partie la plus souffrante du commerce de la librairie. Dans cette louable intention, il lui est arrivé souvent d’acheter un grand nombre d’exemplaires du même ouvrage. Tous les étalagistes de Paris le connaissaient et le respectaient. Il les visitait tous au moins une fois par semaine, et ne rentrait jamais chez lui sans être chargé de livres, et après en avoir rempli ses énormes poches, qu’il avait fait faire exprès[255.1]. C’est d’un goût si estimable et d’intentions aussi pures que la malignité s’est emparée. On a fait contre le bibliomane Boulard des épigrammes et des caricatures qu’il a connues, et qui ont jeté beaucoup d’amertume sur les dernières années de sa vie. Il ne laissait passer aucune occasion de manifester son
- Sur le plaisir de bouquiner, les fiévreuses émotions, les intimes, délicieuses et enivrantes joies du bibliophile en quête de livres, voir Walter Scott, l’Antiquaire, chap. iii, la visite à l’antiquaire. M. Oldbuck (vieux livre, bouquin) et le discours de celui-ci (trad. Albert Montémont, notamment p. 23) : « … Ces petits elzeviers sont des témoignages et des trophées de plus d’une promenade nocturne et matinale… dans tous les lieux où il se trouve des bouquinistes…. Combien de fois me suis-je arrêté à me débattre sur un sou, de crainte que, par un acquiescement trop soudain au prix demandé par le vendeur, il ne vint à soupçonner l’importance que j’attachais moi-même à cet article ! Combien je tremblais qu’il n’arrivât quelque passant pour me disputer l’objet auquel j’aspirais, regardant chaque pauvre écolier en théologie qui s’arrêtait pour retourner les feuillets des livres étalés, comme un amateur rival ou comme un avide libraire déguisé ! Et puis, la satisfaction secrète avec laquelle on paie l’article acheté et on le met dans sa poche, affectant un air froid et indifférent, tandis que la main est tremblante de plaisir ! » Etc. ↩