I-I. Antiquité

Bien qu’un savant bibliographe allemand[001.1] se soit avisé de rédiger un mémoire sur les Écrits et les Bibliothèques avant le déluge, — antédiluviens, — nous nous contenterons, dans cet « Essai d’une histoire et anthologie de l’amour des livres et de la lecture », de remonter jusqu’à 3000 ans d’ici, jusqu’au roi d’Égypte Osymandias, que les égyptologues identifient aujourd’hui avec Ramsès II ou Sésostris. La plus ancienne mention d’une bibliothèque et le plus ancien jugement porté sur les livres datent de cette époque. Cette bibliothèque, c’est celle qu’Osymandias avait réunie, selon l’historien Diodore de Sicile[002.1], dans son magnifique palais de Thèbes, et ce jugement n’est autre que l’inscription gravée par ce roi au-dessus de la porte de cette bibliothèque : « Remèdes de l’âme ».

Remèdes de l’âme : du premier coup, le livre se trouve admirablement et immuablement défini. Jamais on ne dira mieux. Lorsque, bien plus tard, au xviiie siècle, Montesquieu nous déclarera qu’il n’a « jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé[002.2] » ; lorsque, plus tard encore, au xixe, le romancier anglais Bulwer-Lytton[003.1] appliquera la lecture de certains ouvrages à la guérison de certaines maladies, et tracera ainsi une espèce de « Thérapeutique bibliographique », ils ne feront l’un et l’autre que délayer et paraphraser, qu’exagérer aussi, la sentence du roi d’Égypte.

Il nous faut franchir un long espace, descendre jusqu’au vie siècle avant notre ère, pour retrouver trace de livres. Le tyran ou usurpateur Pisistrate (561-527 av. J.-C.) fonde, à Athènes, la première bibliothèque publique[003.2] et s’occupe de réunir les œuvres d’Homère, qui n’avaient été conservées jusqu’ici que dans la mémoire des rhapsodes, — les troubadours d’alors, — et d’en faire ce que nous appellerions aujourd’hui une première édition[003.3].

Un vers d’Aristophane (ve siècle av. J.-C.) nous apprend que les livres étaient déjà très répandus à Athènes de son temps[004.1], et Xénophon (445-355 av. J.-C.), dans les Mémoires de Socrate[004.2] et dans l’Anabase[004.3] nous dit aussi quelques mots des livres, des collections et du commerce qu’on en faisait de son vivant.

A peu près à la même époque, nous voyons Alcibiade (450-404 av. J.-C.) user d’un moyen peu gracieux pour inspirer à ses concitoyens l’amour des livres. Étant entré « en une école de grammaire, il demanda au maître quelque livre d’Homère ; le maître lui répondit qu’il n’en avait pas un : il lui donna un soufflet et s’en alla[004.4] ».

Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.). avait aussi, et au plus haut degré, le culte d’Homère. Après la défaite de Darius, un très riche coffret ayant été trouvé parmi les dépouilles des vaincus, « il demanda à ses familiers qui étaient autour de lui quelle chose leur semblait la plus digne d’être mise dans ce coffret. Les uns répondirent d’une façon, les autres d’une autre ; mais, lui, dit qu’il y mettrait l’Iliade d’Homère, pour la dignement garder[005.1] ».

Alexandre professait, d’ailleurs, la plus haute estime pour les Lettres et pour les savants. Nous le voyons, dans Plutarque, se faire envoyer, alors qu’il était en Asie, les histoires de Philiste, des tragédies d’Euripide, de Sophocle et d’Eschyle, d’autres ouvrages encore. Il aimait et honorait son ancien précepteur Aristote, « non moins que son propre père, comme il disait lui-même, pource que de l’un il avait reçu le vivre, et de l’autre le bien vivre[005.2] ».

Un passage d’une idylle de Théocrite (300-220 av. J.-C.) nous fournit, dans la légende du chevrier Comatas, la plus gracieuse et la plus éloquente apologie qu’on puisse faire des Lettres. Ce chevrier professait pour les Muses un culte si fervent qu’il leur sacrifiait fréquemment des chèvres du troupeau dont il avait la garde. Son maître, irrité de ces sacrifices faits à son détriment, enferma le chevrier dans un coffre. « Nous allons voir, à présent, à quoi te serviront tes Muses ! » Mais quand, au bout de plusieurs mois, il rouvrit le coffre, il y trouva le prisonnier bien vivant : des abeilles, messagères des Muses, étaient venues le nourrir.

« Bienheureux Comatas ! car c’est toi qui subis cet agréable supplice ; c’est toi qui fus enfermé dans un coffre et souffris tout un printemps, nourri du miel des abeilles[006.1]. »

Un des lieutenants d’Alexandre, Ptolémée Soter (Sauveur) (323-285 av. J.-C.), fils de Lagos, — d’où le nom de Lagides donné aux Ptolémées, — ayant reçu pour sa part le royaume d’Égypte, lors du partage de l’immense empire, fonda, sur le conseil, dit-on, de Démétrius de Phalère (545-285 av. J.-C.), le grammairien, historien, rhéteur et ancien gouverneur d’Athènes, la bibliothèque d’Alexandrie, la plus célèbre et la plus riche des temps anciens[006.2]. Démétrius de Phalère présida à cette fondation et fut comme le premier conservateur de cette bibliothèque.

Les successeurs de Ptolémée Soter, notamment Ptolémée II Philadelphe (Ami de ses frères) (285-247 av. J.-C.) et Ptolémée III Évergète (Bienfaisant) (247-222 av. J.-C.), continuèrent d’entretenir et d’enrichir cette vaste collection. Ils favorisaient la culture du papyrus, de manière à avoir du papier à profusion ; ils entretenaient quantité de copistes, et, parfois même, n’hésitaient pas à recourir au larcin pour accroître leur trésor. C’est ainsi que Ptolémée Évergète emprunta aux Athéniens des livres originaux, les œuvres d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, et leur rendit de belles copies à la place, preuve que, même en fraudes bibliographiques, il n’y a rien de nouveau sous le soleil[008.1].

Ce fut Ptolémée II, — surnommé Philadelphe, soit, par ironie, parce qu’il assassina ses frères, soit parce qu’il épousa sa sœur, — qui fit traduire en grec les livres sacrés des Hébreux, traduction qui, effectuée par soixante-dix savants, reçut le nom de version des Septante. Cette traduction de la Bible en grec a été, selon la remarque de M. Havet[008.2], « un des plus grands événements de l’histoire, car elle a rendu possible la propagation du judaïsme parmi les Gentils et l’avènement du christianisme ».

La bibliothèque d’Alexandrie, qui, au dire d’Aulu-Gelle et d’Ammien Marcellin, compta jusqu’à sept cent mille volumes, ne fut pas brûlée par le chef musulman Omar ou par ses ordres, comme le veut une tradition. C’est là une grosse erreur historique. Lors de la prise d’Alexandrie par les Arabes, en 640, cette bibliothèque n’existait plus. Du temps des Ptolémées, elle avait fini par devenir si considérable qu’on l’avait partagée en deux sections disposées dans deux locaux séparés. L’une de ces sections fut incendiée accidentellement lorsque Jules César s’empara d’Alexandrie, en l’an 47 avant Jésus-Christ ; et la seconde, qui se trouvait dans le temple de Sérapis, fut détruite par l’évêque Théophile, quatre cents ans plus tard, à la suite de l’édit de Théodose ordonnant la suppression de tous les temples païens.

Une autre bibliothèque célèbre dans l’antiquité fut celle de Pergame, fondée, au iie siècle avant Jésus-Christ, par Eumène II, fils d’Atale 1er. Elle renfermait, dit Plutarque[009.1], « deux cent mille volumes simples », lorsque le triumvir Antoine en fit présent à Cléopâtre, reine d’Égypte et descendante des Ptolémées.

Beaucoup de volumes des bibliothèques d’Athènes et de l’Orient furent transportés en Italie par les généraux romains après leurs victoires : c’est ainsi, entre autres, que Paul-Émile, Sylla, Lucullus, — qui, au dire de Plutarque, se faisait un plaisir de prêter ses livres[009.2], — formèrent leurs bibliothèques. Puis vinrent les vastes collections publiques réunies par le célèbre orateur Asinius Pollion, et par les empereurs Auguste, Tibère, Vespasien, Trajan, Adrien, etc.

En tête des amis des livres dont Rome s’honore le plus, il convient de placer Cicéron (106-43 av. J.-C.), ce grand homme de lettres, ce beau génie, dont on a si bien dit qu’il est « le seul que le peuple romain ait produit de vraiment égal à son empire[010.1] ». C’est lui qui, s’adressant à son ami Terentius Varron, un autre fervent érudit, « celui peut-être des Romains qui avait écrit et lu le plus de livres[012.1] », lui disait si joliment : « Pour peu que nous ayons un jardin à côté de notre bibliothèque, — c’est-à-dire des fleurs et des livres, — il ne manquera rien à notre bonheur[012.2] ». C’est à Cicéron encore qu’est due cette belle définition et apologie des Lettres, tant et tant de fois citée : « Les Lettres sont l’aliment de la jeunesse et la joie de la vieillesse ; elles donnent de l’éclat à la prospérité, offrent un refuge et une consolation à l’adversité ; elles récréent sous le toit domestique, sans embarrasser ailleurs ; la nuit, elles veillent avec nous ; elles nous tiennent compagnie dans nos voyages et à la campagne[013.1]. »

En maint endroit de sa correspondance, spécialement dans ses lettres à son ami Atticus, Cicéron parle de ses achats et rangements de livres, des joies qu’il goûte dans sa bibliothèque :

« Ne traitez avec personne de votre bibliothèque, quelque ardent amateur que vous trouviez. Je réserve la totalité de mes petites épargnes pour cette acquisition, qui sera la ressource de ma vieillesse[013.2]. »

« Conservez-moi vos livres et ne désespérez pas que je puisse en faire l’acquisition. Ils seront miens, je vous le jure. Que si ce beau jour arrive, je me croirai plus riche que Crassus, et je me moquerai de toutes les campagnes et de toutes les terres du monde[013.3]. »

« C’est chaque jour avec plus de plaisir que je consacre à mes paisibles études tout le temps que me laisse le forum[014.1]. »

« … Depuis que Tyrannion a arrangé ma bibliothèque, je la regarde comme l’âme de ma maison[014.2]. Il est vrai que Dyonisius et votre Méxophite (deux ouvriers relieurs) y ont aussi fait merveille. Rien de plus élégant que vos belles cases, surtout avec mes livres, maintenant couverts de leurs ornements[014.3]. »

Sénèque (3-65 ap. J.-C.) est un des écrivains qui ont le mieux parlé des livres et de l’étude.

« Le loisir sans les lettres est une mort, déclare-t-il : c’est la sépulture d’un homme vivant[015.1]. »

« Réfugie-toi dans l’étude, dit-il ailleurs, tu échapperas à tous les dégoûts de l’existence[015.2]. »

« Celui-là cultive de vrais amis qui cherche tous les jours à se familiariser davantage avec un Zénon, un Pythagore, un Démocrite, un Aristote, un Théophraste, et tous ces autres oracles de la morale et de la science…. Nul n’a eu le privilège de se choisir ses aïeux, dit-on tous les jours ; c’est le sort qui les donne. On se trompe : l’homme peut désigner à qui il devra sa naissance. Il y a des familles de nobles génies : à laquelle veux-tu appartenir ? Choisis, et non seulement son nom, mais ses richesses seront les tiennes[015.3]. »

Ailleurs encore, Sénèque nous donne d’excellents conseils sur l’achat des livres, nous trace tout un programme, toujours exact et toujours bon à méditer, du choix à faire dans nos lectures et de la meilleure manière d’en tirer profit :

« Rien de plus noble, écrit-il, que la dépense qu’on fait pour se procurer des livres ; mais cette dépense ne me paraît judicieuse que si elle n’est pas poussée à l’excès. A quoi sert une incalculable quantité de volumes, dont le maître pourrait à peine, dans toute sa vie, lire les titres ? Cette masse d’écrits surcharge plutôt qu’elle n’instruit, et il vaut bien mieux s’en tenir à un petit nombre d’auteurs que d’en parcourir des milliers…. Chez la plupart, chez des gens qui n’ont même pas l’instruction d’un esclave, les livres, au lieu d’être des moyens d’étude, ne font que servir d’ornement à des salles de festin. Achetons des livres pour le besoin seulement, jamais pour l’étalage….

« C’est un vice en tout que l’excès. Y a-t-il à excuser l’homme qui agence le citre[001.1] et l’ivoire en bibliothèque, qui va cherchant partout les œuvres bien complètes de tel auteur inconnu ou méprisé, et devant ses milliers de volumes, bâille, admirant par-dessus tout les tranches et les titres ? Aussi est-ce chez les moins studieux que tu verras tout ce qu’il y a d’orateurs et d’historiens, et des cases superposées du plancher au plafond ; jusque dans les bains et les thermes, on a sa bibliothèque d’un poli parfait, comme indispensable ornement de maison. Je pardonnerais volontiers cette manie, si elle provenait d’un excès d’amour pour l’étude ; mais ces recueils précieux, mais, avec leurs portraits, les écrits de ces divins génies, s’achètent pour le coup d’œil : ils vont décorer des murailles[017.1]. »

« … Fais un choix d’écrivains pour t’y arrêter et te nourrir de leur génie, si tu veux y puiser des souvenirs qui te restent. C’est n’être nulle part que d’être partout. Ceux dont la vie se passe à voyager finissent par avoir des milliers d’hôtes et pas un ami…. La nourriture ne profite pas, ne s’assimile pas au corps, si elle est rejetée aussitôt qu’absorbée. Rien ne retarde une guérison comme de changer sans cesse de remèdes ; on ne réussit point à cicatriser une plaie où les appareils ne sont qu’essayés ; on ne fortifie pas un arbuste par de fréquentes transplantations…. La multitude des livres dissipe l’esprit. Ainsi, ne pouvant lire tous ceux que tu aurais, il est suffisant pour toi d’avoir ceux que tu peux lire…. Lis donc habituellement les livres les plus estimés ; et si parfois tu en prends d’autres, comme distraction, par fantaisie, reviens vite aux premiers. Fais chaque jour provision de quelque arme contre la pauvreté, contre la mort, contre tous les autres fléaux ; et de plusieurs pages parcourues, choisis une pensée pour la bien digérer ce jour-là. C’est aussi ce que je fais : dans la quantité de choses que j’ai lues, je m’empare d’un trait unique. Voici mon butin d’aujourd’hui, c’est chez Épicure que je l’ai trouvé, car j’ai coutume aussi de mettre le pied dans le camp ennemi, non comme transfuge, mais comme éclaireur : « La belle chose, s’écrie-t-il, que « le contentement dans la pauvreté ! » Mais il n’y a plus pauvreté s’il y a contentement[018.1]. » Etc.

Pline l’Ancien, ou le Naturaliste (23-79 ap. J.-C.), qui avait l’habitude de dire ce mot, tant de fois répété : « Il n’y a si mauvais livre où l’on ne puisse trouver quelque chose d’utile », Nullum esse librum tam malum, ut non aliqua parte prodesset[018.2], nous apprend que la coutume de placer dans les bibliothèques des bustes et portraits d’hommes célèbres prit naissance de son temps. « Il ne faut pas omettre ici une invention nouvelle : maintenant on consacre en or, en argent, ou du moins en bronze, dans les bibliothèques, ceux dont l’esprit immortel parle encore en ces mêmes lieux ; on va même jusqu’à refaire d’idée les images qui n’existent plus ; les regrets prêtent des traits à des figures que la tradition n’a point transmises, comme il est arrivé pour Homère…. L’idée de réunir ces portraits est, à Rome, due à Asinius Pollion, qui, le premier, en ouvrant une bibliothèque, fit des beaux génies une propriété publique[019.1]. Fut-il aussi précédé en cela par les rois d’Alexandrie et de Pergame, qui fondèrent à l’envi des bibliothèques ? C’est ce que je ne saurais dire. Que la passion des portraits ait existé jadis, cela est prouvé, et par Atticus, l’ami de Cicéron, qui a publié un ouvrage sur cette matière, et par M. Varron, qui eut la très libérale idée d’insérer dans ses livres nombreux, non seulement les noms, mais, à l’aide d’un certain moyen[019.2], les images de sept cents personnages illustres. Varron voulut sauver leurs traits de l’oubli, et empêcher que la durée des siècles ne prévalût contre les hommes. »

Comme Sénèque, Pline le Jeune (62-115 ap. J.-C.) s’applique à nous mettre en garde contre l’abus de la lecture et nous conseille la relecture. Il est de lui, cet apophtegme célèbre : Multum legendum esse, non multa[019.3] : « Beaucoup lire, mais non beaucoup de choses ».

Fidèle à ce principe, il n’avait réuni que peu de livres dans sa villa de Laurentinum, mais des livres dignes d’être sans cesse relus[020.1]. Là, « sans désirs, sans crainte, à couvert des bruits fâcheux, rien ne m’inquiète. Je ne m’entretiens qu’avec moi et avec mes livres. O l’agréable, ô la paisible vie ! Que cette oisiveté est aimable ! Qu’elle est honnête ! Qu’elle est préférable même aux plus illustres emplois ! Mer, rivage, dont je fais mon véritable et solitaire cabinet de travail, que vous m’inspirez de nobles, d’heureuses pensées[020.2] ! »

« Les belles-lettres, dit-il plus loin[020.3], me divertissent et me consolent. Il n’est rien de si agréable qui le soit plus qu’elles, rien de si triste qui ne devienne moins triste par elles. Dans le trouble que me causent l’indisposition de ma femme, la maladie de mes gens, la mort même de quelques-uns, je ne trouve d’autre remède que l’étude. Sans doute elle me fait mieux comprendre toute la grandeur du mal, mais elle m’apprend aussi à le supporter avec plus de patience. » Avec la plus charmante bonne grâce, Pline nous déclare encore que « c’est tout un, ou peu s’en faut, d’aimer les belles-lettres et d’aimer Pline[021.1] » ; et il nous a laissé, dans ses exquises lettres, particulièrement dans celle qu’il consacre aux écrits de son oncle le Naturaliste[021.2], de sages préceptes sur la façon de lire et de profiter de ses lectures.

Plutarque (50-139 ap. J.-C.), ce « si parfait et excellent juge des actions humaines[021.3] », nous avertit que « le plus grand fruit que les hommes apportent (tirent) de la douceur et bénignité des Muses, c’est-à-dire de la connaissance des bonnes lettres, c’est qu’ils en domptent et adoucissent leur nature, qui estoit auparavant sauvage et farouche, trouvant, avec le compas de la raison, le moyen, et rejetant le trop[021.4], » comprenant, en d’autres termes, qu’il faut aimer la modération et bannir de nous tout excès, Plutarque nous conte encore, entre autres « dicts notables » à la louange des livres, que « Démétrius de Phalère conseilloit au roi Ptolémée d’acheter et lire les livres qui traitent du gouvernement des royaumes et seigneuries ; car ce que les mignons de cour n’osent dire à leurs princes est écrit dans ces livres-là[022.1] ».

« Il y a deux avantages qu’on peut retirer du commerce avec les anciens : l’un est de s’exprimer avec élégance, l’autre d’apprendre à faire le bien par l’imitation des meilleurs modèles, et à éviter le mal, » écrit Lucien de Samosate (120-200 ?), dans sa virulente satire Contre un ignorant bibliomane[022.2]. Et il se raille de ce fat « qui croit en imposer par le nombre de ses livres » : « … Tu peux les prêter à d’autres, mais tu n’en saurais faire usage. Et cependant tu n’en as jamais prêté à qui que ce soit ; tu es comme le chien qui, couché dans l’écurie, et ne pouvant manger d’orge, ne permet pas au cheval d’en prendre, lui qui peut en manger[022.3]. » Etc.

On rencontre ailleurs encore, dans Catulle (86 av. J.-C.-..), dans Horace (64 av. J.-C.-8 ap. J.-C), dans Ovide (45 av. J.-C.-17 ap. J.-C.), dans Martial (43-104 ap. J.-C.), dans Suétone (65-135), dans Aulu-Gelle (iie siècle), dans Athénée (iiie siècle), etc., plus d’une utile réflexion et d’une judicieuse sentence sur les livres et les Lettres, ou plus d’un renseignement intéressant sur l’état et les progrès de la bibliophilie.

Ainsi Catulle nous décrit en ces termes les luxueux livres de son temps : « Varrus, ce Suffenus que tu connais est un homme élégant, spirituel et poli ; il fait énormément de vers ; il en a, je crois, dix mille et plus d’écrits ; et non pas, comme c’est l’usage, sur l’humble palimpseste, mais sur papier royal, avec couvertures neuves, charnières neuves (ombilics neufs), aiguillettes rouges, texte soigneusement aligné (le parchemin réglé au plomb, — comme nous dirions réglé au crayon), et le tout poncé à ravir[023.1] ».

Horace, dans une épître consacrée « A son livre », nous donne d’intéressants détails sur l’état de la librairie à son époque, et le sort de certains écrits : « Il me semble, mon livre, que tu regardes souvent du côté de Vertumne et de Janus. Est-ce que tu voudrais être exposé en vente dans la boutique des Sosie, poli et relié par leurs mains ? Tu t’indignes, je le vois, de rester sous la clef[024.1] ; » etc.

Les temples de Vertumne et de Janus dont il est ici question se trouvaient voisins du forum Cæsaris et de l’Argilète, où la plupart des libraires de Rome avaient leurs magasins[024.2]. Quant aux Sosie, « ils tenaient, paraît-il, le premier rang parmi ces libraires…. Les Sosie étaient d’une famille plébéienne très connue. Deux frères de cette maison se distinguaient alors dans la librairie par la correction et la reliure des livres ; aussi étaient-ils chargés de publier et de débiter les ouvrages d’Horace, qui sans doute n’était pas leur plus mauvaise pratique, ainsi que son ami Virgile[024.3]. »

Athénée[024.4] fait mention des plus célèbres bibliothèques formées par des Grecs, et nous cite celle de Polycrate, tyran de Samos, celle d’Euclide l’Athénien, de Nicocrate de Chypre, d’Euripide, et celle d’Aristote, qui passa entre les mains de Théophraste, puis de Nélée, et fut achetée par Ptolémée Philadelphe ; il nous apprend[024.5], en outre, qu’au commencement de l’ère chrétienne un certain Artémon, homme fort obscur d’ailleurs, avait composé un manuel relatif à l’Art de rassembler des livres, et un autre traitant de la Manière de se servir des livres.

Martial nous parle de son libraire, « installé derrière le temple de la Paix », et nous explique qu’on faisait deux sortes de copies de ses ouvrages, l’une maniable, facile à emporter avec soi, et l’autre destinée aux bibliothèques : « Toi qui désires avoir partout avec toi mes livres, et qui veux en faire tes compagnons de voyage, achète ceux dont le parchemin comprime le mince format[025.1]. Laisse aux bibliothèques les gros volumes ; je tiens tout entier dans la main[025.2]. Cependant, pour que tu saches où l’on me vend, et que tu n’ailles pas courir toute la ville, je vais te servir de guide. Va trouver Secundus, l’affranchi du docte Lucensis, derrière le temple de la Paix et le marché de Pallas[025.3]. » Plus loin, dans l’épigramme dédiée « A son livre, impatient d’être publié », Martial parle des boutiques du quartier d’Argilète, que ledit petit livre a hâte d’habiter[026.1]. Ce quartier d’Argilète où, comme nous l’avons vu il y a un instant, étaient installés la plupart des bibliopoles ou libraires de Rome, se trouvait au pied du mont Palatin, et s’étendait sur les bords du Tibre, depuis le quartier nommé le Vélabre jusqu’au théâtre de Marcellus. Il donnait aussi sur le forum Cæsaris, le marché de César[026.2].

Dans ses Nuits attiques[026.3], Aulu-Gelle nous conte, entre autres événements, la fondation de la première bibliothèque publique à Athènes par Pisistrate, et l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie :

« On dit que le tyran Pisistrate, ayant rassemblé un assez grand nombre d’écrits littéraires et scientifiques, fonda chez les Athéniens la première bibliothèque publique. Les Athéniens travaillèrent avec zèle à enrichir cette collection et l’augmentèrent considérablement. Mais, lorsque la ville fut prise par Xerxès, qui la fit livrer aux flammes, à l’exception de la citadelle, tous les livres furent enlevés et transportés en Perse. Un grand nombre d’années après, le roi Seleucus Nicanor les rendit aux Athéniens. Dans la suite, les Ptolémées fondèrent en Égypte une riche bibliothèque qui renfermait près de sept cent mille volumes rassemblés ou écrits par leurs ordres. Mais, dans la première guerre d’Alexandrie, tandis que la ville était au pillage, il arriva, non par suite d’aucun ordre, mais par l’imprudence de quelques soldats auxiliaires, que le feu prit à la bibliothèque, et cette magnifique collection fut la proie de l’incendie. »

D’un récit de Diogène Laërce (iie s. av. J.-C.), on peut conclure qu’il y avait à Athènes, au ive siècle avant Jésus-Christ, des espèces de cabinets de lecture[051.1] ; et l’on y constate, à peu près vers le même temps, l’existence de boutiques de librairie servant de lieux de rendez-vous et de conversation aux amateurs de livres[051.2]. Il en était de même à Rome, ainsi qu’il résulte d’un passage d’Aulu-Gelle[051.3] : les lettrés et curieux se réunissaient volontiers chez les libraires (bibliopola, æ), pour converser et discuter.

Les devantures des libraires étaient, des deux côtés de l’entrée, couvertes d’inscriptions indiquant les ouvrages en vente et les noms de leurs auteurs ; et, ainsi que nous le verrons plus loin, les murs intérieurs étaient garnis de rayons disposés en casiers, comme nos magasins de papiers peints.

Les lectures publiques, les « conférences », étaient très fréquentes dans la Rome impériale. Elles commencèrent sous Auguste, et l’usage en fut introduit par Asinius Pollion[028.1]. « Auparavant on se contentait de lire ou de faire lire les ouvrages durant les repas, chez soi ou chez ses amis. Cicéron, par exemple, envoyant de Pouzzoles son traité De la gloire à Atticus qui était à Rome, lui recommande de ne pas le publier, mais d’en noter les plus beaux endroits, qu’il pourra faire réciter à table par son lecteur Salvius, devant des auditeurs bien disposés[028.2]. Mais déjà la vanité s’était emparée de cette coutume, et les mauvais écrivains, sous prétexte de donner à dîner à leurs amis, leur infligeaient, comme un accessoire obligé, l’audition de leurs rapsodies[028.3]. Cet abus, à la fois si commode et si flatteur pour la médiocrité vaniteuse, prit un rapide accroissement et finit par devenir un usage presque universel. Aussi le spirituel épigrammatiste latin, invitant à souper son ami Turannius et n’ayant à lui offrir qu’une très maigre chère, s’engageait, par forme de compensation, à ne lui pas faire subir l’ennui d’une lecture[029.1]. »

Géraud, de qui j’extrais ces détails[029.2], nous conte encore l’anecdote suivante, empruntée à Philostrate[030.1] : « Un financier ignorant et qui se piquait de littérature aimait fort à réciter ses écrits en public, et tenait surtout à faire sensation dans son auditoire. Lorsqu’il prêtait de l’argent, il stipulait d’abord un honnête intérêt, mais ajoutait toujours au prêt une condition sine qua non, à savoir que l’emprunteur viendrait l’écouter et l’applaudir ; si quelqu’un y manquait, il le poursuivait en justice pour inexécution d’une clause essentielle du contrat. »

« C’était une espèce de devoir pour les parents et les amis d’un auteur que d’assister à ses lectures[030.2]. Pline le Jeune savait un gré infini à sa femme de ce qu’elle venait, couverte d’un voile, écouter lorsqu’il récitait en public[030.3]. Le même auteur raconte[030.4] que Passienus Paullus, poète élégiaque assez distingué, devait un jour lire des vers devant une assemblée dont faisait partie Javolenus Priscus en qualité d’ami intime du poète. La pièce que devait lire Paullus commençait par ces mots : « Vous l’ordonnez, Priscus ». — « Moi ? je n’ordonne rien ! » répondit aussitôt Javolenus, qui prit pour lui l’apostrophe. Cette distraction démonta pour tout le reste de la séance la gravité de l’auditoire….

« Ces petits faits et quelques autres que nous trouvons dans Pline ne sont pas de nature à prouver qu’il y eût à Rome un grand zèle pour les lectures publiques, surtout dans la classe des auditeurs : on y assistait par habitude, tout en maugréant contre l’usage, comme beaucoup de personnes chez nous s’astreignent aux visites du 1er janvier, tout en appelant de leurs vœux l’abolition de cette assujettissante coutume. Parmi les invités, les uns ne venaient pas du tout, les autres faisaient un acte de complaisance forcée, et regardaient comme du temps perdu celui qu’ils passaient à écouter une lecture ; aussi ne se piquaient-ils pas d’une grande exactitude. Ils musaient longtemps à la porte de l’auditoire, faisaient demander si le lecteur était arrivé, s’il avait débité sa préface, si son livre avançait. Alors seulement ils entraient, lentement et les uns après les autres. Ils s’asseyaient ; mais, du reste, pas d’attention, pas un mot d’encouragement, pas un geste d’approbation, et, comme nous l’avons vu, ils saisissaient toutes les circonstances qui pouvaient faire diversion à l’ennui du récit. La plupart même quittaient la séance avant la fin, les uns en dissimulant autant que possible leur sortie, les autres ouvertement et sans gêne[031.1]. Cette indifférence ne refroidissait pas le zèle des auteurs, et chacun des jours des mois d’avril, de juillet et d’août, spécialement consacrés sans doute à ces solennités, était marqué par une lecture publique[032.1].

« Les plus mauvais écrivains n’étaient pas les moins zélés…. Pour ces récitateurs fanatiques, tous les endroits étaient bons : dans des thermes publics, au milieu du forum, ils étaient tout aussi à l’aise que dans leur propre maison[032.2]. Martial a personnifié, sous le nom d’un certain Ligurinus, cette malheureuse manie de récitation qui faisait de chaque petit poète un fléau pour ceux qui l’approchaient[032.3]. »

Nous avons déjà entrevu tout à l’heure ce Ligurinus, que Martial menaçait de « laisser souper seul[032.4] ». Voici encore deux des épigrammes qu’il lui décoche :

« Veux-tu savoir pourquoi personne n’aime à te rencontrer, pourquoi l’on se sauve dès qu’on t’aperçoit, pourquoi, Ligurinus, autour de toi règne une vaste solitude ? Tu es trop poète. C’est un bien dangereux défaut. La tigresse furieuse de l’enlèvement de ses petits, la vipère que brûle le soleil de midi, le scorpion malfaisant, sont moins à craindre que toi. Quoi de plus insupportable, en effet, qu’une pareille importunité ! Si je suis debout, tu lis ; si je m’assieds, tu lis ; si je cours, tu lis ; tu lis encore, quand je suis à la selle. Je fuis aux thermes, tu te pends à mon oreille ; j’entre au bain, tu m’empêches d’y nager ; je rentre souper, tu ne me quittes pas un instant ; je commence à manger, tu me chasses de table. Harassé, je m’endors, et soudain tu m’éveilles. Vois donc le mal que tu me fais ! Tu es juste, probe, inoffensif, et pourtant tu es redouté[033.1] ! »

Et cette autre :

« Je ne sais si Apollon s’enfuit de la table au festin de Thyeste ; mais nous, Ligurinus, nous fuyons de la tienne. Je le sais, elle est somptueuse et chargée des mets les plus délicats ; et pourtant tout m’y déplaît, quand tu récites. Je dédaigne ton turbot et ton surmulet de deux livres ; ce ne sont ni tes champignons ni tes huîtres que je demande, mais seulement ton silence[033.2]. »

« Rome, ajoute Géraud[033.3], était pleine de pareils personnages à qui rien ne coûtait pour se produire. Louer à grands frais une maison, des bancs et des chaises, et disposer une salle en amphithéâtre, briguer des auditeurs, répandre des annonces, s’épuiser enfin en démarches et en frais de tout genre[034.1], telles étaient les conditions auxquelles on se soumettait pour un triomphe d’un instant.

« On ne peut, sans un vif sentiment d’intérêt et de curiosité, lire, dans les poètes satiriques de l’époque, et les prétentions des auteurs, et leurs minauderies devant le public, et les précautions prises d’avance pour se ménager un succès. Nous ne sommes plus alors dans la Rome d’Auguste ; on dirait que Martial, Perse et Juvénal ont deviné nos vanités de salon et nos intrigues de coulisses. »

Ainsi conclut l’auteur de l’Essai sur les livres dans l’antiquité, qui est mort il y a plus d’un demi-siècle, et n’a pu constater, par conséquent, tous les progrès accomplis par nous dans cette voie, et combien il a eu raison de comparer nos mœurs à celles de la Rome impériale.

Une question, qui, comme celle des lectures publiques, se rattache aux libraires de l’ancienne Rome, c’est celle des rapports des auteurs avec ces commerçants, c’est la question des droits d’auteur.

Ces droits, disons-le tout de suite, n’existaient pas. Les libraires ou éditeurs romains « étaient, en thèse générale, des gens qui recevaient gratuitement des auteurs les ouvrages inédits, qui les faisaient transcrire à leurs risques et périls, et qui s’indemnisaient des frais de publication en percevant seuls tous les bénéfices de la vente[0035.1] ».

Seules les pièces de théâtre avaient chance de rapporter à leurs auteurs quelque argent[035.2], « encore étaient-elles achetées, non par les libraires, mais par les comédiens ou les personnes qui donnaient des jeux au peuple[035.3] ».

Géraud, qui me fournit ces remarques, a recueilli, parmi les auteurs latins, maintes preuves de l’exactitude de ses assertions.

Ainsi, « Stace, dont la Thébaïde, lue en public, mettait en mouvement Rome tout entière, et soulevait, dans un immense auditoire, un frénétique enthousiasme, Stace était obligé, pour avoir du pain, de faire des tragédies[035.4]. Les vers de Martial eurent une vogue inouïe ; il jouit, de son vivant, d’un renom que bien peu d’auteurs obtenaient après leur mort ; mais il vécut toujours pauvre[035.5]. Tout chevalier romain qu’il était, il se trouvait dans l’obligation, et n’en rougissait pas, de demander à Parthénius une robe neuve, et, quand il l’avait obtenue, il lui fallait mendier le manteau[036.1]. Aussi disait-il lui-même : « Que me sert que nos soldats lisent mes vers au fond de la Dacie, que mes épigrammes soient chantées dans la Bretagne ? Ma bourse n’en est pas mieux garnie, nescit sacculus ista meus[036.2]. »

« Mais il faut bien remarquer que ni Martial, dans ses plaintes fréquentes sur la pénurie de ses finances, ni Juvénal, dans la satire sur la misère des gens de lettres[037.1], ne songent à accuser les libraires. Dans les relations de ces derniers avec les auteurs, la part de chacun était faite : au libraire l’argent, à l’écrivain la gloire. Ce partage est clairement exprimé dans ces vers de l’Art poétique d’Horace :

Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci,
Lectorem delectando, pariterque monendo.
Hic meret æra liber Sosiis : hic et mare transit,
Et longum noto scriptori prorogat ævum[037.2].

« Et Tacite, dans son Dialogue sur les orateurs[037.3] : « Les vers, dit-il, ne conduisent point aux honneurs, ils ne mènent point à la fortune ; tout leur fruit se borne à un plaisir court, à des louanges frivoles et stériles. » « Et plus bas[037.4] : « La renommée, à laquelle les poètes sacrifient tout, et qu’ils avouent être le seul prix de leurs travaux, quod unum esse pretium omnis sui laboris fatentur, n’est pas autant le partage des poètes que des orateurs[038.1]. »

Il fallait bien vivre cependant, par conséquent, manger et solder son pain. « Mon livre n’est qu’un joyeux convive, un compagnon de plaisirs, écrit Martial[038.2] ; il plaît, parce qu’on en jouit gratis. Nos anciens ne se contentaient pas de cette gloire ; le moindre présent fait à Virgile fut le bel Alexis. »

« Dans les républiques grecques, dit Géraud[038.3], les poètes chantaient les vainqueurs des jeux publics et en attendaient leur salaire ; dans les royaumes, ils vendaient leur muse aux monarques qui voulaient l’acheter, et l’avarice des princes leur valait souvent d’amères satires. A Rome, les poètes spéculaient sur la vanité des empereurs et des grands. Dans la pièce de vers où Martial se plaint que sa bourse se ressente si peu de la vogue de ses livres[038.4], que demande-t-il ? des libraires plus généreux ? Nullement. Il désire que les destins donnent à Rome un nouveau Mécène, comme ils lui ont envoyé un nouvel Auguste dans la personne de Nerva. D’où vient, suivant Juvénal, la détresse des gens de lettres ? C’est que Rome n’a plus des Mécène, des Proculeius, des Fabius, des Lentulus, des Cotta[039.1]. »

On sait quelle sollicitude l’empereur Auguste témoigna aux lettres et aux gens de lettres, que de marques de faveur reçurent de lui Virgile et Horace, entre autres. Ses bienfaits se répandaient même sur d’obscurs écrivains, et Macrobe raconte à ce sujet cette curieuse anecdote[039.2] : Un pauvre poète grec avait l’habitude d’attendre l’empereur à la porte de son palais, et de lui remettre chaque fois une courte pièce de vers célébrant ses louanges. Fatigué de ce manège, dont il faisait probablement semblant de ne pas comprendre le but, l’empereur prit un jour un morceau de papier et y traça quelques vers, qu’il remit au Grec en échange des siens. Le Grec, aussitôt après les avoir lus, de s’exclamer sur leur grâce, leur élégance, leur perfection, de les louer avec le plus chaleureux enthousiasme ; puis de tirer bien vite sa bourse, et de présenter à l’empereur deux oboles : « Si j’avais plus, je donnerais davantage ». Cette fois Auguste fut bien forcé de saisir l’apologue ; il trouva d’ailleurs la farce bonne, sourit, et fit compter au rusé poète cent mille sesterces (environ 25 000 francs).

« Les successeurs d’Auguste suivirent son exemple et récompensèrent les hommes de lettres tantôt par des honneurs, tantôt par des présents. Domitien enrichit Quintilien et paya généreusement les flatteries de Martial ; Trajan combla de faveurs Pline le Jeune, et Vespasien donna en une seule fois à Saleius cinq cent mille sesterces (123 000 francs). Tacite, qui rapporte ce dernier trait[040.1], ajoute : « Il est beau sans doute de mériter, par ses talents, les libéralités du prince ; mais combien n’est-il pas plus beau encore, si notre fortune nous impose des besoins, de ne recourir qu’à soi, de n’implorer que son génie, de n’avoir que soi pour bienfaiteur ! » « Sans les libéralités des empereurs, les poètes n’auraient eu, dit Juvénal[040.2], d’autre parti à prendre que de se faire garçons de bains, mitrons, crieurs publics, délateurs ou faux témoins. » « Ils n’auraient certainement pas été réduits à une aussi triste condition, s’ils avaient pu vendre leurs manuscrits aux libraires, et partager avec ces derniers les bénéfices de la publication des ouvrages en vogue. Mais l’idée même d’une spéculation pareille n’existait pas à Rome ; car, dans l’état de détresse où étaient les littérateurs, leur verve satirique, qui s’exerçait sans gêne contre la lésinerie des grands, n’aurait pas épargné l’avarice des libraires[041.1]. »

Revenons aux bibliothèques romaines.

Comme nous l’avons vu tout à l’heure dans une épigramme de Martial, et comme nous le voyons aussi dans Suétone[041.2], les bibliothèques publiques étaient d’ordinaire, chez les Romains, installées à proximité des temples ou sous les portiques de ces édifices. Telle était la bibliothèque publique — la première que Rome ait possédée — fondée par Asinius Pollion, et établie dans un temple de la Liberté ; la bibliothèque Palatine construite par Auguste (63 av. J.-C.-14 ap. J.-C.) dans son palais même, à côté du temple d’Apollon[042.1] ; etc. Une autre bibliothèque, créée par Auguste en l’honneur de sa sœur Octavie, la bibliothèque Octavienne, fut, peut-être aussi, aménagée sous les galeries d’un temple, qui était voisin du théâtre de Marcellus[042.2]. Sous le règne de Titus (40-81), la bibliothèque Octavienne fut détruite par un incendie.

Trajan (52-117) édifia une bibliothèque célèbre à Rome, la bibliothèque Ulpienne (d’Ulpius, nom de famille de cet empereur). Placée d’abord sur le forum de Trajan, elle fut transportée plus tard dans les Thermes de Dioclétien. « Au temps de Constantin (245-313), Rome en comptait vingt-neuf (de bibliothèques publiques), parmi lesquelles la bibliothèque Palatine et la bibliothèque Ulpienne étaient les plus considérables[042.3]. » Constantin fit copier quantité de livres pieux, et en forma une importante collection à Constantinople. L’empereur Julien dit l’Apostat (331-363) voulut supprimer cette bibliothèque, ce qui ne l’empêcha pas d’en fonder deux autres, l’une aussi à Constantinople, et l’autre à Antioche ; sur le frontispice de ces établissements il avait fait graver cette sentence, officiel aveu de sa constante passion pour les livres : « Alii quidem equos amant, alii aves, alii feras ; mihi vero a puerulo mirandum acquirendi et possidendi libros insedit desiderium[043.1] ».

« Ces collections publiques ne durent pas peu contribuer à entretenir chez les particuliers l’amour des livres. Déjà, du temps de Sénèque, le luxe des bibliothèques était poussé à Rome à un degré inimaginable. Une bibliothèque était regardée dans une maison comme un ornement nécessaire ; aussi en trouvait-on jusque chez les gens qui savaient à peine lire, et [certaines étaient] si considérables que la lecture des titres des livres aurait seule rempli la vie du propriétaire[043.2]. C’est vers ce temps que vint à Rome le grammairien Épaphrodite de Chéronée, qui ramassa jusqu’à trente mille volumes de choix. Plus tard, Sammonicus Severus, précepteur de Gordien le Jeune, laissa à son élève la bibliothèque qu’il avait reçue de son père et qui se montait à soixante-deux mille volumes….

« Enfin nous trouvons, dès le iie siècle, des bibliothèques publiques dans de petites villes de l’Italie : Tibur en possédait une assez bien fournie, située dans un temple d’Hercule. Pline le Jeune nous apprend lui-même qu’il avait prononcé un discours pour l’inauguration de la bibliothèque de Côme, sa patrie ; et l’ensemble de sa lettre[044.1] prouve que cette collection avait été formée peut-être en entier, mais bien certainement en partie, par lui et sa famille. Dans une ancienne inscription découverte à Milan, nous trouvons, entre autres choses, que Pline le Jeune avait donné, pour la réparation ou l’entretien de cette bibliothèque, une somme de cent mille sesterces (environ 25 000 francs)[044.2]. »

Ainsi que nous le verrons plus loin, les chrétiens héritèrent du zèle des littérateurs romains pour les collections de livres, et formèrent à leur tour de nombreuses bibliothèques.

Avant de quitter les anciens, disons succinctement ce qu’était le livre chez eux et comment il se fabriquait[045.1]. Ce mode de fabrication paraît avoir été identique en Grèce et dans le monde romain ; le livre, à Athènes comme à Rome, se composait originairement d’une longue bande de papyrus roulée sur elle-même, nommée en latin volumen, rouleau (au pluriel volumina ; de volvere, rouler), d’où nous avons fait volume.

La plante nommée papyrus par les Égyptiens, et ϐίϐλος par les Grecs, est une espèce de roseau de la famille des cypéracées, qui croît dans les marais de l’Égypte, de l’Abyssinie, de la Syrie, de la Sicile et de la Calabre. Elle a une racine ou rhizome féculent, dont les anciens Égyptiens se nourrissaient, et une tige ou hampe triangulaire haute de 2 mètres à 2 m. 50, sans feuilles et terminée par une large et élégante ombelle[046.1]. C’est avec la tige du papyrus que les anciens fabriquaient leur papier.

Dans son Histoire naturelle[046.2], Pline nous donne d’amples détails sur les diverses opérations de cette fabrication, « mais les trois chapitres qu’il a consacrés à cette matière sont parfois si obscurs, que, malgré de nombreux commentaires et même diverses expériences tentées sur du papyrus de Sicile, l’interprétation de quelques passages reste toujours incomplète[046.3] ». Voici les plus importants de ces détails, tels qu’ils ont été exposés et interprétés par Géraud et par Egger.

La tige seule du papyrus, avons-nous dit, était bonne à faire du papier. On commençait par la fendre longitudinalement en deux parties égales ; ensuite, avec une aiguille[047.1], on enlevait des bandes de papyrus aussi minces et aussi larges que possible. Ces bandes se nommaient en latin philyræ. Les meilleures étaient les deux qu’on enlevait d’abord dans chaque partie de la tige, c’est-à-dire celles qui formaient le centre de la plante ; les autres diminuaient de qualité à mesure qu’elles se rapprochaient de l’écorce. Avec les premières, on fabriquait le papier de première qualité ; avec les secondes, le papier de seconde qualité ; avec les troisièmes, celui de troisième qualité ; ainsi de suite. La première qualité de papier se nomma d’abord hiératique, ou sacrée, parce qu’elle était réservée aux livres saints ; la flatterie lui fit donner ensuite le nom de papier auguste, ou royal ; par le même motif, le papier de seconde qualité fut appelé livien, du nom de Livie, femme de l’empereur Auguste. Dès lors la dénomination de hiératique ne s’appliqua plus qu’au papier de troisième qualité. Le papier de quatrième qualité était connu sous le nom d’amphithéâtrique, parce qu’il était fabriqué à Alexandrie, dans le quartier de l’amphithéâtre. Fannius, grammairien de Rome, ayant réussi à améliorer le papier amphithéâtrique, à étendre un peu sa largeur et à polir sa surface, fit, d’un papier commun, un papier de première qualité, le papier fannien, pouvant rivaliser avec le papier auguste. Le papier de quatrième qualité, qui n’avait pas reçu cette préparation, garda son nom d’amphithéâtrique. Le papyrus qui croissait en abondance aux environs de la ville de Saïs, sur le delta du Nil, mais qui était de qualité inférieure, servait à faire le papier de cinquième catégorie, le papier saïtique. En sixième lieu venait le papier ténéotique, ainsi nommé d’un quartier d’Alexandrie[048.1] où on le fabriquait ; de qualité inférieure, il se vendait au poids. Quant au papier emporétique (εμπορία, commerce, marchandises), qui occupait le dernier rang, il était impropre à l’écriture et ne pouvait servir que pour envelopper les autres papiers, ou emballer des marchandises.

Ces diverses espèces de papier se fabriquaient de la façon suivante : « Sur une table inclinée et mouillée avec de l’eau du Nil, on étendait, les unes à côté des autres, des bandes de papyrus aussi longues que la plante avait pu les fournir, après qu’on en avait retranché les deux extrémités, c’est-à-dire l’ombelle et la racine ; on les humectait encore avec de l’eau du Nil. Cette eau, pénétrant les lames du papyrus, délayait les sucs qu’elle pouvait contenir ; par là elle perdait sa limpidité, devenait trouble et acquérait une viscosité suffisante pour tenir lieu de colle et assujettir entre elles les bandes de papyrus, dans le sens de leur longueur. Sur ces bandes longitudinales on en posait transversalement d’autres, qui, coupant les premières à angle droit, formaient, avec elles, une espèce de claie. Les feuilles, plagulæ, ainsi faites, étaient soumises à l’action d’une presse, puis séchées au soleil ; ensuite on les réunissait en un rouleau, scapus (en attendant que, revêtu d’écriture, il prît le nom de volumen), qui, du temps de Pline, contenait vingt feuilles. Au ive siècle, la main de papyrus, comme nous dirions aujourd’hui, n’était plus que de dix feuilles[049.1]. »

Mais, avant même d’être collées ainsi bout à bout et réunies en rouleau, ces feuilles subissaient diverses autres opérations : chacune d’elles était battue au marteau, et soigneusement polie au moyen de la pierre ponce, d’une dent d’animal, ou d’un coquillage ; puis ordinairement encollée, afin que l’écriture pût s’y tracer sans bavures. « La colle commune se composait de fleur de farine délayée avec de l’eau bouillante, dans laquelle on jetait quelques gouttes de vinaigre. La mie de pain fermenté, détrempée également dans l’eau bouillante, formait une colle de meilleure qualité, moins épaisse, et qui donnait au papier une finesse égale à celle d’une étoffe de lin ; l’une et l’autre devaient être employées dans les vingt-quatre heures. Après avoir couvert avec cette colle la feuille de papyrus, on la pressait dans la main pour l’égoutter, ensuite on la dépliait et on l’étendait à coups de maillet ; chaque feuille subissait deux fois cette opération[050.1]. »

Pour écrire sur la bande de papyrus, on traçait, en colonnes verticales, de véritables pages d’écriture (paginæ), dont chacune avait à peu près le même nombre de lignes, et qui se succédaient parallèlement l’une à l’autre ; au contraire, pour les lettres ou missives, auxquelles suffisaient de petits rouleaux, — « le papier à lettres » (charta epistolaris), — les lignes étaient écrites dans le sens le plus étroit de la bande, de manière à ne former qu’une colonne d’un bout à l’autre du rouleau[050.2].

« Il n’est pas probable, remarque l’auteur de Minerva[050.3], que des ouvrages aussi volumineux que ceux de Thucydide ou d’Homère aient été jamais réunis sur un seul rouleau, dont la longueur aurait atteint 80 mètres ; mais nous possédons des papyrus égyptiens qui ont près de 45 mètres de longueur. Des rouleaux aussi considérables étaient d’un maniement incommode, ce qui fit dire à Callimaque, poète et bibliothécaire alexandrin vers 260 av. J.-C.  : μεγα βιϐλίον, μεγα κακόυ[051.1]. » La forme, la nature même des volumina, obligeaient ainsi les auteurs à publier leurs ouvrages par sections, et par sections relativement peu étendues : c’est ce qui explique la division en livres des œuvres de la plupart des écrivains latins, d’Horace, de Virgile, d’Ovide, de Martial, Stace, Tibulle, Properce, Apulée, Aulu-Gelle, etc., et les dimensions, généralement restreintes, de chacun de ces livres. Aussi ne faut-il pas se faire illusion sur le nombre considérable de volumes, de rouleaux, de certaines bibliothèques anciennes : quand nous lisons, par exemple, « que la bibliothèque d’Alexandrie renfermait sept cent mille volumes, il faut bien se persuader que cette masse énorme de volumes était peut-être le produit des veilles de six à sept mille auteurs tout au plus, et que toute cette bibliothèque d’Alexandrie n’aurait peut-être pas occupé trente à quarante mille de nos in-folio actuels[052.1]. »

C’était autour d’une baguette, dite umbilicus, fixée à la dernière feuille, baguette de cèdre, de buis ou d’ivoire, que la bande de papyrus s’enroulait[052.2]. Les deux tranches du rouleau, — les deux bases de ce cylindre, — se nommaient frontes ; elles étaient souvent coloriées. Les extrémités de la baguette, appelées, elles aussi, umbilici, se trouvaient d’ordinaire garnies de petits boutons, bossettes ou pommettes (cornua), qui étaient d’ivoire, d’argent, d’or, ou de pierre précieuse, suivant le prix et le luxe du manuscrit. Ces petites pièces, travaillées avec beaucoup d’art, formaient un point brillant au centre de chaque volume (d’où ce nom d’umbilicus, nombril), et « portaient sans doute, soit au milieu, soit autour de la bossette, le nom de l’auteur du livre[053.1] ». Peut-être aussi une étiquette contenant ce nom et le titre de l’ouvrage était-elle suspendue par un fil à ce bouton[053.2]. Quant aux volumes de condition plus modeste, ils portaient sur leur tranche supérieure, c’est-à-dire sur celle qu’on plaçait en vue, une languette de papyrus ou de parchemin, dite pittacium, annonçant le titre de l’ouvrage[054.1], « ou plutôt le nom de l’auteur », rectifie Peignot[054.2]. Ajoutons que chaque rouleau était préservé des attaques des insectes et rendu incorruptible au moyen d’un bain d’huile de cèdre[054.3].

I-079-055-01 Volumen roulé
Volumen roulé.
I-079-055-02 Volumen en partie déroulé
Volumen en partie déroulé.
I-079-055-03 Scrinium ou Capsa
Scrinium ou Capsa.

Pour lire, le lecteur tenait le rouleau dans sa main droite, et le déroulait, au fur et à mesure de la lecture, avec sa main gauche[057.1] ; cette dernière main lui servait à enrouler de nouveau graduellement la portion du volume dont il avait pris connaissance ; de là les expressions : evolvere ou explicare librum ou volumen ; ad umbilicum ou ad umbilicos ou ad cornua[057.2] pervenire ou perducere, pour signifier « lire un livre, le lire jusqu’au bout ». Le verbe explicare (dérouler, supin explicatum, ou explicitum, d’où le participe explicitus) s’appliquait d’ailleurs aussi bien à la transcription qu’à la lecture des livres. Explicitus liber, « le livre est déroulé », formule qu’on abrégea dès le iiie siècle[057.3], et qu’on réduisit à explicit, fin d’un livre, les lignes finales, où le copiste prend congé du lecteur, commençant d’ailleurs d’ordinaire par ce mot : Explicit[057.4]….

Pour transporter les rouleaux de papyrus, on les plaçait verticalement et par séries dans des boîtes cylindriques plus ou moins ornées, qui étaient de véritables écrins et en avaient le nom (scrinium, pluriel scrinia ; et capsa, æ). Dans les bibliothèques et chez les libraires, on les rangeait à plat dans de petites cases fixées aux murs, ce qui faisait ressembler ces bibliothèques et ces magasins à nos boutiques de papiers peints, dont les murs sont entièrement revêtus de casiers ainsi remplis de rouleaux. Ces bibliothèques et ces librairies pouvaient encore se comparer à l’intérieur des colombiers, tout tapissés de nids ; — ou encore à un columbarium, avec ses rangées de petites niches destinées aux urnes funéraires ; — d’où le nom de nidi, nids, donné à ces cases. Il est à supposer que, souvent, afin d’éviter la poussière, ces « nids » avaient chacun son volet, sa petite porte, ou bien étaient dissimulés derrière de longs panneaux de bois s’ouvrant comme des vantaux d’armoire[058.1].

Au lieu de l’écorce (liber, d’où le nom de livre) du papyrus, on s’est aussi servi parfois de l’écorce intérieure, du liber, d’autres végétaux, du hêtre et du tilleul principalement, et aussi de bandes de toile préparées pour recevoir l’écriture, et que Tite-Live désigne sous le nom de libri lintei[059.1].

« Il nous reste un grand nombre de papyrus trouvés dans des tombes égyptiennes et à Herculanum ; mais, à l’exception de ceux qui nous ont conservé des fragments d’Hypéride et quelques passages de poètes et de prosateurs malheureusement fort mutilés, aucun texte important d’auteur classique ne nous est parvenu sur papyrus. Tous nos textes complets d’auteurs de premier ordre sont écrits sur une autre matière, le parchemin[060.1]. »

Le parchemin (pergamena), fabriqué avec des peaux de moutons, de chèvres ou d’ânes, non tannées, mais simplement raclées après macération[060.2], doit son nom à la ville de Pergame, où il passe pour avoir été, sinon inventé, du moins employé d’abord et perfectionné. « Pline rapporte, d’après le témoignage de Varron, que les rois de la dynastie des Ptolémées, jaloux de l’importance naissante de la bibliothèque de Pergame, qui menaçait de rivaliser avec celle d’Alexandrie, défendirent l’exportation du papyrus, ce qui obligea les scribes pergaméniens à adopter une matière nouvelle[060.3]. »

C’est dans le courant du ve siècle avant Jésus-Christ que le parchemin apparut[060.4] ; mais ce n’est que bien plus tard, lorsque ses procédés de fabrication furent suffisamment améliorés, au commencement de notre ère, que son usage tendit à se répandre de plus en plus. Grâce à son épaisseur et à sa contexture, le parchemin avait sur le papyrus ce grand avantage, qu’il pouvait recevoir de l’écriture des deux côtés. Il présentait, en outre, assez de résistance et de solidité pour qu’on pût le faire servir à la confection de livres de forme analogue aux nôtres, c’est-à-dire composés de feuilles distinctes, de moyenne ou petite dimension, et réunies par une couture dans la marge du fond. On appela ces livres codices (au singulier codex), libri quadrati (liber quadratus), « livres carrés[061.1] », et nous avons vu, par une épigramme de Martial[061.2], que ces codices, avec leur couverture plate de bois ou de cuir, étaient à bon droit jugés moins encombrants, plus commodes et plus maniables que les volumina, que les scrinia. Au lieu d’être rangés dans des casiers, comme les rouleaux de papyrus, les « livres carrés » étaient renfermés dans des armoires (armaria, au singulier armarium[061.3]), dont les rayons, garnis d’un rebord, formaient plusieurs étages de plans inclinés, sur lesquels les livres étaient placés à plat, à côté les uns des autres, le titre en dessus[062.1].

Le nom de codex avait originairement servi à désigner un livre, aussi de forme rectangulaire, composé de tablettes de bois rassemblées par un même côté[062.2]. Tant en Grèce qu’à Rome, ces tablettes servaient pour les besoins de la vie courante ; elles recevaient d’ordinaire un enduit de cire (d’où leur nom de tabellæ ceræ, ceratæ tabellæ ou simplement ceræ[062.3]), sur lequel on traçait les caractères à l’aide d’un instrument pointu, le style (γραφίς, graphium, stilus ou stylus).

« Les tablettes de bois étaient connues des Hébreux à l’époque où fut rédigé le Livre des Rois, et des Grecs dès le temps d’Homère ; mais les Romains furent les premiers à les faire entrer dans la pratique journalière. Ils en fabriquaient avec le buis, l’if, l’érable et d’autres bois durs ; les plus précieuses étaient en citrus, sorte de cyprès venant d’Afrique. Elles étaient disposées, tantôt en forme de livre ou de portefeuille (car elles avaient souvent plusieurs feuillets), tantôt en forme de diptyque ou de polyptyque, et tantôt comme un paravent. Elles s’employaient rarement sans enduit, et l’enduit ordinaire était la cire. Des rebords en saillie retenaient sur chaque feuillet cette substance malléable, sur laquelle on écrivait avec le stylet. Les tablettes ainsi préparées servaient partout aux correspondances, aux devoirs des écoliers, aux comptes, aux notes fugitives ; car le principal avantage de la cire et la raison de son emploi, c’est qu’elle permettait d’effacer et de remplacer facilement les caractères tracés. Par le même motif, l’usage des tablettes se perpétua jusqu’à la fin du moyen âge, la vulgarisation du livre proprement dit ne détruisant pas leur utilité toute spéciale. Charlemagne en avait d’habitude sous son chevet, suivant le témoignage d’Éginhard[063.1]. Aux xiie et xiiie siècle, les dames françaises en portaient à leur ceinture, renfermées dans un étui plus ou moins riche, et les fabricants de « tables à escrire » formaient à Paris une corporation.

« Les comptes de nos rois étaient dressés sur des tablettes de cire, avant d’être transcrits sur le parchemin, et un de ces brouillons attire encore à juste titre la curiosité du public dans le musée de nos Archives nationales. Ce précieux monument renferme une partie des recettes et des dépenses de l’hôtel de saint Louis pour les années 1256-1257. Chacun de ses feuillets, autrefois réunis par des charnières, de manière à imiter la forme du livre, est revêtu de cire noire sur l’une et l’autre face ; l’écriture y est tracée dans le sens le plus long, et barrée aux articles vérifiés ou recopiés par les gens des comptes. La Bibliothèque nationale possède des documents analogues pour les règnes de Philippe III et de Philippe IV ; on en voit d’autres à Florence et à Genève. Viollet-le-Duc a décrit et reproduit l’extérieur de tablettes fort curieuses, remontant au xive siècle et conservées à Namur ; mais celles-ci sont en ivoire sculpté et rentrent plutôt dans la catégorie des chefs-d’œuvre artistiques qui servaient de couverture à nos plus précieux manuscrits[064.1]. Le musée du Louvre contient trois ivoires ayant la même destination, qui ont été dépeints sommairement par M. de Laborde[064.2]. Nos pères utilisaient les tablettes, non seulement pour leurs comptes et leurs messages, mais pour des extraits de livres, des reportations de sermons, des testaments, des projets d’actes, et, d’après certains étymologistes, le nom des tabellions n’a pas d’autre origine que celui des tabellæ sur lesquelles ils rédigeaient leurs minutes[064.3]. »

I-089-065-01 Tablettes
Tablettes.
I-089-065-02 Styles
Styles.

Le style, qui servait à écrire sur les tablettes de cire, « était un petit instrument d’os, de fer, de cuivre ou d’argent, long de quatre à cinq pouces, mince, effilé et pointu à l’une de ses extrémités, tandis que l’autre, assez forte, était aplatie…. La pointe traçait l’écriture sur la cire, et, si l’on avait une lettre ou un mot à corriger ou à effacer, on retournait le style et l’on employait l’extrémité aplatie pour faire disparaître la lettre ou le mot réprouvé, pour rendre unie, dans cet endroit, la surface de la cire, et pouvoir substituer un autre mot à celui qu’on venait d’effacer. L’expression vertere stylum, retourner le style, passait en proverbe chez les Romains pour dire corriger un ouvrage. C’est ce qui fait qu’Horace, conseillant aux poètes de souvent revoir et corriger leurs ouvrages, leur dit :

Sæpe stylum vertas, iterum quæ digna legi sint,
Scripturus[067.1]….

« Il paraît que l’usage du style est fort ancien ; il en est question dans la Bible. Dieu menace de détruire Jérusalem, et, selon l’expression de la Vulgate, de l’effacer comme on efface ce qui est écrit sur des tablettes, en passant et repassant plusieurs fois le style par-dessus[067.2]. Mais si le style a été en usage longtemps avant l’ère vulgaire, on s’en est encore servi longtemps après. Saint Boniface, apôtre d’Allemagne, nous apprend, dans une de ses lettres (la septième), que les styles d’argent étaient encore à la mode au viiie siècle. Nous avons vu précédemment que leur usage s’est prolongé bien au delà de ce siècle, puisque les tablettes de cire étaient encore employées au xve[068.1]. »

Durant ce long intervalle, le style est plus d’une fois devenu une arme dangereuse, s’est plus d’une fois transformé en stylet. « César, se défendant, en plein sénat, aux ides de mars, contre ses assassins, perça le bras de Cassius avec son style, graphio trajecit, dit Suétone[068.2]. Caligula, désirant la mort d’un sénateur, suborna des gens pour l’attaquer comme ennemi public, et le malheureux fut massacré à coups de styles[068.3]. Un chevalier romain, dit Sénèque[068.4], fut également massacré sur la place publique par les styles du peuple, pour avoir tué son fils à coups de fouet. Saint Cassien, maître d’école à Imola, en Italie, fut martyrisé, vers le ive siècle, à coups de style, par ses écoliers[068.5]. Du temps de Martial[068.6], l’écritoire des jeunes élèves était toujours garnie de son style de fer.[069.1]. »

Pour écrire sur le parchemin ou sur le papyrus, on se servait d’un mince roseau (καλαμος, calamus, arundo), taillé en pointe et trempé dans de l’encre. Les roseaux préférés pour l’écriture étaient, selon Pline l’Ancien, ceux de Cnide[069.2] ; selon Martial, ceux d’Égypte, « de la terre de Memphis ; les autres ne sont bons qu’à couvrir les toits[069.3] ».

Il résulte d’un passage d’Ausone[069.4] que les anciens, après avoir taillé en pointe leurs calami, fendaient cette pointe en deux par le milieu, absolument comme sont taillées et fendues nos plumes actuelles. Ils effectuaient cette double opération à l’aide d’un canif (scalprum ou scalpellum librarium), et quand la pointe du calamus venait à s’émousser, ils l’affilaient avec la pierre ponce (pumex, pumicis), ou avec une pierre à aiguiser (cos, cotis).

L’usage du calamus (roseau), pour écrire, a duré jusqu’au vie ou viie siècle[070.1] ; le roseau a été alors remplacé par les plumes d’oie ou d’autres oiseaux. Quant aux plumes métalliques, bien qu’on les regarde comme une invention moderne, elles sont « d’une origine assez ancienne. Rader, dans ses commentaires sur Martial[070.2], dit que, de son temps, on a trouvé, chez les Daces, un roseau d’argent qu’il supposa avoir servi à Ovide pendant son exil. Laissant de côté la partie purement hypothétique de cette assertion, il n’en reste pas moins constaté qu’on a découvert, au xvie siècle, une plume métallique reconnue pour être un ustensile ancien. Au moyen âge, s’il faut en croire Montfaucon[070.3], les patriarches de Constantinople se servaient, pour leurs souscriptions, d’un roseau d’argent[071.1]. »

Le pinceau (penicillum) n’était guère employé que pour tracer les lettres d’or ou de cinabre ; on en a fait usage surtout au moyen âge pour l’ornement des manuscrits. « Cependant, observe Géraud[071.2], les Égyptiens l’ont parfois employé pour écrire sur du bois à l’encre noire. Il existe au musée de Turin deux textes hiératiques écrits de cette manière sur la face intérieure de deux couvercles de cercueil. » Les Chinois n’ont eu, jusqu’à nos jours, d’autre instrument pour écrire que le pinceau.

L’encre ordinaire (atramentum, quelquefois encaustum), en usage chez les Latins comme chez les Grecs, était un simple composé de noir de fumée, de gomme et d’eau. « On obtenait le noir de fumée de plusieurs manières. Voici celle qui est décrite par Vitruve. On bâtissait une chambre voûtée comme une étuve ; les murs et la voûte étaient revêtus de marbre poli. Au devant de la chambre, on construisait un four qui communiquait avec elle par un double conduit. On brûlait dans ce four de la résine ou de la poix, en ayant soin de bien fermer la bouche du four, afin que la flamme ne pût s’échapper au dehors, et se répandît ainsi, parle double conduit, dans la chambre voûtée ; elle s’attachait aux parois et y formait une suie très fine, qu’on ramassait ensuite[072.1]. La résine pouvait se remplacer par de la poix, de la lie de vin desséchée et cuite, du marc de raisins ou de l’ivoire brûlé[072.2]. Quelquefois on faisait brûler des sarments et des morceaux de bois résineux, qu’on pilait ensuite dans un mortier. La poudre obtenue par ce procédé remplaçait le noir de fumée[072.3]. L’encre se faisait, à ce qu’il paraît, sans feu, à la seule chaleur du soleil. Celle à laquelle on mêlait un peu de vinaigre s’effaçait, dit Pline[072.4], très difficilement. Ailleurs, il assure que, pour préserver les livres des souris, il suffisait de faire infuser de l’absinthe dans l’encre.

« L’encre des anciens a été en usage jusqu’au xiie siècle, époque où a été inventée celle dont on se sert aujourd’hui, qui est un composé de sulfate de fer, de noix de galle, de gomme et d’eau. L’ancienne encre était noire lorsqu’on l’employait, mais elle jaunissait avec le temps, et, si elle était exposée à l’humidité, elle finissait par s’effacer entièrement….

« Les anciens connaissaient aussi l’encre de sèche ou sépia, dont nos dessinateurs font usage, et qui, dans l’Orient, sert encore à l’écriture. Perse, gourmandant la paresse des jeunes Romains de son époque, dit qu’ils ne se mettent à l’étude que tard dans la journée, encore trouvent-ils mille prétextes pour retarder l’instant du travail : l’encre est trop épaisse, la sépia s’évapore dans l’eau[073.1]…. »

Outre l’encre noire, et la sèche, les anciens possédaient une « encre indienne », dont parle Pline l’Ancien[073.2], « qui est aussi mentionnée par Vitruve, et pourrait bien avoir donné naissance à l’encre de Chine[073.3] ». Ils connaissaient aussi les encres de couleur, et particulièrement l’encre ou liqueur d’or et celle d’argent. Les plus fréquemment employées des encres de couleur étaient l’encre rouge et l’encre bleue ; les plus rares, l’encre verte et l’encre jaune. Ces encres de couleur ne servaient guère que pour les initiales et pour les titres, et comme on avait recours le plus souvent, dans ce cas, à l’encre rouge, les titres ne tardèrent pas à prendre le nom de rubricæ, rubriques (ruber, rouge). Il y avait plusieurs espèces d’encres rouges. La plus estimée, chez les Latins, était le minium, qui a été longtemps regardé comme une couleur sacrée. On en peignait le corps des triomphateurs et la figure de Jupiter aux jours de fête[074.1]. Aujourd’hui le nom de minium s’applique à l’oxyde rouge de plomb. Mais on pense que « celui des anciens n’était pas différent du sulfure de mercure, qu’on appelle encore cinabre, et vermillon quand il est en poudre. On le nommait aussi coccum[074.2]. La rubrique, rubrica, espèce de sanguine ou d’ocre brûlée, était d’un rouge moins éclatant et plus sévère que le minium. On l’employait pour écrire les titres des lois ; de là, chez les anciens eux-mêmes, une synonymie bien constatée entre les mots rubrica et titulus, lex ou formula. De là l’épithète de rubræ, rouges, donnée par Juvénal aux lois anciennes[074.3]…. »

En général, l’encre noire ordinaire des anciens pouvait assez facilement s’effacer, quand elle était fraîche, avec une éponge et de l’eau ; lorsqu’elle était sèche, il fallait faire usage du grattoir.

« Comme la matière première pour écrire était, dans l’antiquité, beaucoup plus rare que ne l’est le papier de nos jours, il arrivait souvent qu’on lavait et qu’on grattait un parchemin portant de l’écriture, pour écrire un nouveau texte par-dessus. Les parchemins ainsi traités s’appellent palimpsestes[099.1]. Cette pratique fut malheureusement fort répandue dans les couvents du moyen âge, et nous a coûté beaucoup de précieux monuments de la littérature antique. Souvent, toutefois, le lavage et le grattage n’ont pas été poussés très loin, de sorte que les traces de la première écriture sont restées visibles et ont pu de nos jours être rendues plus distinctes par l’emploi de réactifs chimiques[099.2]. Il a été possible de retrouver de la sorte quelques-uns des textes classiques que les moines avaient grattés pour y superposer des écrits ecclésiastiques….

« Il est bon d’ajouter que, dans d’autres cas, ce sont des textes ecclésiastiques qui ont été recouverts par des textes classiques : ainsi la bibliothèque de Florence possède un manuscrit de Sophocle, écrit en 1298, au-dessus d’une copie en onciales de la version grecque de la Bible dite des Septante[076.1]. »

C’est grâce au parchemin que le moyen âge put faire ces admirables manuscrits, ces missels, ces livres d’heures, aux merveilleuses miniatures, qui sont la joie de nos yeux.

Mais ni le papyrus ni le parchemin n’auraient pu aider Gutenberg et ses émules dans leur invention : le papyrus était trop mince et trop cassant, le parchemin, au contraire, trop sec et trop résistant : tous les deux se montraient, comme on dit en termes du métier, trop peu « amoureux de l’encre ».

Le papier, heureusement, avait fait son apparition, et, dès le xiie siècle, était entré en usage : l’imprimerie devait trouver en lui un excellent auxiliaire.

[I.025.001]
  1.  Joachim-Jean Mader (1626-1680), auteur d’une dissertation intitulée De scriptis et bibliothecis antediluvianis. Voir encore du même écrivain De bibliothecis. Cf. Ludovic Lalanne, Curiosités bibliographiques, p. 138 : « L’imposition des noms par Adam, les fabuleuses colonnes sculptées par Seth, et le prétendu livre d’Enoch, tels sont les faits qui lui ont servi de base (à J.-J. Mader) pour émettre cette ridicule opinion, qu’il essaye, à grand renfort d’érudition, de faire partager aux lecteurs ».  ↩
[I.026.002]
  1.  Bibliothèque historique, I, 49, trad. Hœfer, t. I, p. 60. (Paris, Hachette, 1865.) Cf. aussi Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, troisième partie, chap. iii (Œuvres choisies, t. I, p. 382 ; Paris, Hachette, 1868, 5 vol. in-8). Dans le texte de Diodore, il y a simplement ίατρεϊον, officine médicinale.  ↩
  2.  Montesquieu, Pensées diverses, Portrait (Œuvres complètes, t. II, pp. 419-420 ; Paris, Hachette, 1866, 3 vol. in-18). Dans sa concision, cette phrase de Montesquieu, hommage éclatant rendu aux Lettres, semble cacher un involontaire aveu de sécheresse de cœur. Mais comment imputer cette dureté de sentiments au généreux et compatissant philosophe qui nous fait cet autre aveu, dans une de ses Pensées (t. II, p. 421) : Je n’ai jamais vu couler de larmes sans en être attendri » ? Montesquieu a simplement voulu dire ici (cf. Larousse, Art d’écrire, les Fleurs et les Fruits, livre du maître, pp. 190-192) : « En lisant le récit d’infortunes, nous voyons que tous les hommes ont souffert avant nous, que beaucoup ont souffert plus que nous. Alors, la douleur s’adoucit…. En outre, la littérature, aussi bien que les beaux-arts et la nature elle-même, est une expression du beau ; or, la vue du beau tend à rétablir l’harmonie rompue au profit du sentiment. » Etc. Voir aussi ce que dit plus loin (p. 20) Pline le Jeune : « … Sans doute elle (l’étude) me fait mieux comprendre toute la grandeur du mal (de la peine), mais elle m’apprend aussi à le supporter avec plus de patience » ; et ce qu’écrit Éginhard à son ami Loup de Ferrières (pp. 85-86).  ↩
[I.027.003]
  1.  Dans ses Mémoires de Pisistrate Caxton, neuvième partie, chap. v, Idées de mon père sur l’hygiène chimique des livres, trad. Édouard Scheffter, t. I, pp. 260-265. (Paris, Hachette, 1877.) Voir, dans notre tome II, le chapitre intitulé « Thérapeutique bibliographique ».  ↩
  2.  Voir infra, p. 26, la citation d’Aulu-Gelle.  ↩
  3.  Cf. Duruy, Histoire des Grecs, t. I, p. 444.  ↩
[I.028.004]
  1.  « Chacun a son livre où il s’instruit des arts subtils. » (Aristophane, les Grenouilles, trad. Poyard, p. 426.)  ↩
  2.  « Le bel Enthydème avait fait une nombreuse collection d’ouvrages de poètes et de sophistes les plus renommés… ». (Xénophon, Mémoires de Socrate, IV, 2, trad. Talbot, t. I, p. 105.)  ↩
  3.  « Là (chez les Thraces). on trouve beaucoup de lits, beaucoup de coffres, beaucoup de livres et beaucoup de tous ces objets que les matelots transportent dans des caisses de bois. » (Id., Anabase [Expédition de Cyrus], VII, 3, trad. Talbot, t. II, p. 174.)  ↩
  4.  Plutarque, Vie d’Alcibiade, trad. Amyot, t. II, pp. 149-150. (Paris, Bastien, 1784.)  ↩
[I.029.005]
  1.  Plutarque, Vie d’Alexandre, trad. Amyot, t. V, p. 299.  ↩
  2.  Id., ibid., p. 261.  ↩
[I.030.006]
  1.  Théocrite, Idylle VII, les Thalysies, trad. Pessonneaux, pp. 64 et 71. (Paris, Charpentier, 1895.)  ↩
  2.  Sur les bibliothèques publiques dans l’antiquité, au moyen âge et dans les temps modernes, voir le traité de Juste Lipse, De bibliothecis syntagma, que Peignot a traduit, sous le titre de Traité des bibliothèques anciennes, et placé en tête de son Manuel bibliographique (Paris, s. n. d’édit. ni d’impr., 1800) ; le Père Louis Jacob de Saint-Charles, Traité des plus belles bibliothèques publiques et particulières, qui ont été et qui sont à présent dans le monde (Paris, Rolet Le Duc, 1644) ; Peignot, Dictionnaire raisonné de bibliologie, art. Bibliothèque, Notices sur les principales bibliothèques anciennes et modernes, t. I, pp. 58-108 (Paris, Villier, 1802) ; Petit-Radel, Recherches sur les bibliothèques anciennes et modernes (Paris, Rey et Gravier, 1819) ; J.-L.-A. Bailly, Notices historiques sur les bibliothèques anciennes et modernes (Paris, Rousselon, 1828) : ouvrage très médiocre ; H. Géraud, Essai sur les livres dans l’antiquité, particulièrement chez les Romains, chap. x (Paris, Techener, 1840) ; Lalanne, Curiosités bibliographiques, pp. 138-197 et passim (Paris, Delahays, 1857) ; G. Richou, Traité de l’administration des bibliothèques publiques (Paris, Paul Dupont, 1885) ; Ulysse Robert, Recueil des lois, décrets, ordonnances, arrêtés, concernant tes bibliothèques publiques (Paris, Champion, 1883) ; l’art. Bibliothèque dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (Diderot, Œuvres complètes, t. XIII, pp. 437-476 ; Paris, Garnier, 1876) : historique résumé et soigneusement fait de l’établissement des bibliothèques chez les principaux peuples anciens et modernes ; l’art. Bibliothèque dans l’Encyclopédie moderne…. publiée sous la direction de M. Léon Renier (Paris, Didot, 1851) ; dans la Grande Encyclopédie (Paris, Lamirault, s. d.) : article important et bien documenté ; etc. ; et les deux grands ouvrages : Alfred Franklin, les Anciennes Bibliothèques de Paris (Paris, Imprimerie nationale, 1867-1873; 3 vol. in-4) ; et Léopold Delisle, le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale (Paris, Imprimerie nationale, 1868-1881 ; 3 vol. texte et 1 vol. planches, in-4) ;  etc. Je ne fais qu’effleurer ici et plus loin cette question des bibliothèques publiques.  ↩
[I.032.008]
  1.  Cf. Louis Ménard, Histoire des Grecs, t. II, p. 774.  ↩
  2.  Ap. Id., op. cit., t. II, p. 778.  ↩
[I.033.009]
  1.  Vie de Marc Antoine, trad. Amyot, t. VII, p. 208.  ↩
  2.  « Lucullus assembla une grande quantité de livres… desquels l’usage luy estoit encore plus honorable que la possession, pource que ses librairies (bibliothèques) estoient toujours ouvertes à tous venants ; et laissoit-on entrer les Grecs, sans refuser la porte à pas un, dedans les galeries, portiques, et austres lieux propres à disputer, qui sont à l’entour, là où les hommes doctes et studieux se trouvoyent ordinairement, et y passoyent bien souvent tout le jour à conférer ensemble, comme en une hostellerie des Muses, estants bien ayses quand ils se pouvoyent despestrer de leurs austres affaires pour s’y en aller. » (Plutarque, Vie de Lucullus, trad. Amyot, t. IV, pp. 321-322.)  ↩
[I.034.010]
  1.  Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome II, page 55, et Cahiers, p. 55. Ailleurs (Portraits littéraires, t. III, p 313). Sainte-Beuve parle de « cet amour pour Cicéron, qui est comme synonyme de pur amour des Lettres elles-mêmes ». Voir aussi Causeries du lundi, t. XIV, pp. 185 et s. Il n’est d’ailleurs pas d’ami des Lettres qui n’ait conçu pour le philosophe de Tusculum la plus reconnaissante affection, professé pour lui et pour ses écrits la plus haute admiration. Voici quelques-uns de ces fervents témoignages :
    « Salut, toi qui, le premier, fus appelé Père de la Patrie ; qui, le premier, as mérité le triomphe sans quitter la toge, et la palme de la victoire par la seule éloquence ; toi qui as donné la vie à l’art oratoire et aux lettres latines ; toi qui, au témoignage écrit du dictateur César, jadis ton ennemi, as conquis un laurier supérieur à celui de tous les triomphes, puisqu’il est plus glorieux d’avoir tant agrandi par le génie les limites du génie romain, que les limites de l’Empire par toutes les autres qualités réunies. » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VII, 31, trad. Littré, t. I, p. 298. Paris, Didot, 1877.) « Il me semble que c’est en s’attachant à imiter les Grecs que Cicéron s’est approprié la force de Démosthène, l’abondance de Platon et la douceur d’Isocrate. Toutefois, ce n’est pas seulement par l’étude qu’il est parvenu à dérober à chacun d’eux ce qu’il avait de meilleur ; la plupart des rares qualités, ou, pour mieux dire, toutes les qualités qui le distinguent, il les a trouvées en lui-même, dans la fécondité de son immortel génie ; car son éloquence, pour me servir d’une comparaison de Pindare, n’est pas comme un réservoir qu’alimentent des eaux pluviales, c’est comme une source vive et profonde qui déborde sans intermittence. On dirait qu’un dieu l’a créé pour essayer en lui jusqu’où pourrait aller la puissance de la parole. » (Quintilien, X, 1, trad. Panckoucke, t. III, p. 167. Paris, Garnier, s. d.) « L’amour de Pétrarque pour Cicéron allait jusqu’à l’enthousiasme. Il n’admettait pas qu’on pût lui comparer un seul prosateur de l’antiquité…. Pour Pétrarque, Cicéron est « un homme unique, une voix unique, un génie unique ». Il ne l’adore pas tout à fait comme un Dieu, mais « il l’admire et le vénère comme un homme d’un génie divin. » (Mézières, Pétrarque, p. 339. Paris, Didier, 1868.) « Ai-je fait quelques progrès en vieillissant ? Je l’ignore. Ce que je sais, c’est que jamais Cicéron ne m’a plu autant qu’il me plaît dans ma vieillesse. Non seulement sa divine éloquence, mais encore sa sainteté inspirent mon âme et me rendent meilleur. C’est pour cela que je n’hésite pas à exhorter la jeunesse à consacrer ses belles années, je ne dis pas à lire et à relire ses ouvrages, mais à les apprendre par cœur. Pour moi, déjà sur le déclin de mes jours, je suis heureux et fier de rentrer en grâce avec mon Cicéron, et de renouveler avec lui une ancienne amitié trop longtemps interrompue. » (Érasme, ap. Albert Collignon, la Vie littéraire, p. 331.) « Que de fois, par un beau jour de printemps ou d’automne, lorsque tout me souriait, la jeunesse, la santé, le présent et l’avenir, ai-je relu, dans mes promenades, le Traité des Devoirs de Cicéron, ce code le plus parfait de l’honnêteté, écrit dans un style aussi clair et aussi brillant que le ciel le plus pur ! » (S. de Sacy, ap. Albert Collignon, la Religion des lettres, p. 183.) Cicéron « est tout simplement le plus beau résultat de toute la longue civilisation qui l’avait précédé. Je ne sais rien de plus honorable pour la nature humaine que l’état d’âme et d’esprit de Cicéron. » Etc. (Doudan, Lettres, t. III, p. 23.) « La beauté accomplie de l’élocution, la merveilleuse lucidité de l’exposition, la variété des aperçus, les trésors d’une érudition semée avec un goût et un tact extrêmes, la connaissance des hommes et des affaires, la sagacité et la multitude des points de vue, les emprunts nombreux et habiles faits aux philosophes de la Grèce et revêtus d’un style harmonieux et coloré, font du recueil des œuvres de Cicéron, complétées par la délicieuse collection de ses lettres familières, une encyclopédie d’une inestimable valeur. » (Albert Collignon, la Vie littéraire, pp. 292-293.) Cette diversité et cette abondance de choses, ce caractère encyclopédique des écrits de Cicéron, permet de leur appliquer ce mot, qui est de Cicéron lui-même : « Silva rerum ac sententiarum ». (Cf. Renan, Mélanges d’histoire et de voyages, p. 416.) Voir aussi le livre de M. G. Boissier, Cicéron et ses amis ; et infra, p. 239, l’éloge de Cicéron par les jansénistes Arnauld et Lancelot.  ↩
[I.032.012]
  1.  Egger, Histoire du livre, p. 247. « Varron, appelé par Quintilien et par saint Augustin le plus savant des Romains. » (Satire Ménippée, p. 273. Paris, Charpentier, 1865.)  ↩
  2.  « Si hortum in bibliotheca habes, deerit nihil. » (Ad familiares [Varroni], Nº 451 ; t. V, p. 411 (Cicéron, Œuvres complètes, trad. Nisard. Paris, Didot, 1881). M. Octave Uzanne (Nos amis les livres, p. 268) a délicatement commenté cette sentence : « Seigneur, s’écriait un ancien, accordez-moi une maison pleine de livres, un jardin plein de fleurs ! » « Il semble que, dans cette prière, soit contenue toute la quintessence de la sagesse humaine : les fleurs et les livres masquent les tristesses de cette vie, et nous font aller en souriant, l’œil égayé, l’esprit bienheuré, jusqu’au jour de la grande échéance définitive, au vrai quart d’heure de Rabelais. »  ↩
[I.037.013]
  1.  « Hæc studia adolescentiam alunt, senectutem objectant, secundas res ornant, adversis perfugium ac solatium præbent, delectant domi, non impediunt foris, pernoctant nobiscum, peregrinantur, rusticantur. » (Pro Archia, VII ; t. II, p. 656.)  ↩
  2.  Lettres à Atticus, Nº 6 ; t. V, p. 4. Afin d’abréger, et comme le présent ouvrage s’adresse à tout le monde, je m’abstiens, ici et pour une grande partie des extraits suivants, de reproduire le texte original, mais en maintenant toujours l’indication de la source, qui permet de s’y référer sans difficulté. Je ne manquerai pas néanmoins de donner ce texte, lorsqu’il offrira un intérêt particulier, lorsqu’il contiendra, par exemple, des termes techniques en usage chez les Latins, des définitions, sentences ou adages ayant, en quelque sorte, une valeur documentaire, etc.  ↩
  3.  Ibid., Nº 9 ; t. V, pp. 5-6.  ↩
[I.038.014]
  1.  Lettres à Atticus. Nº 25 ; t. V, p. 29.  ↩
  2.  « Tyrannion, natif d’Amys, dans le Pont, fut fait prisonnier lorsque Lucullus chassa Mithridate de ses États. Affranchi par Muréna, ce Tyrannion, bibliophile très instruit, devint l’ami de Cicéron, prit soin de sa bibliothèque, et en forma une pour lui-même, que l’on porte à 30 000 volumes. Sa passion pour les livres contribua beaucoup à la conservation des ouvrages d’Aristote. C’est lui qui les fit copier, après que Sylla eut apporté la bibliothèque d’Apellicon, d’Athènes à Rome. Tyrannion a composé différents ouvrages dignes de l’estime de Cicéron et d’Atticus. Il est mort fort vieux, à Rome, postérieurement à l’assassinat de Cicéron.) (Peignot, Essai… sur la reliure des livres et sur l’état de la librairie chez les anciens, pp. 64-65, note.)  ↩
  3.  Lettres à Atticus, Nº 111 ; t. V, p. 113. « Atticus… cet habile agriculteur, était en même temps un adroit négociant qui a fait heureusement tous les commerces…. On sait, par exemple, qu’il aimait beaucoup les beaux livres : c’était alors, comme aujourd’hui, une manie fort coûteuse ; il sut en faire une source de beaux bénéfices. Il avait réuni chez lui un grand nombre de copistes habiles qu’il formait lui-même ; après les avoir fait travailler pour lui, et quand sa passion était satisfaite, il les faisait travailler pour les autres, et vendait très cher au public les livres qu’ils copiaient. C’est ainsi qu’il fut un véritable éditeur pour Cicéron, et comme les ouvrages de son ami se vendaient beaucoup, il arriva que cette amitié, qui était pleine d’agréments pour son cœur, ne fut pas inutile à sa fortune. » (G. Boissier, Cicéron et ses amis, p. 134.)  ↩
[I.039.015]
  1.  Lettres à Lucilius, 82. (Sénèque le Philosophe, Œuvres complètes, trad. Baillard, t. II, p. 232. Paris, Hachette, 1861.)  ↩
  2.  De la tranquillité de l’âme, iii ; t. I. p. 242.  ↩
  3.  De la brièveté de la vie, xiv et xv ; t. I. pp. 329 et 330.  ↩
[I.040.016]
  1.  « Armarium citro atque ebore aptanti », leçon donnée, dans sa traduction, par Baillard, qui ajoute en note (p. 533) : « Le citre est ce thuya d’Algérie dont on fait des meubles si élégants. » Nous verrons plus loin (p. 62) M. Lecoy de la Marche traduire citrus par « sorte de cyprès venant d’Afrique ». Nisard donne, dans sa traduction de Sénèque (p. 319), une leçon différente : « cedro atque ebore », le cèdre et l’ivoire.  ↩
[I.041.017]
  1.  De la tranquillité de l’âme, ix, trad. Baillard, t. I, p. 250.  ↩
[I.042.018]
  1.  Sénèque, Lettre à Lucilius, 2 : t. II. pp. 2-3.  ↩
  2.  Ap. Pline le Jeune, Lettres, III, 5. trad. Sacy, t. I p. 190. (Paris, veuve Barbou, 1808.)  ↩
[I.043.019]
  1.  « Asinii Pollionis hoc Romæ inventum, qui primus bibliothecam dicando, ingenia hominum rem publicam fecit. » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXXV, 2, trad. Littré, t. II, p. 463. (Paris, Didot, 1877.)  ↩
  2.  D’après un mémoire de M. Deville, Examen d’un passage de Pline relatif à une invention de Varron… les portraits de Varron étaient gravés en relief sur une planche de métal ou autre matière, dans le système de notre gravure sur bois, dont les traits et le dessin sont réservés en relief. (Note de Littré, trad.).  ↩
  3.  Lettres, VII, 9 ; t. II, p. 124.  ↩
[I.044.020]
  1.  « Non legendos libros, sed lectitandos. » (Lettres, II, 17 ; t. I. p. 150.)  ↩
  2.  « … O rectam sinceramque vitam ! o dulce otium, honestumque, ac pene omni negotio pulchrius ! O mare, o littus, verum secretumque μουσεῖου ! quam multa invenitis, quam multa dictatis ! » (Ibid., I, 9 ; t. I, p. 32.)  ↩
  3.  Ibid., VIII, 19 ; t. II, pp. 248-249.  ↩
[I.045.021]
  1.  « Neque enim est fere quisquam qui studia, ut non simul et nos amet. » (Lettres, I, 13 ; t. I, pp. 48-49.) Ainsi que Cicéron, Pline le Jeune, malgré ses défauts, son manque de naturel et de souplesse notamment, a toujours été, de la part des amis des Lettres, l’objet d’une intime affection : « Jamais le sentiment littéraire proprement dit, la passion des belles études et de l’honneur qu’elles procurent… n’a été poussé plus loin et plus heureusement cultivé que chez Pline le Jeune. » Etc. (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. II, p. 60.)  ↩
  2.  Ibid., III, 5 ; t. I, pp. 188-195.  ↩
  3.  Montaigne, Essais, II, ii ; t. II, p. 109. (Paris, Charpentier, 1862.)  ↩
  4.  Vie de Coriolan, trad. Amyot, t. II, p. 226. (Paris, Bastien, 1784.)  ↩
[I.046.022]
  1.  Œuvres morales, les Dicts notables, etc., trad. Amyot, t. X, p. 61.  ↩
  2.  XVII ; trad. Talbot, t. II, p. 278. (Paris, Hachette, 1866.)  ↩
  3.  XXVIII ; t. II, p. 283.  ↩
[I.047.023]
    •  Suffenus iste, Varre, quem probe nosti,
      Homo est venustus, et dicax et urbanus,
      Idemque longe plurimos facit versus,
      Puto esse ego illi millia aut decem, aut plura,
      Perscripta : nec sic, ut fit, in palimpsesto
      Relata ; chartæ regiæ, novi libri,
      Novi umbilici, lora rubra, membrana
      Directa plumbo, et pumice omnia æquata.

     (Catulle, XXII, Ad Varrum, p. 384, trad. Nisard. Paris, Didot, 1903.)  ↩

[I.048.024]
    •  Vertumnum Janumque, liber, spectare videris ;
      Scilicet ut prostes Sosiorum pumice mundus !
      Odisti claves, etc.

     (Horace, Épîtres, I, 20, trad. Panckoucke, pp. 322-323. Paris, Garnier, 1866.)  ↩

  1.  Cf. Géraud, Essai sur les livres dans l’antiquité, pp. 174-175.  ↩
  2.  Peignot, Essai… sur la reliure des livres et sur l’état de la librairie chez les anciens, p. 40.  ↩
  3.  Ap. Lalanne, Curiosités bibliographiques, p. 139.  ↩
  4.  Ap. Egger, Histoire du livre, pp. 283 et 313.  ↩
[I.049.025]
    •  Hos eme, quos arctat brevibus membrana tabellis.

     Ce que Lalanne (op. cit., p. 119) traduit par « Achète ceux que le parchemin resserre entre deux courtes tablettes ».  ↩

    •  Scrinia da magnis ; me manus una capit.  ↩
  1.  Épigrammes, I, 3, trad. Nisard, p. 341. (Paris, Didot, 1884.)  ↩
[I.050.026]
    •  Argiletanas mavis habitare tabernas,
      Quum tibi, parve liber, scrinia nostra vacent.
      Etc.

     (Épigrammes, I. 4, trad. Nisard, p. 341. Voir aussi, sur l’Argilète, la note IV de la page 566 de cette même traduction.  ↩

    •  Argi nempe soles subire letum ;
      Contra Cæsaris est forum taberna….
      Etc.

     (Martial, I, 118, p. 359).) — Cf. Peignot, Essai… sur la reliure… pp. 13-14.  ↩

  1.  VI, 17, trad. Nisard, pp. 547-548. (Paris, Didot, 1882.)  ↩
[I.051.027]
  1.  « Antigone de Caryste… affirme qu’après l’édition des livres de Platon, ceux qui souhaitaient d’en savoir le contenu payaient, pour cela, ceux qui les possédaient. » (Vie de Platon, ap. Lalanne, op. cit., p. 113.)  ↩
  2.  Diogène Laërce, Vie de Zénon, ap. Lalanne, op. cit., p. 113.  ↩
  3.  Nuits attiques, XIII, 30, p. 653.  ↩
[I.052.028]
  1.  Sénèque, ap. Géraud, op. cit., p. 188.  ↩
  2.  Cicéron, ap. Géraud, ibid.  ↩
  3.  Cf. Catulle, XLIV, A sa terre (trad. Nisard, pp. 391-392) :
    •  · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
      Nec deprecor jam, si nefaria scripta
      Sexti recepso, quin gravedinem, et tussim
      Noti mi, sed ipsi Sextio ferat frigus,
      Qui tunc vocat me, quum malum legit librum.

     « Je désire, si je reçois encore les détestables écrits de Sextius, que leur froideur donne une toux et un catarrhe, non plus à moi, mais à Sextius lui-même, qui m’appelle quand il a un mauvais ouvrage à lire. »
    Et Martial : III, 50 (trad. Nisard, pp. 379-380) :

    •  Hæc tibi, non alia, est ad cœnam causa vocandi,
      Versiculos recites ut, Ligurine, tuos.
      Etc.

     « Tu n’as pas d’autre motif, Ligurinus, en appelant des convives, que de leur réciter de petits vers à ta façon. A peine ai-je ôté mes sandales que, soudain, parmi les laitues et les sauces piquantes, on apporte un énorme livre. Tu en lis un second au premier service ; un troisième avant l’arrivée du service suivant ; enfin tu ne nous fais grâce ni d’un quatrième ni d’un cinquième. Un sanglier que tu nous servirais tant de fois sentirait mauvais. Que si tu ne fais pas servir tes maudits poèmes à envelopper des maquereaux, dorénavant, Ligurinus, tu souperas seul. »  ↩

[I.053.029]
    •  Parva est cœnula, quis potest negaro ?
      Sed finges nihil, audiesve fictum,
      Et vultu placidus tuo recumbes ;
      Nec crassum dominus leget volumen….

     « Un pareil repas est modeste : qui dirait le contraire ? Mais du moins vous y jaserez avec abandon ; vous n’y entendrez pas de mensonges et n’y composerez pas votre visage. Le maître du logis n’y lira pas quelque sale manuscrit…. » (Martial, V, 78, trad. Nisard, p. 417.)  ↩

  1.  Op. cit., p. 188.  ↩
[I.054.030]
  1.  Ap. Casaubon, Commentaires sur Perse, p. 98. (Ap. Géraud, op. cit., p. 194.)  ↩
  2.  Pline le Jeune, Lettres, I, 13. (Ap. Géraud, op. cit., p. 190.)  ↩
  3.  Id., IV, 19.  ↩
  4.  Id., IV, 15.  ↩
[I.055.031]
  1.  Cf. Pline le Jeune, I, 13 ; VI, 17.  ↩
[I.056.032]
  1.  Cf. Pline le Jeune, I, 13 ; VIII, 21 ; etc.  ↩
    •  In medio qui
      Scripta foro recitent, sunt multi, quique lavantes ;
      Etc.

     « Il y a des gens qui lisent leurs ouvrages en plein forum ou dans les bains ; » etc. (Horace, Satires, I, 4, trad. Panckoucke, p. 192. Paris, Garnier, 1866.)  ↩

  2.  Géraud, op. cit., pp. 190-192.  ↩
  3.  Supra, p. 29, note.  ↩
[I.057.033]
    •  Occurrit tibi nemo quod libenter ;
      Quod, quæcumque venis, fugas est, et ingens
      Circa te, Ligurine, solitudo ;
      Etc.

     (Martial, III, 44, trad. Nisard, pp. 378-379.)  ↩

    •  Fugerit an mensas Phœbus cœnamque Thyestæ,
      Ignoro : fugimus nos, Ligurine, tuam.
      · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
      Nec volo boletos, ostrea nolo : tace.

     (Id., III, 45, trad. Nisard, p. 379.)  ↩

  1.  Op. cit., p. 192.  ↩
[I.058.034]
  1.  Juvénal, Satires, VII, 45 ; et Tacite, Dialogue sur les orateurs, ix. (Ap. Géraud, op. cit., p. 192.)  ↩
[I.059.035]
  1.  Géraud, op. cit., p. 199.  ↩
  2.  Cf. Aulu-Gelle, III, 3 ; et Juvénal, VII, 90 et s.  ↩
  3.  Géraud, op. cit., p. 194.  ↩
  4.  Cf. Juvénal, VII, 86 et s. (Ap. Géraud, op. cit., p. 196.)  ↩
    •  Sum, fateor, semperque fui, Callistrate, pauper,
      Sed non obscurus, nec male notus eques ;
      Sed toto legor orbe frequens ; et dicitur : Hic est ;
      Quodque cinis paucis, hoc mihi vita dedit.

     « Je suis, je l’avoue, et j’ai toujours été pauvre, Callistrate, mais non pas obscur, ni chevalier mal famé. L’univers entier lit mes œuvres et les relit. « Le voilà, » dit chacun ; et je recueille, de mon vivant, la gloire qui n’échoit, après la mort, qu’à bien peu de gens. » (Martial, V, 13, Trad. Nisard, p. 406.)  ↩

[I.060.036]
  1.  Martial, VIII, 28 ; IX, 50 ; et XI, 3.  ↩
    •  Non urbana mea tantum Pimpleide gaudent
      Otia, nec vacuis auribus ista damus ;
      Sed meus in Geticis ad Martia signa pruinis
      A rigido teritur centurione liber.
      Dicitur et nostros cantare Britannia versus.
      Quid prodest ? nescit sacculus ista meus.
      At quam victuras poteramus pangere chartas,
      Quantaque Pieria prælia flare tuba ;
      Quum pia reddiderint Augustum numina terris,
      Et Mæcenatem si mihi Roma daret !

     « Ce n’est pas seulement aux citadins oisifs que plaît ma muse ; je n’écris pas pour les seuls badauds : je suis lu par le sévère centurion qui combat chez les Gètes, sous un climat glacé ; on dit même que les Bretons chantent mes vers. Mais à quoi bon ? mon escarcelle ne se ressent pas de ma vogue. Et pourtant, moi aussi, je pourrais écrire des pages immortelles ; je pourrais emboucher le clairon des combats, si les dieux rendaient au monde un Auguste, si Rome me donnait un Mécène ! » (Martial, XI, 3, trad. Nisard, p. 505.)  ↩

[I.061.037]
  1.  Satire VIII.  ↩
  2.  « Pour enlever tous les suffrages, mêlez l’utile à l’agréable ; amusez en instruisant. Voilà l’ouvrage qui fait la fortune des Sosie (du libraire) ; l’ouvrage qui passe même au delà des mers, et fait vivre l’auteur dans la postérité. » (Art poétique, vers 343-346, trad. Panckoucke, p. 361. (Paris, Garnier, 1886.) « Les vers d’Horace ont immortalisé le nom des Sosie, dont la boutique était sur le forum de César, près des temples de Vertumne et de Janus ». (Géraud, op. cit., pp. 174-175.) Il a déjà été question d’eux précédemment (pp. 23-24).  ↩
  3.  « Nam carmina et versus… neque dignitatem ullam auctoribus suis conciliant, neque utilitates alunt : voluptatem autem brevem, laudem inanem et infructuosam consequuntur. » (Dialogus de Oratoribus, ix. Tacite, édit. Dureau de Lamalle, t. III, pp. 407-408. Paris, Lefèvre, 1846.)  ↩
  4.  Chap. x, p. 410.  ↩
[I.062.038]
  1.  Ap. Géraud, op. cit., pp. 196-197.  ↩
    •  At nunc conviva est, comissatorque libellus,
      Et tantum gratis pagina nostra placet.
      Sed non hac veteres contenti laude fuerunt,
      Quum minimum vali munus Alexis erat.

     (Martial, V, 16, trad. Nisard, p. 407.)  ↩

  2.  Op. cit., p. 197.  ↩
  3.  XI, 3. Cf. supra, p. 36, note 2.  ↩
[I.063.039]
    •  Quis tibi Mæcenas ? quis nunc erit aut Proculeius.
      Aut Fabius, quis Cotta iterum, quis Lentulus alter ?
      Tunc par ingenio pretium…

     « Où sont les Mécène, les Fabius ? où trouver un Cotta ? Un autre Lentulus ? Alors les dons égalaient le génie…. » (Juvénal, VII, trad. Dusaulx, p. 344. Paris, Lefèvre, 1845.)  ↩

  1.  Ap. Juvénal, trad. Dusaulx, p. 347, note 10 ; et Géraud, op. cit., p. 198.  ↩
[I.064.040]
  1.  Dialogue sur les orateurs, ix, p. 409. Au lieu de 123 000 francs, Dureau de Lamalle donne, en note, 97 265 francs, comme représentant la valeur actuelle de 500 000 sesterces.  ↩
    •  Et spes et ratio studiorum in Cæsare tantum :
      Solus enim tristes hac tempestate Camenas.
      Respexit, quum jam celebres notique poetæ
      Balneolum Gabiis, Romæ conducere furnos
      Tentarent….

     « Les lettres n’ont plus que César qui les soutienne et les anime ; lui seul, dans ce siècle ingrat, a rassuré les Muses éperdues, lorsque déjà nos poètes les plus célèbres voulaient se mettre dans Gabies aux gages d’un baigneur, à ceux d’un boulanger de Rome…. » (Juvénal, VII, vers 1 et s., trad. Dusaulx, p. 329.)  ↩

[I.065.041]
  1.  Géraud, op. cit., p. 198.  ↩
  2.  Vie d’Auguste, chap. xxix, trad. Laharpe, p. 89 (Paris, Garnier, 1865) : « Il éleva le temple d’Apollon…. Il y ajouta un portique et une bibliothèque grecque et latine. »  ↩
[I.066.042]
  1.  Cf. Petit-Radel, op. cit., pp. 14-15 ; et Lalanne, op. cit., pp. 141-142.  ↩
  2.  Cf. Juste Lipse, Traité des bibliothèques anciennes, chap. vi, ap. Peignot, Manuel bibliographique, p. 22 : « … Mon guide me conduit, par de magnifiques degrés, au temple en marbre blanc élevé au dieu dont la chevelure est toujours intacte (Apollon)…. Là, toutes les créations des génies anciens et modernes sont mises à la disposition des lecteurs…. Le gardien de ces lieux sacrés m’ordonna d’en sortir. Je me dirige vers un autre temple, situé près d’un théâtre voisin ; il me fut aussi défendu d’y entrer. Ce premier asile des belles-lettres, la Liberté, qui y préside, ne me permit pas d’en fouler le vestibule…. » (Ovide, les Tristes, III, 1, p. 693, trad. Nisard ; cf. aussi, dans cette traduction, les notes de la page 748.)  ↩
  3.  Géraud, op. cit., p. 217.  ↩
[I.067.043]
  1.  Diderot, Encyclopédie, art. Bibliothèque, Œuvres complètes, t. XIII, pp. 446-447. « Les uns aiment les chevaux, d’autres les oiseaux, d’autres les bêtes sauvages ; moi, dès l’enfance, j’ai été saisi d’un prodigieux désir d’acheter et de posséder des livres. »  ↩
  2.  Sénèque, De la tranquillité de l’âme, ix . Cf. supra, pp. 16-17.  ↩
[I.068.044]
  1.  I, 8.  ↩
  2.  Géraud, op. cit., pp. 217-218.  ↩
[I.069.045]
  1.  Pour l’étude du livre dans l’antiquité, j’ai eu recours d’abord à l’excellent ouvrage de H. Géraud, Essai sur les livres dans l’antiquité, particulièrement chez les Romains, (Paris, Techener, 1840 ; in-8, 232 p.), qui est si abondamment documenté, si soigneusement et consciencieusement fait : on peut dire que l’auteur (mort en 1844, à 32 ans) a passé en revue tous les écrivains latins et grecs, et a butiné tout ce qui se rapporte à la question du livre chez les anciens ; si bien que son « Essai », quoique datant de plus d’un demi-siècle, reste encore et sans conteste le meilleur travail qu’on ait publié sur cette question. J’ai mis aussi à contribution Gabriel Peignot, Essai historique et archéologique sur la reliure des livres et sur l’état de la librairie chez les anciens (Dijon, Lagier, et Paris, Renouard, 1834) ; puis Lalanne Ludovic, Curiosités bibliographiques (Paris, Delahays, 1857), qui s’est, lui aussi, beaucoup servi de l’ouvrage de Géraud ; Lacroix, Fournier et Seré, Histoire de l’imprimerie et des arts… qui se rattachent à la typographie (Paris, Delahays. s. d.) ; Egger, Histoire du livre depuis ses origines jusqu’à nos jours (Paris, Hetzel, s. d.), et le Papier dans l’antiquité et dans les temps modernes (Paris, Hachette, 1867) ; Lecoy de la Marche, les Manuscrits et la Miniature (chap. i et vii) (Paris, Quantin, s. d,) ; Delon, Histoire d’un livre, 6e édit. (Paris. Hachette, 1898) ; Dr James Gow, Minerva, Introduction à l’étude des classiques scolaires grecs et latins, édition française publiée par M. Salomon Reinach (Paris, Hachette, 1890), pp. 18-26, où la question du livre chez les anciens m’a paru bien résumée ; Anthony Rich, Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, trad. Chéruel (Paris, Didot, 1873) ; Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines (Paris, Hachette; en cours de publication) ; etc.  ↩
[I.070.046]
  1.  Larive et Fleury, Dictionnaire des mots et des choses, art. Papyrus.  ↩
  2.  XIII, 23-26, trad. Littré. (Collection Nisard, Paris, Didot, 1877.)  ↩
  3.  Géraud, op. cit., p. 25.  ↩
[I.071.047]
  1.  Peut-êre, dans le texte de Pline, faut-il lire acie, au lieu de acu, remarque Géraud : « M. Stoddhart n’a pu enlever les lames du papyrus de Sicile qu’avec un instrument très tranchant ».  ↩
[I.072.048]
  1.  D’une localité voisine de Saïs, dit Egger, op. cit., p. 11.  ↩
[I.073.049]
  1.  Géraud, op. cit., p. 27.  ↩
[I.074.050]
  1.  Géraud, op. cit., p. 31.  ↩
  2.  « Les lettres s’écrivaient sur la même matière que les livres, c’est-à-dire sur le papier d’Égypte. Le papier auguste ou royal fut celui qu’on employa principalement à cet usage : Augustæ in epistolis auctoritas relicta. (Pline l’Ancien, XIII, 24.) On le nommait, comme chez nous, papier à lettres, charta epistolaris. (Martial, XIV, 8 [11].) Il paraît qu’on taillait, pour les lettres, des feuilles de papier auguste, auxquelles on donnait une très petite dimension. On trouve une preuve de ce fait dans Sénèque, qui termine ainsi sa quarante-cinquième épître : « Pour ne pas dépasser les limites d’une lettre qui ne doit pas remplir la main gauche de celui qui la lit, je renvoie à un autre jour ce qui me restait à dire. » (Géraud, op. cit., p. 114.)  ↩
  3.  Dr James Gow, Minerva, édit. publiée par M. Salomon Reinach, pp. 18-19.  ↩
[I.075.051]
  1.  Grand livre, grand inconvénient. Ainsi déjà on se plaignait des grands formats. « Chez les Romains, dont le sens était si exquis pour tout ce qui tient aux choses du goût, on publiait les poésies en petits volumes, et les ouvrages d’histoire en grand format. » (Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 197, note.) Cf. Lalanne, op. cit., p. 24. Remarquons cependant que, d’après Peignot (op. cit., p. 45), la hauteur des volumina était relativement et forcément assez restreinte, les feuilles de papyrus étant collées à la suite les unes des autres, non dans le sens de la hauteur de la plante, — ce qui aurait donné des rouleaux de 2 mètres à 2 m. 50 de haut (cf. supra, p. 46) et aurait été tout à fait incommode, voire impraticable, — mais dans le sens de leur longueur. Dans cette position, leur hauteur n’était plus que de 14 pouces (environ 38 centimètres) pour les plus grandes feuilles de papyrus, et de 5 pouces (14 centimètres) pour les plus petites ; les volumina ne pouvaient donc guère dépasser (en défalquant la rognure des deux tranches) 35 ou 36 centimètres de hauteur.  ↩
[I.076.052]
  1.  Peignot, op. cit., pp. 46-47. « Combien d’écrivains anciens dont la fécondité en petits volumes ou rouleaux est attestée par l’histoire ! La plupart en ont laissé cent cinquante, deux cents, quatre cents, et jusqu’à cinq à six cents ; Pline l’Ancien, lui seul, en a écrit pour sa part plus de quatre cents, et il en eût laissé bien davantage sans sa fin tragique (voir, à ce sujet, la lettre de son neveu, livre III, 5). Bien plus, Origène nous apprend qu’un certain Didyme d’Alexandrie avait composé, du temps de Jules César, six mille volumes ; Sénèque ne lui en attribue que quatre mille, et Athénée trois mille cinq cents ; c’est déjà fort honnête. Mais cela prouve qu’il faut restreindre cette idée de volume à un seul rouleau de parchemin ou de papyrus renfermant cinquante, soixante, quatre-vingts de nos pages. » (Id., ibid. ↩
  2.  Géraud (op. cit., p. 96) dit qu’ « il est certain que, pour rendre la lecture du rouleau plus commode, on le garnissait de deux ombilics, un au commencement et l’autre à la fin. » Peignot (op. cit., p. 57) ne parle que d’un seul ombilic : « … Cette longue bande de feuilles réunies tenait, par une de ses extrémités, du côté de la droite (fin du volume), à un bâton ou cylindre (l’umbilicus) sur lequel on la roulait ; et son autre extrémité du côté de la gauche (commencement du volume) était adaptée à une peau ou pièce de parchemin solide qui en formait la couverture, portait le titre, et, par le moyen de courroies (les lora, au singulier lorum) qui en faisaient partie, serrait fortement le volume lorsqu’il était fermé, c’est-à-dire roulé. »  ↩
[I.077.053]
  1.  Peignot, op. cit., p. 56.  ↩
  2.  Egger, op. cit., p. 14. Il règne, dans ces menus détails, plus d’une incertitude. Cf. aussi Lalanne, op. cit., p. 23 ; et Géraud, op. cit., pp. 101-102.  ↩
[I.078.054]
  1.  Géraud, op. cit., p. 101.  ↩
  2.  Op. cit., p. 56.  ↩
  3.  Ovide, exilé sur les bords du Pont-Euxin, parle ainsi d’un de ses livres (au début de ses Tristes, I, 1) et en décrit en ces termes la forme extérieure :
    •  Parve (nec invideo) sine me, liber, ibis in urbem :
      Hei mihi ! quo domino non licet ire tuo.
      Vade, sed incultus, qualem decet exulis esse.
      Infelix habitum temporis hujus habe.
      Nec te purpureo velent vaccinia succo ;
      Non est conveniens luctibus ille color ;
      Nec titulus minio, nec cedro charte notetur ;
      Candida nec nigra cornua fronte geras.
      Felices ornent hæc instrumenta libellos ;
      Fortunæ memorem te decet esse meæ ;
      Nec fragili geminæ poliantur pumice frontes ;
      Hirsutus sparsis ut videare comis ;
      Etc.

     « Va, petit livre, j’y consens, va sans moi dans cette ville où, hélas ! il ne m’est point permis d’aller, à moi qui suis ton père ; va, mais sans ornements, comme il convient au fils de l’exilé ; et malheureux, adopte les insignes du malheur. Que le vaciet (vaccinia, arbrisseau qui porte des baies donnant une belle teinture rouge) ne te farde point de sa teinture de pourpre ; cette couleur n’est pas la couleur du deuil ; que le vermillon ne donne pas de lustre à ton titre, ni l’huile de cèdre à tes feuillets. Qu’on ne voie point de blanches pommettes (cornua) se détacher sur tes pages noires ; cet appareil peut orner des livres heureux, mais toi, tu ne dois pas oublier ma misère ; que ta double surface ne soit point polie par la tendre pierre ponce ; présente-toi hérissé de poils çà et là ; » etc. (Trad. Nisard, p. 661 ; et cf. les notes de la page 745 de cette même traduction.)  ↩

[I.081.057]
  1.  Le papier se déroulait ainsi dans la même direction que l’écriture, en sorte que la lecture s’effectuait de gauche à droite, comme celle des feuilletons de nos journaux. « Parmi les peintures d’Herculanum, plusieurs représentent des volumes tantôt isolément, tantôt entre les mains de personnes qui les lisent. Tous ceux qui sont ouverts se déroulent, à l’exception d’un seul, horizontalement et de gauche à droite, dans le sens de leur longueur. » (Géraud, op. cit., p. 79.)  ↩
    •  Explicitum nobis usque ad sua cornua librum.
      Et quasi perlectum, Septiciane, refers.
      Omnia legisti….

     « Tu me rends mon manuscrit, Septicianus, comme si tu l’avais déroulé et lu jusqu’au bout. Tu as tout lu…. » (Martial, XI, 107, trad. Nisard, p. 522.)  ↩

  2.  Lalanne, op. cit., p. 21.  ↩
  3.  « Explicit, Finitur, absolvitur, cui opponitur Incipit. Voces frequentes in mss…. Constat Explicit vocabulum minime latinum esse, quamvis a latino sermone ortum. » (Ducange, Glossarium, art. Explicit.)  ↩
[I.082.058]
  1.  Sur la disposition des bibliothèques chez les anciens, l’ordre qui y régnait, et le rangement des volumes, on ne peut guère, remarque Peignot (op. cit., pp. 61-63), former « que des conjectures appuyées sur quelques citations isolées et fort incomplètes. D’abord les bibliothèques étaient divisées par armoires, et ces armoires étaient numérotées, car Vopiscus dit : « On voit dans la sixième armoire de la bibliothèque Ulpienne librum elephantinum. » « … La petite chambre où l’on a découvert les 1 700 rouleaux d’Herculanum était entourée d’armoires de la hauteur de cinq pieds et demi. Boèce, dans sa Consolation, nous apprend aussi que ces armoires étaient ornées d’ivoire, c’est-à-dire sans doute que les montants de ces armoires étaient plaqués de petits bas-reliefs et arabesques, ciselés en ivoire…. Ces armoires étaient fermées par des vitraux, du temps de Boèce (mis à mort en 526), de sorte qu’on pouvait voir du dehors les cases, foruli, capsæ, destinées dans l’intérieur à recevoir les rouleaux. Ces rouleaux étaient posés de manière à tenir le moins de place, c’est-à-dire qu’on les glissait à côté les uns des autres dans leurs cases, comme nos marchands de papiers de tenture disposent leurs rouleaux dans leurs boutiques. Mais on avait soin que l’umbilicus, avec sa bossette, fût toujours en avant. La profondeur des rayons pouvait être de quinze pouces…. On n’entassait pas, sans divisions, les rouleaux les uns sur les autres, car il eût été difficile de tirer un rouleau placé dans la partie inférieure de l’armoire, et qui eût supporté la charge des rouleaux supérieurs…. La partie supérieure de l’armoire était parfois surmontée du buste de l’auteur ou d’une divinité qui présidait aux lettres ou aux sciences…. » Suivent des citations de Juvénal, III, vers 219 ; Sidoine Apollinaire, livre II, épître 19 ; Cicéron, lettres diverses ; etc.  ↩
[I.083.059]
  1.  Ces libri lintei, déposés dans le temple de Monéta, devaient avoir un caractère religieux. (Géraud, op. cit., p. 22.)  ↩
[I.084.060]
  1.  Dr Gow, op. cit., p. 20.  ↩
  2.  « Le parchemin se fait avec la pellicule intérieure de la bête, celle qui adhère immédiatement à la chair, » dit Géraud, op. cit., p. 10.  ↩
  3.  Dr Gow, ibid.  ↩
  4.  Et même bien antérieurement, paraît-il, quinze siècles avant l’ère actuelle. Cf. l’article de M. Albert Maire, Matériaux sur lesquels on écrivait dans l’antiquité, dans la Revue scientifique, 20 août 1904. p. 236.  ↩
[I.085.061]
  1.  Originellement les codices étaient le plus souvent en papyrus, à cause de la cherté du parchemin. (Cf. Peignot, op. cit., p. 58.)  ↩
  2.  Cf. supra, p. 25.  ↩
  3.  Au moyen âge, ce mot désignait la bibliothèque entière, et armarius le bibliothécaire.  ↩
[I.086.062]
  1.  Géraud, op. cit., p. 220.  ↩
  2.  « Les anciens Latins appelaient caudex un assemblage de planches symétriquement disposées les unes sur les autres. Lorsque, après avoir écrit sur des tablettes isolées, on imagina de les réunir en les superposant, le livre carré qu’on forma ainsi prit le nom de codex. » (Géraud, op. cit., p. 125.)  ↩
  3.  On les appelait aussi libelli, adversaria, pugillares, etc. Cf. Peignot, op. cit., pp. 58-59.  ↩
[I.087.063]
  1.  Vie de l’empereur Charles, chap. xxv. trad. Teulet, p. 35. (Paris, Didot, 1856.)  ↩
[I.088.064]
  1.  Dictionnaire du mobilier, t. II, p. 156.  ↩
  2.  Notice des émaux du Louvre, p. 386.  ↩
  3.  Lecoy de la Marche, les Manuscrits et la Miniature, pp. 14-16.  ↩
[I.091.067]
  1.  Satires, I, 10, p. 216, trad. Panckoucke : « Effacez souvent, si vous voulez qu’on relise vos écrits ».  ↩
  2.  « Delebo Jerusalem sicut deleri solent tabulæ : et delens vertam, et ducam crebrius stylum super faciem ejus. » (Regum, IV, 21, verset 13.)  ↩
[I.092.068]
  1.  Peignot, op. cit., pp. 74-75.  ↩
  2.  Jules César, 82.  ↩
  3.  Suétone, Caïus Caligula, 28.  ↩
  4.  De la Clémence, I, 14.  ↩
  5.  Prudence, ap. Peignot, op. cit., p. 75.  ↩
    •  Hæc tibi erunt armata suo graphiaria ferro :
      Si puero dones, non leve munus erit.

     « A vous cet étui garni de styles de fer : si vous le donnez à un enfant, vous ne lui ferez pas un mince cadeau. » (Martial, XIV, 21, trad. Nisard, p. 549.)  ↩

[I.093.069]
  1.  Peignot, op. cit., p. 75.  ↩
  2.  « Le roseau est attaché au service du papier, surtout le roseau d’Égypte, par une certaine parenté avec le papyrus. On estime cependant davantage celui de Cnide et celui qui croît en Asie, autour du lac Anaïtique. » (Pline l’Ancien, XVI, 64 (ancien 36), trad. Littré, collect. Nisard, t. I, p. 592.)  ↩
    •  Dat chartis habiles calamos Memphitica tellus ;
      Texantur reliqua tecta palude tibi.

     (Martial, XIV, 38, trad. Nisard, p. 550.)  ↩

    •  Fac campum replices, Musa, papyrium ;
      Nec jam fissipedis per calami vias
      Grassetur Cnidiæ sulcus arundinis,
      Pingens aridulæ subdita paginæ,
      Cadmi filiolis atricoloribus.
      Aut cunctis pariter versibus oblinat
      Furvam lacticolor spongia sepiam.

     « Muse, suspends ta marche dans ces champs de papyrus (cessons d’écrire). Arrêtons là le sillon que trace en son chemin le roseau de Cnide au pied fendu, qui va dessinant sur la surface de la page aride les traits noirâtres des filles de Cadmus (les lettres inventées, ou plutôt apportées de Phénicie en Grèce par Cadmus), ou que, passant sur tous ces vers ensemble, l’éponge efface la sèche noire (sépia) sous la blancheur du lait. » (Ausone, Lettres, VII, p. 149, et notes, p. 171, trad. Nisard, Paris, Didot, 1887.)  ↩

[I.094.070]
  1.  Peignot, op. cit., p. 71.  ↩
  2.  XIV, 38, cité par Schwarz, VI, 8. (Ap. Géraud, op. cit., pp. 42-43.)  ↩
  3.  Palæographia græca, p. 21.  ↩
[I.095.071]
  1.  Géraud, op. cit., pp. 42-43.  ↩
  2.  Ibid.  ↩
[I.096.072]
  1.  Vitruve, VII, 10.  ↩
  2.  Pline l’Ancien, XXXV, 25.  ↩
  3.  Vitruve, ibid.  ↩
  4.  XXVII, 28.  ↩
[I.097.073]
  1.  Géraud, op. cit., pp. 49-50.
    •  Jam liber, et bicolor positis membrana capillis,
      Inque manus chartæ, nodosaque venit arundo.
      Tunc queritur, crassus calamo quod pendeat humor ;
      Nigra quod infusa vanescat sepia lympha ;
      Dilutas queritur geminet quod fistula guttas.

     « … Enfin il prend son livre ; enfin le parchemin à deux couleurs, le papier, la plume, sont dans ses mains. Mais bientôt il se plaint : l’encre, trop épaisse, reste suspendue au bec de sa plume, ou elle (la sépia) est trop claire et ne marque point, ou bien elle marque double. » (Perse, Satires, III, vers 10-14, trad. F. Collet, p. 72, et trad. Nisard, pp. 324-325.)  ↩

  2.  XXXV, 25.  ↩
  3.  Géraud, op. cit., p. 50.  ↩
[I.098.074]
  1.  Cf. Pline l’Ancien, XXXIII, 36.  ↩
  2.  Cf. Martial, III, 2, vers 11.  ↩
  3.  Géraud, op. cit., p. 51.  ↩
[I.099.075]
  1.  « La facilité de faire des palimpsestes sur papier et sur parchemin, dit encore Géraud (op. cit., p. 48), provenait surtout de la nature de l’encre dont se servaient les anciens. »  ↩
  2.  « Nous indiquerons, comme un procédé infaillible (pour faire revivre les anciennes écritures) et dont les résultats se manifestent instantanément, celui qu’emploie le savant abbé Peyron, de l’Académie de Turin…. Il se sert de deux liqueurs, le prussiate de potasse et l’acide muriatique étendu d’eau. Il trempe un premier pinceau dans le prussiate de potasse, et le passe légèrement sur l’écriture effacée ; avant que cette première couche soit sèche, il promène sur l’écriture un second pinceau imbibé d’acide muriatique ; les lettres pâlies ou effacées reparaissent à l’instant. » (Géraud, op. cit., p. 49.)  ↩
[I.100.076]
  1.  Dr Gow, op. cit., pp. 22-23.  ↩

Publié le 22 oct. 1905 par Albert Cim