.256.240]
  1.  300 000, dit Larousse, op. cit. Près de 300 000, dit le Dr Hœfer, op. cit. Le chiffre de 200 000 est donné par Michaud, op. cit., t. XLV, p. 351 (2e édit.).  ↩
  2.  Ap. Michaud, op. cit.  ↩
[II.257.241]
  1.  Michaud, op. cit.  ↩
  2.  Op. cit., pp. 135-136.  ↩
[II.258.242]
  1.  Mouravit, op. cit., pp. 135-136.  ↩
  2.  Id., op. cit., pp. 134-135.  ↩
[II.259.243]
  1.  Mouravit, op. cit., p. 135.  ↩
  2.  Dans le Magasin pittoresque, année 1871, p. 32 (article anonyme).  ↩
  3.  Firmin Maillard, op. cit., p. 138.  ↩
[II.260.244]
  1.  Firmin Maillard, op. cit., pp. 149-150.  ↩

[II.262.246]
  1.  Firmin Maillard, op. cit., pp. 134-136.  ↩
  2.  Larousse, Grand Dictionnaire, où l’article Bordas-Demoulin est très bien traité. Voir aussi François Huet (1816-1865), Histoire de Bordas-Demoulin. (Paris, Hetzel, 1861 ; in-12.)  ↩
[II.263.247]
  1.  Firmin Maillard, op. cit., pp. 148-149. M. Firmin Maillard, qui écrit toujours Bordas-Dumoulin (au lieu de Demoulin), signale « une page émouvante de M. John Lemoine [Lemoinne] sur la mort de ce grand philosophe ».  ↩
  2.  Article cité dans l’Événement, numéro du 27 avril 1866.  ↩
[II.264.248]
  1.  Napoléon Ier aurait droit aussi de figurer sur cette liste des « passionnés du livre » ; il fut, selon l’expression de M. Gustave Mouravit (Napoléon bibliophile, Revue biblio-iconographique, janvier et février 1905, pp. 13 et 61-62), « bibliophile au meilleur sens du mot… ; il cherche exclusivement dans le livre ce pour quoi, avant tout, un livre est mis en lumière, savoir : l’acquisition des notions qui font défaut à l’esprit, la rectification ou la confirmation des notions acquises ». Voici le témoignage fourni par M. Frédéric Masson et emprunté par lui à un livre, — une sorte de roman, il est vrai, — tout à fait oublié aujourd’hui, Napoléon en Belgique et en Hollande, 1811, par Charlotte de Sor [Mme Eillaux, née Desormaux] (Paris, Gustave Barba, 1838, 2 vol. in-8 ; cf. Quérard, Supercheries littéraires, t. I, col. 921-922 ; et Mouravit, loc. cit., avril 1904, p. 168) : Oui (c’est Napoléon qui parle), je trouvais le moyen de payer la pension de mon frère. Savez-vous comment j’y parvenais ? C’était en ne mettant jamais les pieds au café ni dans le monde, en mangeant du pain sec à mon déjeuner, en brossant mes habits moi-même…. Je vivais comme un ours, seul, dans ma petite chambre, avec mes livres, mes seuls amis alors. Et ces livres, pour me les procurer, par quelles dures économies faites sur le nécessaire, achetais-je cette jouissance ! Quand, à force d’abstinence, j’avais amassé deux ou trois écus de six livres, je m’acheminais, avec une joie d’enfant, vers la boutique d’un vieux bouquiniste qui demeurait près de l’évêché…. Souvent j’allais visiter ses rayons en faisant le péché d’envie. Je convoitais longtemps avant que ma bourse me permit d’acheter…. »  ↩
[II.265.249]
  1.  F. Fertiault, les Légendes du livre, pp. 83 et 106 ; et Drames et Cancans du livre, p. 265.  ↩
  2.  Mémoires, t. II. p. 432. (Paris, Hachette, 1865.)  ↩
[II.266.250]
  1.  Cf. Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, pp. 31-32. De tels superficiels amateurs justifient ce mot : « Un bibliophile ressemble souvent à un homme qui tomberait amoureux de la robe sans regarder la femme. » (Journal le Gaulois, 14 août 1877.)  ↩
[II.267.251]
  1.  F. Fertiault, Drames et Cancans du livre, p. 265 ; et Larousse, op. cit.  ↩
  2.  Ne pas le confondre avec son homonyme Sylvestre Boulard (1750-1809 ?), imprimeur, libraire et bibliographe, auteur d’un Traité élémentaire de bibliographie (Paris, Boulard, an XIII [1804] ; in-8 ; 140 pp.) ; ni, comme l’a fait très drôlement Jean Darche, dans son Essai sur la lecture, pp. 361 et 363, avec Michel Boulard (1761-1825), ouvrier tapissier, fondateur de l’hospice Saint-Michel, à Saint-Mandé : « Un notaire de Paris, M. Boulard, que certains nomment Tapissier, avait été un bibliophile…. C’est ce même Boulard qui a consacré douze cent mille francs pour l’établissement des vieux ouvriers tapissiers de Saint-Mandé. »  ↩
  3.  « Pendant la Révolution, quoique religieux et riche, Boulard ne fut point inquiété : sa charité fut sa sauvegarde ; et c’est avec un grand courage que, pendant la tourmente, il arracha plusieurs victimes à l’échafaud. Son ami La Harpe, décrété d’arrestation, se réfugia dans sa maison, où il trouva un asile sûr, avant de pouvoir quitter Paris. » (Numa Raflin, A.-M.-H. Boulard, Bulletin de la Société historique du VIe arrondissement de Paris, janvier-juin 1904, p. 47.)  ↩
[II.268.252]
  1.  Ce XIe arrondissement, dont la mairie se trouvait alors rue Mignon, maison Nyon, « était formé des divisions des Thermes, du Luxembourg, du Théâtre-Français (l’ancien), et du Pont-Neuf » ; il correspondait donc à peu près au VIe arrondissement actuel. Boulard a d’abord habité rue Saint-André-des-Arts, nº 27 (aujourd’hui nº 31) : c’est là qu’il était né le 5 septembre 1754. Il a demeuré ensuite rue des Petits-Augustins (actuellement rue Bonaparte), nº 21, au coin de la rue Visconti, où il est mort le 8 mai 1825. « C’est bien dans les limites du VIe arrondissement, cette terre d’élection des amateurs de bouquins, que devait naître, vivre, travailler et mourir Boulard. (Numa Raflin, loc. cit., p. 41, n. 1 ; p. 44 ; p. 48, n. 1 ; p. 51, n. 3 ; pp. 60 et 63.)  ↩
  2.  « Cinq, d’après Henry Berthoud ; huit, d’après Mary Lafon. » (Numa Raflin, loc. cit., p. 64, n. 3.) « Mon cher et honorable maître, M. Boulard, avait été un bibliophile délicat et difficile avant d’amasser dans six maisons à six étages six cent mille volumes de tous les formats, empilés comme les pierres des murailles cyclopéennes, c’est-à-dire sans chaux et sans ciment…. » (Charles Nodier, l’Amateur de livres, les Français peints par eux-mêmes, t. II, p. 84.) « Le vénérable Boulard enlevait tous les jours un mètre de raretés, toisé à sa canne de mesure, pour lequel ses six maisons pléthoriques de volumes n’avaient pas de place en réserve. » (Id., le Bibliomane, Contes de la Veillée, p. 271.) « Boulard achetait souvent des livres à la toise (c’était la mesure de longueur de l’époque) : il payait, en général, cent francs la toise. » (Henri Baillière, la Crise du livre, Bulletin mensuel de l’Association amicale des Commis libraires français, février 1904, p. 69.) Paul Dupont (Histoire de l’imprimerie, t. II, p. 174) ne parle, lui, que d’une seule maison, remplie de livres par Boulard : les autres, il est vrai, ont pu venir ensuite : « Propriétaire d’une vaste maison, quand le logement qu’il y occupait fut encombré, il donna successivement congé à tous ses locataires et transforma leurs appartements en dépôts de livres. »  ↩
[II.269.253]
  1.  Cf. Numa Raflin, loc. cit., pp. 57-58.  ↩
  2.  On en trouve la liste dans Quérard, la France littéraire, t. I, pp. 456-457.  ↩
  3.  On a prétendu aussi que Boulard n’était pas très scrupuleux en fait de livres, et en dérobait volontiers, même dans les loges de concierge. C’est le typographe Alkan aîné qui conte la chose, dans sa brochure sur Édouard-René Lefebvre de Laboulaye, Un Fondeur en caractères, membre de l’Institut (p. 15). Voici cette anecdote, à peu près textuelle, que je ne reproduis ici que pour faire entendre tous les sons de cloche, et dont je laisse l’entière responsabilité au « Sonneur » : Un matin, Boulard, qui était lié avec un proche parent de M. de Laboulaye, M. Lefebvre, notaire à Paris, vint pour lui rendre visite. Il entre dans la loge du concierge, où personne ne se trouvait, puis monte chez son ami le notaire. A peine est-il dans le cabinet de celui-ci, que le concierge arrive tout effaré, et, s’adressant à voix basse au notaire, lui demande s’il connaît bien le monsieur qui est avec lui en ce moment. « Si je le connais ! Réplique maître Lefebvre sur le même ton. C’est mon meilleur ami, un ancien collègue à moi…. — Ah ! c’est que… c’est que je vais vous dire, fait le concierge, d’une voix toujours discrète. Un locataire de la maison m’a prêté un volume, et ce volume, que j’avais laissé sur ma table il y a un instant, je ne le trouve plus. Or, il n’y a que ce monsieur qui a pénétré dans ma loge…. Ce volume fait partie d’un ouvrage qui va être ainsi décomplété : cela me met vis-à-vis du locataire dans le plus cruel embarras. — Écoutez, reprend le notaire, mon ami va partir tout à l’heure ; suivez-le jusqu’à sa demeure et entrez avec lui. Vous lui direz : « Monsieur, je suis le concierge de M. Lefebvre. Est-ce que, par un simple effet du hasard, vous n’auriez pas emporté un livre qui était sur ma table ? » Ce qui fut dit fut ponctuellement exécuté. « Attends ! répondit maître Boulard, qui, sans se déconcerter le moins du monde, plongea la main dans une de ses grandes poches et en tira le volume, tiens, le voilà, ton livre ! Et emporte-le bien vite ! » ajouta-t-il en remettant au concierge une pièce de cent sous pour l’indemniser de son dérangement. (Cf. mon volume Amateurs et Voleurs de livres, pp. 21-23. Paris, Daragon, 1903.)  ↩
[II.270.254]
  1.  Michaud, op. cit., art. Boulard.  ↩
[II.271.255]
  1.  Sur le plaisir de bouquiner, les fiévreuses émotions, les intimes, délicieuses et enivrantes joies du bibliophile en quête de livres, voir Walter Scott, l’Antiquaire, chap. iii, la visite à l’antiquaire. M. Oldbuck (vieux livre, bouquin) et le discours de celui-ci (trad. Albert Montémont, notamment p. 23) : « … Ces petits elzeviers sont des témoignages et des trophées de plus d’une promenade nocturne et matinale… dans tous les lieux où il se trouve des bouquinistes…. Combien de fois me suis-je arrêté à me débattre sur un sou, de crainte que, par un acquiescement trop soudain au prix demandé par le vendeur, il ne vint à soupçonner l’importance que j’attachais moi-même à cet article ! Combien je tremblais qu’il n’arrivât quelque passant pour me disputer l’objet auquel j’aspirais, regardant chaque pauvre écolier en théologie qui s’arrêtait pour retourner les feuillets des livres étalés, comme un amateur rival ou comme un avide libraire déguisé ! Et puis, la satisfaction secrète avec laquelle on paie l’article acheté et on le met dans sa poche, affectant un air froid et indifférent, tandis que la main est tremblante de plaisir ! » Etc.  ↩
[II.272.256]
  1.  « Il n’y a de véritable bibliophile… que celui qui a déjà lu tous les livres qu’il possède, et qui, pénétré, ravi de cette lecture, en reporte le charme sur la forme extérieure elle-même. » (Tenant de Latour, Mémoires d’un bibliophile, p. 256.)  ↩
[II.273.257]
  1.  Cf., dans notre tome I, page 99, Pétrarque tombant malade, lorsque son ami, l’évêque de Cavaillon, lui défend de travailler et lui interdit l’accès de sa bibliothèque.  ↩
  2.  J.-B.-F. Descuret, la Médecine des passions ou les Passions considérées dans leurs rapports avec les maladies, les lois et la religion, ap. Numa Raflin, loc. cit., pp. 53-54.  ↩
  3.  Henri Baillière, loc. cit., p. 68.  ↩
[II.274.258]
  1.  Histoire d’un livre, ap. Numa Raflin, loc. cit., p. 59.  ↩
  2.  Ce n’est pas sans raison que M. Numa Raflin, dont l’étude sur A.-M.-H. Boulard est très soigneusement et consciencieusement faite, met en doute la véracité de Mary Lafon, dans cette Histoire d’un livre, qui ne comprend, d’ailleurs, qu’une centaine de pages et n’est qu’une fantaisie sans intérêt. Ajoutons qu’un ami des livres comme Boulard ne se serait pour rien au monde résigné à « ranger » ses trésors dans une cave.  ↩
[II.275.259]
  1.  Loc. cit., pp. 63-64.  ↩
  2.  Lettre XI, pp. 194-211.  ↩
[II.276.260]
  1.  Ap. Fertiault, les Légendes du livre, p. 156.  ↩
[II.277.261]
  1.  Le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, pp. 139-141.  ↩
  2.  Histoire et Recherches des antiquités de la ville de Paris (1724), t. I, p. 18.  ↩
  3.  Les Caractères, De la Mode, p. 349, édit. Hémardinquer. (Paris, Dezobry, 1849.)  ↩
  4.  Cité aussi par Édouard Fournier, l’Art de la reliure en France, p. 206, n. 1. (Paris, Dentu, 1888.)  ↩
[II.278.262]
  1.  Ap. Mouravit, op. cit., p. 389.  ↩

Publié le 22 oct. 1905 par Albert Cim