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Le Livre, tome II, p. 255-271

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 255.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 255 [271]. Source : Internet Archive.

partie la plus souffrante du commerce de la librairie. Dans cette louable intention, il lui est arrivé souvent d’acheter un grand nombre d’exemplaires du même ouvrage. Tous les étalagistes de Paris le connaissaient et le respectaient. Il les visitait tous au moins une fois par semaine, et ne rentrait jamais chez lui sans être chargé de livres, et après en avoir rempli ses énormes poches, qu’il avait fait faire exprès[255.1]. C’est d’un goût si estimable et d’intentions aussi pures que la malignité s’est emparée. On a fait contre le bibliomane Boulard des épigrammes et des caricatures qu’il a connues, et qui ont jeté beaucoup d’amertume sur les dernières années de sa vie. Il ne laissait passer aucune occasion de manifester son

[II.271.255]
  1.  Sur le plaisir de bouquiner, les fiévreuses émotions, les intimes, délicieuses et enivrantes joies du bibliophile en quête de livres, voir Walter Scott, l’Antiquaire, chap. iii, la visite à l’antiquaire. M. Oldbuck (vieux livre, bouquin) et le discours de celui-ci (trad. Albert Montémont, notamment p. 23) : « … Ces petits elzeviers sont des témoignages et des trophées de plus d’une promenade nocturne et matinale… dans tous les lieux où il se trouve des bouquinistes…. Combien de fois me suis-je arrêté à me débattre sur un sou, de crainte que, par un acquiescement trop soudain au prix demandé par le vendeur, il ne vint à soupçonner l’importance que j’attachais moi-même à cet article ! Combien je tremblais qu’il n’arrivât quelque passant pour me disputer l’objet auquel j’aspirais, regardant chaque pauvre écolier en théologie qui s’arrêtait pour retourner les feuillets des livres étalés, comme un amateur rival ou comme un avide libraire déguisé ! Et puis, la satisfaction secrète avec laquelle on paie l’article acheté et on le met dans sa poche, affectant un air froid et indifférent, tandis que la main est tremblante de plaisir ! » Etc.  ↩

Le Livre, tome II, p. 192-208

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 192.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 192 [208]. Source : Internet Archive.

litté­rature[192.1] » ? Si agréable que soit pour bien des personnes la lecture des romans, — tellement agréable que Gray (1716-1771), le chantre du Cimetière de campagne, n’hésitait pas à déclarer que « rester nonchalamment étendu sur un sofa et lire des romans nouveaux donnait une assez bonne idée des joies du para­dis[192.2] », — « on ne relit point un roman » : Vauvenargues (1715-1747) l’avait déjà constaté, et

[II.208.192]
  1.  « Il y a deux sortes de littératures : la petite et la grande. La petite littérature, c’est le roman, qu’il soit livre ou feuilleton. » (Napoléon Ier, ap. Jean Darche, op. cit., p. 100.)  ↩
  2.  Walter Scott, Notice sur Le Sage, ap. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome dernier (sans numéro). Table, p. 28. Une anecdote, rapportée par John Lubbock (le Bonheur de vivre, p. 56 ; traduction anonyme ; Paris, Alcan, 1891), démontre éloquemment combien peut être vif le plaisir causé par les romans, quelles puissantes émotions cette lecture peut engendrer. Il s’agit du livre de Richardson (1689-1761), Paméla ou la vertu récompensée. Dans un village d’Angleterre, de braves paysans avaient pris l’habitude de se réunir chaque soir chez le forgeron de la commune pour entendre la lecture de ce roman de Paméla, que ledit forgeron s’était procuré. Lorsqu’on fut arrivé au dernier chapitre, en voyant que l’héroïne, après nombre de tribulations, venait enfin d’épouser l’élu de son cœur et recevait la récompense due à son courage et à ses infortunes, toute l’assistance se mit à pousser des hourras d’enthousiasme ; puis tous de se précipiter en masse vers l’église, pour remercier le Ciel, et sonner les cloches à toute volée. Il ne manquait que le chant du Te Deum, qu’auraient entonné des catholiques romains. Sur l’admiration et l’enthousiasme inouï et incroyable qu’a excités en France et partout au xviiie siècle l’auteur de Paméla, de Clarisse Harlowe et de Grandisson, « ces trois ouvrages dont un seul suffirait pour immortaliser un homme », voir l’Éloge de Ridchardson, par Diderot.  ↩

Le Livre, tome II, p. 059-075

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 059.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 059 [075]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 060.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 060 [076]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 061.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 061 [077]. Source : Internet Archive.

ont de la peine à s’y faire. Il est vrai qu’on peut apprendre à parcourir métho­diquement[059.1] ».

Pour tous ceux qui vivent dans les livres, dans les imprimés et les manuscrits, et y opèrent de fréquentes recherches, « l’art de parcourir » est indispensable.

Le savant bibliothécaire florentin Magliabecchi (1633-1714) « avait une manière particulière de lire ou plutôt de dévorer les livres ; quand un ouvrage nouveau lui tombait sous la main, il examinait le titre, puis la dernière page, parcourait les préfaces, dédicaces, tables[059.2], jetait un coup d’œil sur chacune

[II.075.059]
  1.  Doudan, loc. cit., t. III, p. 345. Cf. supra, t. I, p. 193.  ↩
  2.  A propos des préfaces et des tables des matières, et de leur importance au point de vue de la connaissance du contenu des livres, voici quelques considérations, où la fantaisie et le badinage s’entremêlent au sérieux et à la vérité, empruntées à Théophile Gautier (les Jeunes-France, préface, pp. i et suiv. ; Paris, Charpentier, 1880) : — « Je ne sais si vous avez la fatuité de ne pas lire les préfaces, mais j’aime à supposer le contraire, pour l’honneur de votre esprit et de votre jugement… Moi, pour mon compte, et je prétends vous convertir à mon système, je ne lis que les préfaces et les tables, les dictionnaires et les catalogues. C’est une précieuse économie de temps et de fatigue : tout est là, les mots et les idées. La préface, c’est le germe ; la table, c’est le fruit : je saute, comme inutiles, tous les feuillets intermédiaires. Qu’y verrais-je ? des phrases et des formes ; que m’importe !… Il en est des livres comme des femmes : les uns ont des préfaces, les autres n’en ont pas ; les unes se rendent tout de suite, les autres font une longue résistance ; mais tout finit toujours de même… par la fin. Cela est triste et banal ; cependant que diriez-vous d’une femme qui irait se jeter tout d’abord à votre tête ?… La préface, c’est la pudeur du livre, c’est sa rougeur, ce sont les demi-aveux, les soupirs étouffés, les coquettes agaceries, c’est tout le charme…. O lecteurs du siècle ! ardélions inoccupés qui vivez en courant et prenez à peine le temps de mourir, plaignez-vous donc des préfaces qui contiennent un volume en quelques pages, et qui vous épargnent la peine de parcourir une longue enfilade de chapitres pour arriver à l’idée de l’auteur. La préface de l’auteur, c’est le post-scriptum d’une lettre de femme, sa pensée la plus chère : vous pouvez ne pas lire le reste…. Je vous le proteste ici, afin que vous le sachiez, je hais de tout mon cœur ce qui ressemble, de près ou de loin, à un livre : je ne conçois pas à quoi cela sert. Les gros Plutarque in-folio, témoin celui de Chrysale, ont une utilité évidente : ils servent à mettre en presse, à défaut de rabats, puisqu’on n’en porte plus, les gravures chiffonnées et qui ont pris un mauvais pli ; on peut encore les employer à exhausser les petits enfants qui ne sont pas de taille à manger à table. Quant à nos in-octavo, je veux que le diable m’emporte si l’on peut en tirer parti et si je conçois pourquoi on les fait. Il a pourtant été un temps où je ne pensais pas ainsi. Je vénérais le livre comme un dieu ; je croyais implicitement à tout ce qui était imprimé ; je croyais à tout, aux épitaphes des cimetières, aux éloges des gazettes, à la vertu des femmes. O temps d’innocence et de candeur ! Je m’amusais comme une portière à lire les Mystères d’Udolphe, le Château des Pyrénées, ou tout autre roman d’Anne Radcliffe ; j’avais du plaisir à avoir peur, et je pensais, avec Gray, que le paradis, c’était un roman devant un bon feu*…. Le seul plaisir qu’un livre me procure encore, c’est le frisson du couteau d’ivoire dans ses pages non coupées ; c’est une virginité comme une autre, et cela est toujours agréable à prendre. Le bruit des feuilles tombant l’une sur l’autre invite immanquablement au sommeil, et le sommeil est, après la mort, la meilleure chose de la vie. »
    •  * Théophile Gautier pousse ici la fantaisie jusqu’à dénaturer le mot de Gray (et son nom aussi : il écrit Grey), qui estimait que « rester nonchalamment étendu sur un sofa et lire des romans nouveaux donnait une assez bonne idée des joies du paradis ». (Walter Scott, Notice sur Le Sage, ap. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome dernier (sans numéro), Table, p. 28.) Cf. infra, chap. ix, les Romans, p. 192.  ↩

Le Livre, tome I, p. 091-115

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 90.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 90 [115]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 92.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 92 [116]. Source : Internet Archive.

du latin en français les passages qu’ils ne comprenaient pas. »

Malheureusement, cet essai de bibliothèque publique n’eut pas de suite : « par une étrange aberration, le saint roi détruisit lui-même l’avenir que se pouvait promettre une si sage institution, en dispersant ses livres et en les distribuant par testament entre divers monastères[091.1] ».

Saint Louis n’aimait pas à lire ni à entendre lire en mangeant ou au sortir de table[091.2]. « Il n’est si bon livre, disait-il à ses chapelains, qui vaille après manger une causerie[091.3]. »

[I.115.091]
  1.  Géraud, op. cit., p. 228.  ↩
  2.  « …. Il (saint Louis) avoit la bible glosée, et originaux de saint Augustin et d’autres sainz, et autres livres de la sainte escripture, esquex il lisoit et fesoit lire moult de foiz devant lui el tens dentre disner et heure de dormir, cest a savoir, quant il dormoit de jour ; mès pou li advenoit que il dormist a tele heure…. Chascun jour… il sen raloit en sa chambre ; et adoncques estoit alumee une chandelle de certaine longueur, cest a savoir de trois piez ou environ ; et endementieres que ele duroit, il lisoit en la bible ou en un autre saint livre ; et quant la chandele estoit vers la fin, un de ses chapelains estoit apelé, et lors il disoit complie avecques lui. » (Vie de saint Louis, par le Confesseur de la reine Marguerite, dans le Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XX, p. 79. Paris, Imprimerie royale, 1840.)  ↩
  3.  Cité par Ph. de Grandlieu (Léon Lavedan) dans le Figaro du 26 août 1879, p. 1, col. 2. Je n’ai pu trouver la source originale de ce mot. — Je rejette en note, et dans les termes mêmes où je les trouve, les menus propos suivants, dont le contrôle ne m’a pas été non plus possible et qui peuvent être sujets à caution : « Un des courtisans du roi Alphonse V dit le Sage s’avisa de soutenir en sa présence qu’il avait lu dans l’histoire qu’un certain roi d’Espagne disait que « la science ne convient nullement aux gens distingués par leur rang ou par leurs richesses. — Vous vous trompez, répondit Alphonse, ce n’est pas un roi qui l’a dit : c’est un bœuf ou un âne. » (Jean Darche, Essai sur la lecture, p. 30.) S’agit-il ici d’Alphonse V le Magnanime, appelé aussi le Sage (cf. Larousse, Petit Dictionnaire complet illustré, 134e édit., p. 862 ; ni le Grand Dictionnaire de Larousse, ni Michaud, ni Hœfer, etc., ne mentionnent ce surnom de « le Sage » appliqué à ce souverain), roi d’Aragon, de Naples et de Sicile (….-1458), dont il a été question tout à l’heure (p.  89, note) ; ou bien d’Alphonse X (et non V), également surnommé le Sage, (et Sabio, le Savant), roi de Castille et de Léon (1226-1284), à qui l’on attribue cet aveu, dépouillé de modestie, mais rempli d’excellentes intentions : « Si le Père éternel avait daigné me consulter quand il a créé le monde, je lui aurais certainement donné quelques bons conseils, et, à nous deux, nous aurions fait mieux que ce qu’il a fait tout seul » ? (Cf. Michaud, Biographie universelle ; Hœfer, Nouvelle Biographie ; etc.) Un autre Alphonse, roi d’Aragon (sans autre indication), « disait qu’entre toutes les choses que les hommes recherchent pendant leur vie, il n’y a rien de meilleur que d’avoir « de vieux bois pour brûler, de vieux vin pour boire, de vieux amis pour la société (pour causer), et de vieux livres pour lire. » (Un Libraire [P. Chaillot jeune), Manuel du libraire, du bibliothécaire…, p. 155.) Walter Scott (l’Antiquaire, chap. vi, p. 40 ; trad. Albert Montémont) attribue ce mot « au roi Alphonse de Castille », sans préciser non plus davantage, et comme s’il n’y avait eu qu’un seul roi de Castille du nom d’Alphonse. Selon M. Fertiault (les Amoureux du livre, p. 171), cette sentence, apologie du vieux bois, du vieux vin, des vieux amis et des vieux livres, émane d’ « Alphonse le Sage, roi d’Aragon ».  ↩