III-III. Diverses façons de lire

— L’art de parcourir
— Extraits, notes et résumés de lectures
— Annotations manuscrites sur les livres

Nous n’avons pas à nous occuper ici de la lecture à haute voix : cet art, que le médecin romain Celse (Ier siècle av. J.-C.) classait parmi les exercices salutaires à la santé[052.1], et qui est d’une incontestable importance pour notre sujet même, pour la compréhension et le « savourement » des livres, est tout spécial, et les règles qu’il comporte relèvent d’un autre genre d’études[052.2]. Nous nous bornerons à rappeler que les sons de la voix aident puissamment à graver les pensées dans la mémoire, et que « rien ne nous éclaire plus que l’étude à haute voix, sur les défaillances du style,… sur la fausseté des sentiments exprimés[052.3] ». Notons aussi que « la parole est un encou­ragement[053.1] », et que, selon la remarque de Doudan, « elle donne aux pensées, outre la précision, l’autorité. Ceux qui font un travail pénible, les bûcherons et les boulangers, s’excitent eux-mêmes par la voix[054.1]. »

Quant à « se faire lire », le même maître ès livres et ès lettres ne recommande pas ce mode de lecture, qu’il préfère laisser aux malades et aux aveugles :

« Rien, observe-t-il[054.2], ne ressemble moins à lire que se faire lire ; on dirait un air dont l’accompagnement ne va pas ; chacun a sa manière d’accompagner intérieurement ce qu’il lit. »

Atteint de maux d’yeux, et se trouvant dans la nécessité de recourir à des lecteurs, alors qu’il était en garnison à Reims, en 1739, Vauvenargues (1715-1747) écrit[054.3] : « J’ai pris deux hommes pour me faire la lecture, un le matin, et un autre le soir. Ils défigurent ce qu’ils lisent ; je leur donnai, l’autre jour, les Oraisons funèbres de Bossuet, dont l’éloquence est divine, et ils coupaient, par le milieu, les plus belles périodes ; je faisais du mauvais sang (sic), mais il me fallait prendre patience ; cela vaut encore mieux que rien[054.4]. »

Sainte-Beuve, grand lettré et fervent liseur, lui aussi, ne dédaignait cependant pas de recourir, pour ses lectures, à ses secrétaires : « J’ai reçu la Cocarde blanche, écrivait-il en juin 1868 à Louis Ulbach[055.1]. Je la lirai ou me la ferai lire selon mon habitude…. Cette manière de lire est un peu lente, mais elle est aussi agréable que sûre. »

Dans maints couvents et collèges, il était — et il est sans doute encore — d’usage de charger un des assistants de faire, durant les repas et à tour de rôle, une lecture à haute voix. Nous avons vu[056.1] que Charlemagne aimait à se faire lire, pendant son dîner, le livre de saint Augustin, la Cité de Dieu, et que saint Louis, au contraire, préférait à la lecture à table ou en sortant de table « une bonne causerie »[056.2]. Voltaire, lui, ne partageait pas cette préférence : « Je me fais lire… les Sermons de Massillon à mes repas[056.3]…. J’aime à me faire lire à table ; les anciens en usaient ainsi, et je suis très ancien, » écrit-il à d’Argental[056.4].

Sur les lectures faites à haute voix et en public, le cardinal Maury (1746-1817)[056.5] donne ces sages conseils : « Tous les juges du bon goût ont observé que, dans les lectures ordinaires de société, il faut, pour en soutenir l’attrait, choisir plutôt des ouvrages intéressants que des livres d’instruction. La vérité satisfait en tout genre l’esprit d’un lecteur isolé. Mais, dès qu’on est réuni, on veut être ému ; et l’on sent le besoin d’un intérêt progressif quand on entend lire, pour concentrer et fixer son attention, qui n’est jamais et ne peut être qu’une préférence spontanée qu’on accorde aux idées d’autrui sur les siennes propres. Des écrits, d’ailleurs excellents, mais froids et surtout abstraits, cessent de plaire, quand ils subissent la redoutable épreuve d’une lecture à haute voix dans un cercle. Un auteur paradoxal, systématique, et même, selon le langage de Montaigne, un peu processif pour la conversation, y réussit mieux que tant de beaux traités inanimés, qui ne lui fournissent aucun aliment. »

Doudan, pour revenir encore à lui, avait pris l’habitude de commencer les romans par la fin : « Je vais droit au dénouement, disait-il, puis je reviens sur mes pas. Je n’aime pas lire ces livres à surprises le dos tourné, comme un condamné qu’on mène sur une charrette à l’échafaud[057.1]. »

Quant aux recueils de maximes et de pensées, il est à la fois plus agréable et plus profitable de les lire, non d’une seule traite, mais par fragments, à petites doses, de même qu’on n’avale pas d’un seul coup toute une boîte de pastilles, mais qu’on les croque et savoure une à une[057.2]. « La seule manière de lire un livre de pensées sans s’ennuyer, écrit à ce propos le prince de Ligne (1735-1814)[058.1], c’est de l’ouvrir à tout hasard, et, après avoir trouvé ainsi souvent ce qui intéresse, le fermer au bout d’une ou de deux pages, et de méditer. Si on lit tout de suite, on croit, comme après avoir passé en revue un portefeuille d’estampes, qu’on n’en a vu qu’une. »

Faut-il lire vite ou lentement ? d’affilée et assidûment, ou peu à peu, à petites doses ? Cela dépend évidemment et du lecteur — de ses qualités visuelles[058.2], de sa puissance d’attention, du loisir dont il dispose, etc., — et de ce qu’il lit, du genre et de l’importance ou de l’attrait du livre qu’il tient en main. Un ouvrage de philosophie ne se lit pas comme un roman. Un livre est ennuyeux, il ne nous plaît pas, on se contente de le parcourir ; en le parcourant, « on trouve quelquefois telle page qui vous fait revenir avec plaisir sur les commencements ; mais ne parcourt pas qui veut ; les personnes méthodiques ont de la peine à s’y faire. Il est vrai qu’on peut apprendre à parcourir métho­diquement[059.1] ».

Pour tous ceux qui vivent dans les livres, dans les imprimés et les manuscrits, et y opèrent de fréquentes recherches, « l’art de parcourir » est indispensable.

Le savant bibliothécaire florentin Magliabecchi (1633-1714) « avait une manière particulière de lire ou plutôt de dévorer les livres ; quand un ouvrage nouveau lui tombait sous la main, il examinait le titre, puis la dernière page, parcourait les préfaces, dédicaces, tables[059.2], jetait un coup d’œil sur chacune des divisions principales, et avait alors assez vu pour être en état de rendre compte non seulement de ce que le livre contenait, mais encore des sources où l’auteur avait puisé[061.1] ».

« Les vieux routiers de l’art de lire, remarque M. Paul Stapfer (1840-….)[061.2], savent seuls tourner les feuillets d’un livre quelconque avec une frémissante impatience, parcourir du regard le champ entier d’une page, ne point muser ni sommeiller ni se perdre dans le fatras, aller droit à la perle, et, d’un coup d’œil sûr, fondre sur la petite proie brillante qui se cache en un coin. »

On citait, il y a une vingtaine d’années, un de ces « vieux routiers », un ministre[061.3], qui avait le talent, en feuilletant les journaux et en y promenant son regard, de toujours rencontrer tout ce qui pouvait l’intéresser, de ne rien laisser échapper qui le touchât, et de ne pas s’arrêter à autre chose, de ne pas perdre un brin de temps.

S’il est des écrivains qui se formalisent de cette rapide et irrévérencieuse façon de prendre connaissance de leurs œuvres, on en trouve aussi qui se montrent plus raisonnables et comprennent mieux les choses. Agrippa d’Aubigné (1551-1630), par exemple, au début de son Histoire universelle[062.1], constate, sans s’émouvoir, que certains de ses lecteurs, peu charmés de tel ou tel passage de son récit, « s’en dégoûtent et donnent du pouce au feuillet ».

Il en est, d’ailleurs, qui lisent uniquement comme lisait Guez de Balzac (1597-1654)[062.2], « pour trouver de belles sentences et de belles expressions à recueillir et à enchâsser ».

C’était la méthode de Delille (1738-1813), qui se gênait si peu pour plagier et piller ses confrères, poètes ou prosateurs, anciens ou modernes. Il disait quelquefois, après une lecture : « Allons, il n’y a rien là de bon à prendre ». La prose surtout était pour lui de bonne prise. Un jour qu’il venait de réciter à Parseval-Grandmaison des vers dont l’idée était empruntée à Bernardin de Saint-Pierre, ce que Parseval avait remarqué et objecté : « N’importe, s’écria Delille, ce qui a été dit en prose n’a pas été dit[062.3] ».

Montaigne souvent lisait de cette même façon, dans l’intention, plus ou moins avouée, de faire main basse sur quelque sage maxime ou piquante remarque de Plutarque ou de Sénèque : « Je feuillette à cette heure un livre, à cette heure un aultre, sans ordre et sans desseing, à pièces descousues[063.1] ». « Les abeilles pillotent deçà delà les fleurs ; mais elles en font après le miel, qui est tout leur ; ce n’est plus thym ni marjolaine : ainsi les pièces empruntées d’aultruy, il (un enfant, le fils de la comtesse de Gurson, — et c’est surtout ce qu’a fait Montaigne lui-même) les transformera et confondra pour en faire un ouvrage tout sien, à savoir son jugement[063.2]…. »

Étienne Pasquier de même : « Tout ainsi que l’abeille sautelle d’une fleur à autre, pour prendre sa petite pâture dont elle forme son miel, aussi lis-je ores l’un, ores un autre auteur, comme l’envie m’en prend[063.3] ».

C’est le mot de Lucrèce :

Floriferis ut apes in saltibus omnia libant (ou limant),
Omnia nos itidem depascimur aurea dicta[063.4].

Ce que le grammairien philosophe Dumarsais (1676-1756) paraphrasait ainsi : « Répandez-vous, comme des abeilles, dans le monde passé et dans le monde présent ; vous reviendrez ensuite dans votre ruche composer votre miel[065.1]. »

Voltaire butinait de même : « Je passe ma vie à chercher des pierres précieuses dans du fumier, écrit-il à la marquise du Deffand[065.2], et, quand j’en rencontre, je les mets à part, et j’en fais mon profit ; c’est par là que les mauvais livres sont quelquefois très utiles. »

L’archevêque de Reims Landriot (1816-1874) a éloquemment et fort bien développé cette même pensée, cette comparaison du lecteur au chercheur et au glaneur : « Lire vient d’un mot latin, ou plutôt primitivement d’un mot grec, qui signifie « recueillir, ramasser, faire la collecte ». Un jardinier se promène dans son verger, il recueille les fruits mûrs, et les réunit dans ses greniers ; le botaniste fait une course à travers la campagne, il ramasse les fleurs qu’il rencontre, les dispose d’abord sans ordre dans une boîte qui saura les conserver fraîches et intactes ; de retour à la maison, il les classe et les met en ordre, et leur donne à chacune une place définitive. Ainsi, le lecteur sérieux se promène dans le jardin des idées humaines ; il voit, il ramasse, il collige, il met d’abord comme en un seul faisceau ces fleurs intellectuelles dans son esprit, puis il les coordonne, il les dispose, et maintient chacune au rang qu’il (qui ?) lui convient[066.1]. »

Mais, d’une façon générale, on ne lit bien et avec fruit que ce qu’on lit lentement, avec suite et méthode. Il en est de la lecture comme de la nourriture : pour bien digérer et s’assimiler aliments, boissons et lectures, il faut les absorber, non gloutonnement, mais par degrés et à petits coups[066.2].

Il est bon de varier ses lectures, et néanmoins de ne pas lire au hasard et sans ordre : « Une lecture uniforme profite, une lecture diversifiée réjouit. Lectio certa prodest, varia delectat. Je lis souvent Hippocrate, Galien, Fernel, Riolan et d’autres illustres patrons de ma profession, écrit le médecin Gui Patin[067.1] : voilà ma lecture uniforme, voilà mon profit. Je lis de temps en temps Horace, Sénèque, Ovide, Juvénal, Tacite, Pline et autres auteurs, qui mêlent utile dulci : voilà ma lecture diversifiée, voilà ma récréation ; elle n’est pas sans utilité. »

« Vous ne savez pas lire, disait un jour l’helléniste Boissonade (1774-1857) à Mme de Tracy[067.2]. Vous lisez comme si vous mangiez des cerises. Une fois la lecture faite, vous ne pensez plus à ce que vous avez lu, et il ne vous en reste rien. Il ne faut pas lire toutes sortes de choses au hasard ; il faut mettre de l’ordre dans ses lectures, y réfléchir et s’en rendre compte. »

« Savoir lire, quelle science ! s’écrie le chroniqueur Edmond Texier (1816-1887)[067.3]. C’est interroger un écrivain, c’est lui demander l’enseignement des choses que l’on ignore, c’est discuter avec lui sur tel point et le réfuter sur tel autre. On l’aborde avec respect, mais sans parti pris ; on entre en conversation intime avec lui, on se laisse aller, puis on résiste, et si l’on se sent entraîné, tout va bien. Le lecteur intelligent est comme cette fière déesse qui n’accordait son amour qu’à l’homme robuste qui l’avait terrassée. Mais il ne sait pas lire ni même épeler, celui qui, prenant un livre, tourne page sur page et ne s’arrête essoufflé qu’au dernier feuillet ; il se gorge de mots, l’idée lui échappe. Toute lecture est un voyage d’agrément, un voyage à petites journées, où l’on prend son temps et ses aises. Voici un point de vue, contemplons-le ; voici un joli bois, reposons-nous. »

« Tout livre qui passe sous nos yeux doit nous instruire, nous avancer d’un degré, nous enrichir de quelque chose, si médiocre que soit ce livre, si inconnu qu’il soit. Ne lisez jamais un livre sans prendre des notes, et, s’il est sérieux, résumez-le par écrit….

« Prenez avec vous-même la résolution de ne jamais laisser sortir de vos mains, sans profit, c’est-à-dire sans résultat écrit, aucun livre lu, parcouru, ou du moins sur lequel vos yeux se seront arrêtés quelque temps. C’est peut-être un-moyen excellent et pratique de tirer parti des moments perdus, qui malheureusement sont les plus nombreux, même dans une vie intelligente. C’est aussi un moyen de porter immédiatement son attention sur les idées vraiment substantielles et fécondes, qui, rares autant qu’utiles, se peuvent trouver dans des lectures sans ordre et décousues. Au bout de quelques minutes, tout livre dont on ne pourra rien tirer qui vous fasse penser sera rejeté comme vide et inutile, et voilà encore un autre avantage de l’habitude que je conseille de prendre[069.1]. »

Prendre des notes, la mémoire humaine est si courte, si fugitive, qu’il n’y a pas d’autre moyen à employer pour qui veut garder trace de ses lectures.

Pline l’Ancien, comme nous l’apprend son neveu, « faisait toujours des remarques et des extraits de ses lectures, et n’a jamais rien lu sans extraire[069.2] ».

« Pour subvenir un peu à la trahison de ma mémoire, et à son défault, si extrême, nous avoue Montaigne[069.3], qu’il m’est advenu plus d’une fois de reprendre en main des livres comme récents et à moi incognus, que j’avais lu soigneusement quelques années auparavant, et barbouillé de mes notes, j’ai pris en coustume, depuis quelque temps, d’adjouter, au bout de chaque livre (je dis de ceulx desquels je ne me veulx servir qu’une fois), le temps auquel j’ai achevé de le lire, et le jugement que j’en ai retiré en gros, » etc.

« On n’apprend jamais rien quand on ne fait que lire ; il faut extraire et tourner, pour ainsi dire, en sa propre substance, les choses que l’on veut conserver, en se pénétrant de leur essence. » C’est Mme Roland, alors Manon Phlipon, qui donne ce conseil[070.1], et elle avait soin tout d’abord de prêcher d’exemple : elle prenait beaucoup de notes et faisait de longs extraits de ses nombreuses lectures.

Une importante et très juste remarque a été formulée par le chancelier Daguesseau (1668-1751), relativement au profit à tirer de ces annotations et extraits : « La grande utilité, et le fruit solide de ces sortes de travaux, n’est que pour celui qui les fait soi-même, qui se nourrit par là à loisir de toutes les vérités qu’il recueille, et qui les convertit dans sa propre substance[070.2]. »

Ces notes de lectures, les uns les inscrivent sur des cahiers ou des registres ; d’autres, sur des feuilles séparées, sur des fiches. Cette dernière méthode est de beaucoup la meilleure ; elle permet de classer ces documents par catégories et laisse toute liberté de rangement. On était jadis d’un avis contraire, et il n’y a pas très longtemps, il n’y a guère qu’un demi-siècle, que l’emploi des fiches est unanimement préféré à celui des registres. Dans son Katechismus, publié en I856, le bibliographe allemand Petzholdt (1812-1891) proscrit les catalogues sur fiches[071.1], aujourd’hui universellement employés, à l’exclusion des autres. Parmi les adversaires des fiches, on compte aussi le chancelier Daguesseau, qui, dans les conseils adressés à son fils sur la « manière de faire des extraits » de ses lectures[071.2], objecte qu’avec des fiches, « il faut avoir toujours devant soi une multitude de feuilles ou de cartes détachées ; et le cabinet d’un homme de lettres devient bientôt ou l’antre de la sibylle, dont les feuilles turbata volant rapidis ludibria ventis, ou la boutique confuse et dérangée d’un Cartier ». Selon lui, la méthode « la plus courte et la plus simple est d’écrire tout de suite (sur un cahier ou recueil) les choses qui nous paraîtront mériter d’être extraites, et de marquer à côté de chaque extrait, sur une grande marge, la matière à laquelle il doit être rapporté ».

Machiavel (1469-1530), évoquant ce mot de Dante : « Il n’y a point de science, si l’on ne retient ce qu’on a entendu », nous apprend que, dans ses conversations avec les anciens, c’est-à-dire ses lectures des Latins et des Grecs, il note tout ce qui lui paraît « de quelque importance[072.1] ».

Sur le pasteur David Ancillon (1617-1692), et ses façons de lire et de mettre à profit ses lectures, nous trouvons dans Bayle[072.2] les détails suivants : « Ancillon lisait toutes sortes de livres, même les anciens et les nouveaux romans. Il n’y en avait aucun, dont il ne crût qu’on pouvait faire quelque profit ; il disait souvent ces paroles, qu’on attribue à Virgile : Aurum ex stercore Ennii colligo…. Mais il ne s’attachait proprement qu’aux ouvrages importants, qu’aux choses sérieuses. Il mettait une immense différence entre la lecture des livres qu’il ne voyait, comme lui-même le disait, que pour ne rien ignorer, et la lecture de ceux qui étaient utiles à sa profession. Il ne lisait les uns qu’une seule fois, et en courant, perfunctorie, et, comme dit le proverbe latin : sicut canis ad Nilum bibens et fugiens ; mais il lisait les autres avec soin et avec application. Il les lisait plusieurs fois : la première, disait-il, ne servait qu’à lui donner une idée générale du sujet, et la seconde lui en faisait remarquer les beautés…. II barrait les livres en les lisant, et mettait à la marge des renvois à d’autres auteurs, qui avaient traité les mêmes matières, ou qui avaient dit des choses qui se rapportaient à celles qu’il lisait…. Il changeait quelquefois de lecture, et ce changement lui tenait lieu de repos. »

La comtesse d’Albany (1752-1824) aimait à se rendre compte, « la plume à la main, de la plupart de ses lectures[073.1] ».

« Il faut faire des notes et des extraits, quand on veut lire avec fruit, » écrit Mirabeau (1749-1791) à Sophie[073.2].

« Le seul moyen de tirer un bon parti de mes lectures serait d’en faire des extraits raisonnés, » note, dans son journal, l’historien Michelet (1798-1874)[073.3].

Et Joseph de Maistre (1754-1821)[073.4] :

« … Vous voyez d’ici ces volumes immenses couchés sur mon bureau. C’est là que, depuis plus de trente ans, j’écris tout ce que mes lectures me présentent de plus frappant. Quelquefois je me borne à de simples indications ; d’autres fois je transcris mot à mot des morceaux essentiels ; souvent je les accompagne de quelques notes, et souvent aussi j’y place ces pensées du moment, ces illuminations soudaines qui s’éteignent sans fruit si l’éclair n’est fixé par l’écriture. Porté par le tourbillon révolutionnaire en diverses contrées de l’Europe, jamais ces recueils ne m’ont abandonné ; et maintenant vous ne sauriez croire avec quel plaisir je parcours cette immense collection. Chaque passage réveille dans moi une foule d’idées intéressantes et de souvenirs mélancoliques mille fois plus doux que tout ce qu’on est convenu d’appeler plaisirs. Je vois des pages datées de Genève, de Rome, de Venise, de Lausanne. Je ne puis rencontrer les noms de ces villes sans me rappeler ceux des excellents amis que j’y ai laissés. » Etc.

« La lecture ne fut jamais pour Mme Swetchine (1782-1857) un simple délassement, écrit le comte de Falloux (1811-1886)[074.1] : un livre ne sortait de ses mains qu’annoté, commenté, copié quelquefois presque dans son entier. La première date de ces énormes extraits remonte à 1801, c’est-à-dire à sa dix-neuvième année, seconde année de son mariage. Ces recueils ne sont point des albums de luxe, ce sont des cahiers de papier commun, couverts d’une écriture fine et serrée, reliés postérieurement, ce qu’attestent des lignes engagées dans le dos de la reliure, ou des mots emportés par la rognure des marges. Ces volumes s’élèvent au nombre de trente-cinq ; en outre, d’autres ont été perdus. Les plus petits sont in-8 ; treize sont in-4.

« Ce que ces livres représentaient pour Mme Swetchine d’intérêt ou d’émotion, nous le retrouvons, par un rapprochement digne d’être noté, décrit par le comte de Maistre, errant alors en Suisse, en Italie, en Sardaigne, et qui ne devait connaître Mme Swetchine qu’à la dernière étape de sa longue expatriation. « Vous voyez d’ici ces volumes immenses couchés sur mon bureau, dit le comte de Maistre, dans les Soirées de Saint-Pétersbourg. C’est là que, depuis plus de trente ans, j’écris, » etc. [Voir la citation ci-dessus, pages 73-74.]

« Pour Mme Swetchine, comme pour M. de Maistre, ces volumineux extraits de lectures, c’étaient les étapes successives qu’avait traversées son intelligence. »

En passionné liseur et fouilleur de livres, Gabriel Peignot (1767-1849) ne manquait pas non plus de noter tout ce qui l’intéressait, tout ce qui le frappait : dans une liste de ses œuvres inédites, publiée en 1830, figure « le Myriobiblon français, résumé de lecture, la plume à la main, pendant quarante-trois ans, et pouvant former dès lors douze à quinze volumes in-8[076.1] », ouvrage qui devait paraître avec cette épigraphe tout à fait de circonstance : Alius alio plus invenire potest, nemo omnia[076.2].

« Lire, écrire, observer, penser, comparer, réfléchir, voilà ma vie, nous dit M. Albert Collignon (1839-….)[076.3]. Je suis avant tout un lecteur, un curieux, un témoin attentif de mon temps. Philosophe, j’aime à comprendre la raison des choses ; j’aime à dire ma manière de voir et à formuler mes jugements. En lisant, j’ai mes préférences ; mais, depuis Homère jusqu’à M. Verlaine, depuis Cicéron et César jusqu’à Frédéric II et à Napoléon, depuis Aristote jusqu’à M. Zola, j’ai voulu tout connaître ; j’ai tout lu la plume à la main, en notant mes remarques, mes réflexions et mes extraits. Mes cahiers, si nombreux, sont le résumé de ma vie ; ils forment aujourd’hui toute une encyclopédie littéraire, morale, politique, le Dictionnaire critique d’un homme de lettres. »

C’est qu’en effet la vie d’un véritable homme de lettres ne se compose pas seulement des livres qu’il écrit et met au jour, mais de ceux qu’il lit ; elle est dans ses lectures, c’est-à-dire dans son instruction, dans sa culture intellectuelle et morale, aussi bien que dans ses propres ouvrages[077.1].

« Il ne suffit pas de lire beaucoup, même avec ordre et sélection, remarque, de son côté, le baron Tanneguy de Wogan (1850-….)[077.2], il faut encore tirer le meilleur profit de ses lectures, c’est-à-dire retenir le plus possible. La mémoire, si excellente qu’elle soit, ne peut conserver qu’une relativement faible portion de ce qu’on lui confie. Suppléez-y donc en prenant des notes, beaucoup de notes, chaque fois qu’un fait, une idée, une remarque vous frapperont, surtout quand le livre qui vous occupera ne présentera pour vos recherches ultérieures aucun point de repère, tel qu’un index alphabétique, par exemple, — et c’est malheureusement la majorité des cas, soit par négligence de l’auteur, soit que le genre du volume, poésie, roman, pièce de théâtre, etc., ne se prête pas au contenu de ce précieux auxiliaire. »

En plusieurs endroits de son Manuel des gens de lettres, le même écrivain insiste très vivement sur l’utilité, « l’absolue nécessité », des index à la fin des livres, et c’est avec une conviction non moins profonde, c’est avec le plus chaleureux empressement que nous souscrivons aux considérations suivantes :

« … L’index analytique est absolument nécessaire aux ouvrages d’histoire et de science. Un index dont le besoin est urgent est celui de ce monument national qu’on appelle une Histoire de France. C’est ainsi que les grandes Histoires de France de Michelet et de Henri Martin sont dépourvues d’index[078.1], ce qui est vraiment une lacune impardonnable pour les éditeurs de ces grands ouvrages.

« Un savant allemand a été jusqu’à écrire : « Faire un ouvrage érudit, surtout un ouvrage philologique ou linguistique, sans un index très sûr pour trouver immédiatement un renseignement cherché, est un véritable assassinat littéraire. On se tue à fouiller dans les énormes volumes de Pott, un des plus grands investigateurs des langues indo-européennes[078.2]. Beaucoup pensent qu’il en a rendu compte à Dieu ![078.3] »

Un moyen, plus efficace que cette supposition comminatoire extraterrestre, de contraindre les auteurs à joindre des tables alphabétiques à leurs ouvrages, serait, comme voulait le demander au Parlement, en 1850, le chancelier d’Angleterre lord Campbell, de priver de ses droits de propriété littéraire tout écrivain qui publierait un livre sans index. C’est M. A. de Boislisle (1835-….) qui nous conte ce fait, dans son Avertissement aux Mémoires de Saint-Simon[079.1], après avoir proclamé, lui aussi, qu’un index alphabétique est « l’accessoire obligé de toute bonne, complète et commode édition ».

Nombre de liseurs et de travailleurs ne se contentent pas de prendre des notes à la suite de leurs lectures, ils inscrivent ces notes sur les marges mêmes du volume, ils soulignent même des mots, des lignes entières du texte : « ces soulignures sont des taches qui font du tort à la vente de l’ouvrage, constate en gémissant le libraire Sylvestre Boulard (1750-1819 ?)[079.2]. Ces notes ne sont que des taches désagréables pour la plus grande partie des acquéreurs. »

Mais il est des bibliophiles qui ne considèrent pas leurs livres uniquement comme des objets de spéculation ; il en est qui tiennent à s’en servir, qui tiennent à les lire, les ont achetés pour cela, et sans aucune arrière-pensée de revente et de trafic. Pour ceux-là, — et c’est à ces lecteurs que notre ouvrage s’adresse de préférence, — les livres sont mieux que des articles de parade et de luxe ; ce sont des instruments de travail, que nous avons certes le devoir de soigner et de ménager, mais que nous avons aussi le droit de rectifier et de compléter ; ou plutôt ce sont des collaborateurs, des compagnons, des amis, que nous nous plaisons à consulter[080.1], mais dont nous ne sommes pas tenus d’adopter sans réplique tous les avis, avec lesquels nous avons licence de douter et d’objecter, que nous contrôlons, reprenons et amendons au besoin.

Le lecteur, qui veut mettre à profit, savourer et conserver le fruit de ses lectures, doit forcément marquer de quelque signe les passages qui le frappent le plus, inscrire dans la marge, de côté, en tête ou en pied, au crayon, — le crayon suffit, la plume prendrait trop de temps, et le papier peut boire, d’ailleurs, — telle remarque, telle critique, qui vous vient à l’esprit, ou telle comparaison que cet endroit vous suggère. Il n’est pas question ici, bien entendu, de ces annotations ou exclamations dont certains commentateurs surchargeaient jadis les bas de pages des ouvrages classiques : « Beau ! » « Superbe ! » « Admirable ! » « Sublime ! » « Comme cela est vrai ! » « Comme cela est peint ! » etc., de ce qu’on pourrait appeler « les notes bêtes » ; ce ne sont que « les notes utiles » que nous approuvons et conseillons, les rectifications d’abord, puis les rapprochements et analogies de forme ou de fond, les objections, etc. De cette façon et dans ce sens, c’est un charme que d’annoter ses livres, et, pour le connaître et l’apprécier, ce charme, ainsi que nous en avertit l’érudit bibliographe Gustave Brunet (1807-1896)[081.1], « il faut l’avoir goûté ».

Je sais qu’il y a des livres si beaux, si splendidement édités, qu’on n’ose appuyer le crayon sur leurs pages et altérer la blancheur de leurs marges ; ceux-ci, regardez-les, contemplez-les, admirez-les ; mais ayez quelque autre édition de ces ouvrages, une édition moins luxueuse et plus abordable, avec qui vous puissiez converser et discuter. Ou bien, et pour tout concilier, inscrivez vos notes, non dans les marges, mais sur une fiche simple ou double, avec renvois aux pages, et placez ensuite cette fiche en tête ou en queue du volume. Il en est aussi qui font interfolier leurs livres, c’est-à-dire intercaler une page blanche entre chaque feuillet, et écrivent leurs remarques sur cette page[082.1]. Mais nombre de travailleurs et de liseurs préféreront toujours se servir des marges pour leurs annotations manuscrites.

Il n’est guère de véritable ami des livres et des lettres qui ne l’ait commise, cette profanation, qui n’ait perpétré ce prétendu crime d’annotation, et ne se soit livré à cette muette mais délectable et très profitable causerie. Le Tasse a annoté plus de cinquante de ses volumes. Alde et Paul Manuce, Scaliger, la reine Christine de Suède, avaient la même « manie »[082.2] ; Montaigne aussi[082.3] ; La Fontaine pareil­lement[082.4]. « La signature de Jacques-Auguste de Thou se lit sur quelques-uns des beaux volumes qui composaient sa fameuse bibliothèque…. Racine a tracé le sien (son nom) avec des notes grecques, latines ou françaises sur les marges des principaux poètes dramatiques de l’antiquité…. Le docte Étienne Baluze [originaire de Tulle] (Stephanus Baluzius Tutelensis) a souscrit de ces trois mots, d’une belle et ferme écriture, chaque volume de sa nombreuse bibliothèque. Le savant Samuel Bochart jetait ses premières pensées et faisait, pour ainsi dire, son premier travail sur les ouvrages mêmes qu’il avait à consulter…. [De] La Monnoye n’écrivait le sien (son nom) que sous la forme d’un anagramme ; on reconnaît ses livres à cette devise : A Delio nomen, et aux notes curieuses que sa plume leur confiait en traits presque microscopiques, mais élégants et bien formés[083.1]. » Etc. Nous avons vu qu’Ancillon « barrait » ses livres en les lisant, « et mettait à la marge des renvois à d’autres auteurs[083.2] ».

Le célèbre évêque Huet figure aussi parmi les annotateurs de livres[083.3]. Et Voltaire : « Ma coutume est d’écrire sur la marge de mes livres ce que je pense d’eux[084.1] » : et Napoléon[084.2], et le poète Lebrun-Pindare, et Mirabeau, Morellet, Naigeon, Alfieri, Dulaure, Letronne, l’astronome Lalande, l’abbé Mercier de Saint-Léger, l’abbé Rive, le moraliste Joubert[084.3], Paul-Louis Courier, les érudits Boissonade et Éloi Johanneau, le bibliophile belge Van Hulthem[084.4], Charles Nodier[084.5], Jacques-Charles Bru­net[085.1], etc., etc., sans compter ce « Jamet le jeune, qui, au dire de Nodier précisément[085.2], doit sa célébrité parmi les bibliophiles aux notes dont il aimait à couvrir les gardes, les frontispices et les marges de ses livres ». Quant au marquis de Paulmy, c’était exclusivement sur les feuillets de garde qu’il inscrivait ses annotations, notamment l’analyse critique qu’il avait coutume de faire de chacun des ouvrages entrant dans sa bibliothèque, et, « tout grand seigneur qu’il était, ses notices n’en sont pas plus bêtes ; elles doublent même la valeur vénale de l’exemplaire, au lieu de la diminuer[085.3] ».

Voilà pour calmer les craintes de maître Sylvestre Boulard.

[II.068.052]
  1.  Cf. Littré, Médecine et Médecins, p. 139.  ↩
  2.  Sur ces règles et ces principes, on peut notamment consulter les deux agréables petits volumes d’Ernest Legouvé, l’Art de la lecture et la Lecture en action. (Paris, Hetzel, s. d.)  ↩
  3.  Ernest Legouvé, la Lecture en action, p. 126.  ↩
[II.069.053]
  1.  Comme preuve de « l’encouragement » donné par la parole, citons l’exemple du poète et philosophe anglais Pope (1688-1744), qui « ne composait jamais rien d’intéressant sans être obligé de déclamer longtemps à haute voix, et de s’agiter en tous sens pour exciter sa verve ». (Xavier de Maistre, Expédition nocturne autour de ma chambre, chap. vii, p. 118 ; Paris, Bernardin Béchet, 1864.) Et Xavier de Maistre ajoute : « J’essayai à l’instant de l’imiter (Pope). Je pris les poésies d’Ossian et je les récitai tout haut, en me promenant à grands pas pour me monter à l’enthousiasme. Je vis, en effet, que cette méthode exaltait insensiblement mon imagination, et me donnait un sentiment secret de capacité poétique, dont j’aurais certainement profité pour composer… », etc. « Relire, chaque matin, même au besoin se réciter à haute voix certaines pages favorites d’auteurs classiques…. Chaque matin, pendant une ou deux demi-heures, il faut commercer avec les modèles, afin de se tenir l’oreille et la main constamment habituées au son pur et au pur tour de la langue française » : tel est le conseil donné « à un journaliste » par J.-J. Weiss (l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 30 septembre 1897, col. 422 et 423). Comme exemple de « mise en train » de certains écrivains, citons encore : le poète du Bartas (1544-1590), qui, « pour faire sa fameuse description du cheval, galopait et gambadait des heures entières dans sa chambre, contrefaisant ainsi son objet » (Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. II. p. 494) ; l’ornithologiste Guéneau de Montbéliard (1720-1785), qui avait « l’habitude singulière de commencer presque toutes ses journées par un madrigal ou par une chanson », habitude qu’il conserva jusqu’à ses derniers instants (Notice sur Guéneau de Montbéliard, Morceaux choisis de Buffonet de Guéneau de Montbéliard, p. 304 ; Paris, Dezobry, 1848). Et n’est-ce pas ce pince-sans-rire de Stendhal (1783-1842) qui recommandait d’avoir soin, chaque matin, avant de prendre la plume et pour se mettre en goût de bon style, de lire quelques articles du Code ? — M. Gustave Mouravit (Napoléon bibliophile, Revue biblio-iconographique, février 1904, p. 69) nous apprend que Napoléon « aimait à lire à haute voix », surtout des tragédies, celles notamment dont il savait de grandes tirades par cœur, Cinna, le Cid, la Mort de César ↩
[II.070.054]
  1.  Doudan, ap. Albert Collignon, Notes et réflexions d’un lecteur, p. 16.  ↩
  2.  Doudan, Lettres, t. IV, p. 204.  ↩
  3.  Lettre au marquis de Mirabeau, 29 août 1739 : Vauvenargues, Œuvres posthumes et œuvres inédites, Correspondance, p. 148. (Paris, Furne, 1857.)  ↩
  4.  Cf. une citation, que nous donnons plus loin (p. 147), empruntée à M. Gustave Mouravit (le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 162), et dont le début concerne le point en question ici, la lecture à haute voix : « Qu’un lecteur malhabile entreprenne de vous lire une belle œuvre : si ses hésitations, ses intonations fausses, la rudesse de son organe, la gaucherie de son interprétation, brisent constamment vos efforts pour être attentif, et émoussent en vous, si l’on peut dire, le sentiment de la lecture, le plaisir que vous vous étiez promis ne deviendra-t-il pas un supplice ? et quel profit rapporterez-vous de ce labeur ? »  ↩
[II.071.055]
  1.  Correspondance, t. II, p. 321. Dans l’appendice du tome IV des Nouveaux Lundis, p. 457 (« Mes Secrétaires »), Sainte-Beuve explique les motifs qui l’ont contraint à recourir à d’autres yeux que les siens : « … Dans la modeste condition où je vis, c’était déjà un grand luxe que d’en avoir un (secrétaire), et je n’y ai été amené d’assez bonne heure que par une faiblesse de vue et comme une tendresse d’organes qui se lassait aisément et m’obligeait à user d’autrui. Il y a plus de vingt-cinq ans déjà que, considérant que les soirées sont longues, que la plus grande difficulté pour l’homme qui vit seul est de savoir passer ses soirées, je me suis dit qu’il n’y avait pas de manière plus douce et plus sûre pour cela que l’habitude et la compagnie d’un bon livre. Mais comme mes yeux se refusaient à toute lecture de longue haleine, surtout à ces dernières heures de la journée, j’ai dû songer à me procurer de bons lecteurs, et j’en ai trouvé…. »  ↩
[II.072.056]
  1.  Supra, t. I, p. 228.  ↩
  2.  Supra, t. I, p. 91.  ↩
  3.  Lettres à d’Argental, 23 mai 1769 : Voltaire, Œuvres complètes, t. VIII, p. 722. (Paris, édit. du journal le Siècle, 1870.)  ↩
  4.  Lettre du 7 juillet 1769 ; t. VIII, p. 729. (Première lettre : deux lettres de Voltaire au comte d’Argental portent cette même date.)  ↩
  5.  Essai sur l’éloquence de la chaire, xxxv, pp. 162-163. (Paris, Didot, 1877.)  ↩
[II.073.057]
  1.  Doudan, Lettres, t. I, xxxiii ↩
  2.  Cette très judicieuse et jolie comparaison est de Jules Levallois (l’Année d’un ermite, p. 35) : « … Ses Pensées (de Joubert) me font l’effet d’exquises pastilles ; j’en croque deux ou trois quand j’ai lu trop de romans modernes ».  ↩
[II.074.058]
  1.  Ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 247.  ↩
  2.  Nous parlerons plus tard des rapports de la vue avec les caractères typographiques et avec la lecture. Disons seulement ici que, le meilleur moyen de reposer les yeux étant de regarder au loin, il est bon, lorsqu’on se sent la vue fatiguée, d’interrompre peu ou prou sa lecture et les promener les regards au dehors, dans la rue, la campagne ou le ciel.  ↩
[II.075.059]
  1.  Doudan, loc. cit., t. III, p. 345. Cf. supra, t. I, p. 193.  ↩
  2.  A propos des préfaces et des tables des matières, et de leur importance au point de vue de la connaissance du contenu des livres, voici quelques considérations, où la fantaisie et le badinage s’entremêlent au sérieux et à la vérité, empruntées à Théophile Gautier (les Jeunes-France, préface, pp. i et suiv. ; Paris, Charpentier, 1880) : — « Je ne sais si vous avez la fatuité de ne pas lire les préfaces, mais j’aime à supposer le contraire, pour l’honneur de votre esprit et de votre jugement… Moi, pour mon compte, et je prétends vous convertir à mon système, je ne lis que les préfaces et les tables, les dictionnaires et les catalogues. C’est une précieuse économie de temps et de fatigue : tout est là, les mots et les idées. La préface, c’est le germe ; la table, c’est le fruit : je saute, comme inutiles, tous les feuillets intermédiaires. Qu’y verrais-je ? des phrases et des formes ; que m’importe !… Il en est des livres comme des femmes : les uns ont des préfaces, les autres n’en ont pas ; les unes se rendent tout de suite, les autres font une longue résistance ; mais tout finit toujours de même… par la fin. Cela est triste et banal ; cependant que diriez-vous d’une femme qui irait se jeter tout d’abord à votre tête ?… La préface, c’est la pudeur du livre, c’est sa rougeur, ce sont les demi-aveux, les soupirs étouffés, les coquettes agaceries, c’est tout le charme…. O lecteurs du siècle ! ardélions inoccupés qui vivez en courant et prenez à peine le temps de mourir, plaignez-vous donc des préfaces qui contiennent un volume en quelques pages, et qui vous épargnent la peine de parcourir une longue enfilade de chapitres pour arriver à l’idée de l’auteur. La préface de l’auteur, c’est le post-scriptum d’une lettre de femme, sa pensée la plus chère : vous pouvez ne pas lire le reste…. Je vous le proteste ici, afin que vous le sachiez, je hais de tout mon cœur ce qui ressemble, de près ou de loin, à un livre : je ne conçois pas à quoi cela sert. Les gros Plutarque in-folio, témoin celui de Chrysale, ont une utilité évidente : ils servent à mettre en presse, à défaut de rabats, puisqu’on n’en porte plus, les gravures chiffonnées et qui ont pris un mauvais pli ; on peut encore les employer à exhausser les petits enfants qui ne sont pas de taille à manger à table. Quant à nos in-octavo, je veux que le diable m’emporte si l’on peut en tirer parti et si je conçois pourquoi on les fait. Il a pourtant été un temps où je ne pensais pas ainsi. Je vénérais le livre comme un dieu ; je croyais implicitement à tout ce qui était imprimé ; je croyais à tout, aux épitaphes des cimetières, aux éloges des gazettes, à la vertu des femmes. O temps d’innocence et de candeur ! Je m’amusais comme une portière à lire les Mystères d’Udolphe, le Château des Pyrénées, ou tout autre roman d’Anne Radcliffe ; j’avais du plaisir à avoir peur, et je pensais, avec Gray, que le paradis, c’était un roman devant un bon feu*…. Le seul plaisir qu’un livre me procure encore, c’est le frisson du couteau d’ivoire dans ses pages non coupées ; c’est une virginité comme une autre, et cela est toujours agréable à prendre. Le bruit des feuilles tombant l’une sur l’autre invite immanquablement au sommeil, et le sommeil est, après la mort, la meilleure chose de la vie. »
    •  * Théophile Gautier pousse ici la fantaisie jusqu’à dénaturer le mot de Gray (et son nom aussi : il écrit Grey), qui estimait que « rester nonchalamment étendu sur un sofa et lire des romans nouveaux donnait une assez bonne idée des joies du paradis ». (Walter Scott, Notice sur Le Sage, ap. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome dernier (sans numéro), Table, p. 28.) Cf. infra, chap. ix, les Romans, p. 192.  ↩

[II.077.061]
  1.  Michaud, Biographie universelle, art. Magliabecchi.  ↩
  2.  Ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 292.  ↩
  3.  M. Jules D…… ↩
[II.078.062]
  1.  Préface de la première édition, Appendice des Mémoires, p. 236. (Paris, Librairie des bibliophiles, 1889.)  ↩
  2.  Cf. supra, t. I, pp. 129-130.  ↩
  3.  Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. II, p. 100.  ↩
[II.079.063]
  1.  Essais, livre III, chap. iii ; t. III, p. 366. (Paris, Charpentier, 1862.)  ↩
  2.  Montaigne, op. cit., livre I, chap. xxv ; t. I, p. 205.  ↩
  3.  Cf. supra, t. I, pp. 121-122.  ↩
  4.  « De même que l’abeille recueille tout nectar dans les prés en fleur, nous aspirons tout le suc de tes paroles d’or. » (De la nature des choses, III, vers 11-12 ; p. 145 ; Paris, Lefèvre, 1845.) La même comparaison reparaît bien souvent chez les anciens comme chez les modernes : cf. Horace (Odes, IV, 2, trad. Panckoucke, p. 114 ; Paris, Garnier, 1866) : « Ego, apis Matinæ », etc. : « Pour moi, semblable à l’abeille du mont Matinus, qui va butiner laborieusement sur le thym odoriférant, j’erre dans les bois et près des ruisseaux qui arrosent Tibur ; et là, faible poète, je forge péniblement mes vers » ; et Sénèque (Lettres à Lucilius, 84, trad. Baillard. p. 243 ; Paris, Hachette, 1860) : « Imitons, comme on dit, les abeilles, qui voltigent çà et là, picorant les fleurs propres à faire le miel, qui ensuite disposent et répartissent tout le butin par rayons…. » ; et Plutarque (Comment il faut lire les poètes, trad. Amyot, t. VIII, p. 100 ; Paris, Bastien, 1784) : « Or tout ainsi comme ès pasturages l’abeille cherche pour sa nourriture la fleur, » etc. (cf. supra, t. I, p. 137, note). Gilles Ménage écrit (Ménagiana, ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 253) : « Entre tous les livres que l’on lit, il y en a beaucoup où l’on ne trouve presque rien de bon. En cela il faut imiter les abeilles ; elles voltigent sur toutes les fleurs, mais elles ne tirent pas de toutes de quoi faire du miel : « Apes in omnibus quærunt, non ex omnibus carpunt ». Et La Fontaine (Discours à Mme de la Sablière : Œuvres, t. IX, p. 186 ; Paris, Hachette, 1892. Collection des Grands Écrivains) :
    •  Papillon du Parnasse, et semblable aux abeilles
      A qui le bon Platon compare nos merveilles,
      Je suis chose légère, et vole à tout sujet ;
      Je vais de fleur en fleur, et d’objet en objet.

     Boileau (Discours au roi : Œuvres complètes, t. I, p. 33 ; Paris, Hachette, 1867) :

    •  Comme on voit au printemps la diligente abeille
      Qui du butin des fleurs va composer son miel,
      Des sottises du temps je compose mon fiel.

     J.-B. Rousseau (Odes, III. i, à M. le comte du Luc : Œuvres lyriques, p. 160 ; Paris, Dezobry, 1852) :

    •  Et, semblable à l’abeille en nos jardins éclose,
      De différentes fleurs j’assemble et je compose
      Le miel que je produis.

     André Chénier (Élégies, IV ; Poésies, p. 79; Paris, Charpentier, 1861) :

    •  Ainsi, bruyante abeille, au retour du matin,
      Je vais changer en miel les délices du thym.

     Et ces considérations d’Édouard Charton (1807-1890), (le Tableau de Cébès, notes, pp. 170-171 ; Paris, Hachette, 1882) : « … Ce pourrait être la devise des abeilles. S’il n’est pas inutile de chercher parmi les animaux, nos « frères inférieurs », comme les appelle Michelet, des exemples à suivre, je n’en connais aucun qui soit plus digne de notre attention que celui de l’abeille. L’œuvre de sa vie est excellente et d’une parfaite unité. Jamais le laborieux insecte ailé ne s’attarde sur les plantes d’où il n’a rien à tirer de bon ; il les fuit. Quelquefois, dans un intérêt d’observation scientifique, on a essayé de le tromper en plaçant sur son passage, dans les parterres, des fleurs artificielles semblables à celles qu’elle cherche ; non ! les abeilles ont plané au-dessus une seconde à peine : leur merveilleux instinct leur a fait découvrir aussitôt la supercherie. Il n’y avait rien là pour leur servir à faire leur miel, et elles n’avaient pas de temps à perdre. »
    Etc., etc.  ↩

[II.081.065]
  1.  Ap. Voltaire, le Philosophe par M. Dumarsais. (Voltaire, Œuvres complètes, t. IV, p. 740 ; Paris, édit. du journal le Siècle, 1868.)  ↩
  2.  Lettre du 1er novembre 1773 : Œuvres complètes, t. VIII. p. 926.  ↩
[II.082.066]
  1.  Ap. Jean Darche, Essai sur la lecture, pp. 49-50.  ↩
  2.  Cf. Albert Collignon, Notes et Réflexions d’un lecteur, p. 10.  ↩
[II.083.067]
  1.  Ap. Albert Collignon, la Religion des Lettres, p. 156.  ↩
  2.  Ap. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XIII, pp. 195-196.  ↩
  3.  Les choses du temps présent, Petites Satires, p. 261. (Paris, Hetzel, s. d. [1862].) Sur la rareté des gens « qui savent lire », cf. supra, t. I, pp. 189-190, l’opinion de Gœthe, de Voltaire, de Sainte-Beuve, etc.  ↩

[II.085.069]
  1.  Albert Collignon, la Religion des Lettres, pp. 194-197.  ↩
  2.  « Nihil enim legit, quod non excerperet » (Pline le Jeune, Epistolæ, III, 5 ; t. I, p. 190 ; Paris, veuve Barbou, 1808.)  ↩
  3.  Essais, livre II, chap. x ; t. II, p. 226. (Paris, Charpentier, 1802.)  ↩
[II.086.070]
  1.  Ap. Sainte-Beuve, Portraits de femmes, p. 197.  ↩
  2.  Daguesseau, Instructions sur les études propres à former un magistrat, I, Œuvres choisies, p. 218. (Paris, Didot. 1871 ; in-18.) A propos de cette « pâture spirituelle que nous recevons par la lecture », Joseph de Maistre (les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. II, p. 69 ; Lyon, Pélagaud, 1870) constate que, dans cette opération, « chaque esprit s’approprie ce qui convient plus particulièrement à ce qu’on pourrait appeler son tempérament intellectuel, et laisse échapper le reste. De là vient que nous ne lisons pas du tout les mêmes choses dans les mêmes livres ; ce qui arrive surtout à l’autre sexe comparé au nôtre, car les femmes ne lisent point comme nous. Cf. aussi supra, t. I, pp. 136-138, des citations de Gabriel Naudé, de Sénèque, de Plutarque, etc., relatives à cette même « pâture spirituelle ».  ↩
[II.087.071]
  1.  Cf. Graesel, Manuel de Bibliothéconomie, p. 254, trad. Jules Laude. (Paris, Welter. 1897.)  ↩
  2.  Op. cit., p. 289.  ↩
[II.088.072]
  1.  Lettre à Francesco Vettori ; Œuvres littéraires, p. 456, (Paris, Charpentier, s. d.)  ↩
  2.  Dictionnaire historique et critique, art. Ancillon. t. II, pp. 72-73. (Paris, Desoer, 1820.)  ↩
[II.089.073]
  1.  Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. V, p. 425.  ↩
  2.  Lettres d’amour de Mirabeau, p. 164. (Paris, Garnier, 1874.)  ↩
  3.  Mon Journal, 1820-1823, p. 200. (Paris, Marpon et Flammarion, 1888.)  ↩
  4.  Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. II, p. 141. (Lyon, Pélagaud, 1870.)  ↩
[II.090.074]
  1.  Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, t. I, pp. 36-37. (Paris, Perrin, 1900.)  ↩

[II.092.076]
  1.  Quérard, la France littéraire, art. Peignot, t. VII, p. 10. Un autre fervent érudit, le célèbre bibliophile et collectionneur François Marucelli (1625-1713), laissa, à sa mort, un index général, en 112 volumes in-folio, de toutes les matières traitées dans les ouvrages qu’il avait lus. « Ce vaste répertoire, conservé en manuscrit à Florence, pourrait être d’une grande utilité aux savants, dont il faciliterait les recherches. » (Michaud, Biographie universelle.)  ↩
  2.  J. Simonnet, Essai sur la vie et les ouvrages de Gabriel Peignot, pp. 177 et s.  ↩
  3.  La Vie littéraire, p. 6.  ↩
[II.093.077]
  1.  Cf. Doudan, Lettres, t. I. p. 77.  ↩
  2.  Manuel des gens de lettres, p. 375.  ↩
[II.094.078]
  1.  M. Tanneguy de Wogan commet ici une erreur flagrante : tout un volume de l’Histoire de France de Henri Martin, le tome XVII (Paris, Furne, 1865), est rempli par un index alphabétique et analytique qui ne comprend pas moins de 606 pages.  ↩
  2.  Aussi ne peut-on considérer que comme une hâblerie ou une plaisanterie ce mot de Jacques Cujas : Qui libris sine repertorio nescit uti nescit uti : « Qui ne sait se servir de livres sans répertoire ne sait s’en servir » (Ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 196.)  ↩
  3.  Baron Tanneguy de Wogan, op. cit., p. 294.  ↩
[II.095.079]
  1.  Tome I, page lxxi. (Paris, Hachette, 1879 ; Collection des Grands Écrivains de la France.)  ↩
  2.  Traité élémentaire de bibliographie, p. 77. (Paris, Boulard, an XIII.)  ↩
[II.096.080]
    •  Eh ! depuis quand un livre est-il donc autre chose
      Que le rêve d’un jour qu’on raconte un instant… ;
      Un ami qu’on aborde, avec lequel on cause.
      Moitié lui répondant, et moitié l’écoutant ?

     (A. de Musset, Namouna, II, 7 : Premières Poésies, p. 335 ; Paris, Charpentier, 1861 ; in-18.)  ↩

[II.097.081]
  1.  Fantaisies bibliographiques, p. 264. (Paris, Gay, 1864.)  ↩
[II.098.082]
  1.  C’est ce que faisait Fontanes : « … Fontanes avait souvent passé sa journée à relire quelque beau passage de Lucrèce et de Virgile ; à noter sur les pages blanches intercalées dans chacun de ses volumes favoris quelques réflexions plutôt morales que philologiques, quelques essais de traduction fidèle, » écrit Sainte-Beuve (Portraits littéraires, t. II, pp. 291-292), — Sainte-Beuve, qui ne se privait pas, lui non plus, d’annoter ses livres, habitude qu’avait aussi son père (cf. Jules Troubat, Essais critiques, p. 262 ; et Id., Sainte-Beuve. Conférence faite le 11 décembre 1904 : Chronique des livres, décembre 1904, p. 5 du tirage à part).  ↩
  2.  Cf. Ludovic Lalanne, Curiosités bibliographiques, pp. 346-347, où figurent encore d’autres noms d’annotateurs de livres.  ↩
  3.  Cf. supra, p. 69.  ↩
  4.  « J’ai tenu, dit l’abbé d’Olivet, des exemplaires (de Plutarque et de Platon, qui avaient appartenu à La Fontaine) « … ils sont notés de sa main à chaque page ; » et la plupart de ses notes étaient des maximes de morale et de politique, qu’il a semées dans ses fables. » (Peignot, Manuel du bibliophile, t. I. pp. 141-142.)  ↩
[II.099.083]
  1.  Charles Nodier, Mélanges tirés d’une petite bibliothèque, pp. 49-51. « La Monnoye, ce spirituel philologue, qui savait unir à un goût des plus prononcés pour la littérature enjouée une érudition des plus solides, figure au premier rang des annotateurs de livres ; près de cent vingt ouvrages divers, qu’il avait ornés de sa jolie écriture, figurent au catalogue des livres de Gluc de Saint-Port (Paris, Prault, 1749). » (Gustave Brunet, Fantaisies bibliographiques, pp. 267-268.)  ↩
  2.  Cf. supra, pp. 72-73.  ↩
  3.  Cf. supra, p. 28 : « Si je trouvais, en les lisant (mes livres), quelque chose qui valût la peine d’être noté, soit pour la correction du texte, soit pour l’éclaircissement des passages, je le notais à la marge. » (Huet, Mémoires, trad. Charles Nisard, p. 37.)  ↩
[II.100.084]
  1.  Voltaire, lettre à Mme de Saint-Julien, 15 décembre I766 : Œuvres complètes, t. VIII, p. 535.  ↩
  2.  A Sainte-Hélène, Napoléon lut en un an soixante-douze volumes. Non seulement il dictait des notes, mais surtout il écrivait abondamment sur les marges. « Ce goût, ce besoin peut-être, de l’annotation, remontait loin dans les habitudes de l’empereur : sa correspondance, durant son séjour à Auxonne, de juin 1790 à avril 1791, nous permet de le surprendre annotant tous les livres, dès lors fort nombreux, qu’il parvenait à se procurer. » (Mouravit, Napoléon bibliophile, Revue biblio-iconographique, mars 1904, p. 117.)  ↩
  3.  Cf. supra, t. I, pp. 182-183. « Il (Joubert) lisait tout, et la plupart des volumes de sa bibliothèque portent encore les vestiges du passage de sa pensée : ce sont de petits signes dont j’ai vainement étudié le sens, une croix, un triangle, une fleur, un thyrse, une main, un soleil, vrais hiéroglyphes que lui seul savait comprendre et dont il a emporté la clef. » (Paul de Raynal, la Vie et les Travaux de M. J. Joubert, en tête des Pensées de Joubert, t. I, p. xlv ; Paris, Didier, 1862.)  ↩
  4.  Cf. Larousse, Grand Dictionnaire, art. Hulthem (Van).  ↩
  5.  Nodier avait, paraît-il, une arrière-pensée en annotant ses livres, celle d’en trafiquer et de leur donner une plus-value : « Nodier trouva fort bon de faire, pour son propre compte, une petite spéculation sur les livres annotés par lui. » (Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 156, n.) Lamennais se contentait d’apposer sa signature sur ses livres pour en augmenter le prix : « M. de Lamennais… a trouvé moyen, dans une occasion, de se moquer un peu de l’innocente fantaisie de ceux qui, comme moi, mettent du prix même à la simple signature d’un homme célèbre. Ayant eu connaissance, lors de la première vente de sa bibliothèque, en 1836, de cette petite manie des amateurs, il écrivit, d’une écriture bien évidemment récente, bien flamboyante, sur tous ses livres : F. de Lamennais, afin qu’ils se vendissent un peu mieux et un peu plus cher. » Tenant de Latour, Mémoires d’un bibliophile, p. 185.)  ↩
[II.101.085]
  1.  Voir sur ces noms et sur les « annotations manuscrites sur les livres », Gustave Brunet, op. cit., pp. 251-268 ; et Charles Nodier, op. cit., pp. 46-56, où figurent encore d’autres noms d’annotateurs.  ↩
  2.  Ap. Gustave Brunet, op. cit., p. 251.  ↩
  3.  Jules Richard, l’Art de former une bibliothèque, p. 31.  ↩

Publié le 22 oct. 1905 par Albert Cim