II. Le Format
Ce qu’on entend par format. — Ce que signifient les mots tome, volume, plaquette, brochure, pièce, exemplaire, tirage, édition, édition princeps, édition originale, etc. Il serait préférable de désigner les formats par leurs dimensions métriques, et non plus par les termes archaïques : jésus, raisin, écu, etc., et in-octavo ou in-huit, in-douze, in-seize, etc. — Confusion des formats. — Tableau des principaux formats des livres, avec leurs dimensions métriques. — Signatures, réclames, etc. — Imposition typographique : cahiers, cartons ou encarts. Tableau des signatures. Spécimens d’imposition. — Formats de classement adoptés par les bibliothèques universitaires : grand, moyen, petit ; — par la Bibliothèque nationale. — Formats des premiers livres. — Formats les plus appréciés par les lecteurs. — Le plus commode et le meilleur des formats. — Concordance des formats avec les matières traitées dans les livres. — Inconvénients des formats trop grands ou trop petits, des formats oblongs, formats d’album ou à l’italienne, des formats carrés, de tout format anormal.
Nous venons, en parlant du papier, d’étudier le fond et la base du livre ; nous allons examiner à présent son format, qui, dépendant du pliage du papier, se rattache de très près au chapitre précédent, et n’en est, pour ainsi dire, que le complément. Nous passerons ensuite à l’impression.
On appelle format d’un livre la dimension de ce livre, « dimension déterminée par le nombre de pages que renferme chaque feuille[081.1] ». On comprend, en effet, que plus la feuille renfermera de pages (c’est-à-dire plus elle sera pliée sur elle-même), plus ces pages seront restreintes en hauteur et en largeur, plus par conséquent le volume sera petit ; et, inversement, moins la feuille renfermera de pages (c’est-à-dire moins elle aura été pliée), plus sera étendue la surface de chacune de ces pages, plus grand par suite sera le volume. Quant à l’épaisseur, c’est-à-dire au nombre de feuilles que le volume contient, il n’en est pas question ; elle n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du format : celui-ci ne dépend, encore une fois, que de la superficie, et n’indique que la hauteur et la largeur du volume.
On confond souvent les expressions tome et volume. Le tome (τόμος, section) est une partie d’un ouvrage, une division, plus ou moins rationnelle, faite par l’auteur lui-même, division analogue à celle de l’ouvrage en livres, sections, chapitres, etc. Le volume (du latin volumen) indique une division matérielle dépendant uniquement de la reliure ou du brochage. Le plus souvent la division par volumes concorde avec la division par tomes ; cependant il n’est pas rare de trouver deux tomes reliés en un volume ; il est très rare, au contraire, qu’il faille plusieurs volumes pour contenir un seul tome. On peut donc dire, d’une façon générale, qu’un volume peut renfermer plusieurs tomes, mais qu’un tome ne fait presque jamais plusieurs volumes. Enfin un volume peut former à lui seul un ouvrage indépendant et complet ; un tome, jamais, en réalité ; il fait toujours partie d’un ouvrage : « il n’y a tome que s’il y a division », selon l’expression de Littré[082.1].
« Un volume relié ou broché de peu d’épaisseur » est une plaquette[082.2], et « un petit ouvrage de peu de feuilles et qui n’est que broché » est une brochure[082.3]. Pièce est synonyme de brochure[082.4]. Mais où finissent la brochure et la plaquette, et où commence le volume ? Il n’y a aucune règle précise à cet égard. « A la Bibliothèque nationale on considère comme pièces toutes les impressions qui ont moins de 49 pages[082.5]. » M. Albert Maire dit qu’ « une brochure est un ouvrage qui n’atteint pas 100 pages ; au-dessous et jusqu’à 50 pages elle peut se nommer une plaquette[082.6] ». D’autres appellent plaquette tout in-8 ou in-12 ne dépassant pas 100 pages.
Quant au mot exemplaire, il désigne un ouvrage complet, abstraction faite du nombre de pages aussi bien que du nombre de volumes et de tomes qu’il comporte ; il s’applique à « l’unité de tirage » d’un ouvrage, d’une gravure, etc. Une bibliothèque, par exemple, possède trois exemplaires du Théâtre de Racine : l’un en un volume, l’autre en deux volumes, le troisième exemplaire en quatre volumes. Un éditeur fait tirer tel roman à 2 000 exemplaires; un libraire expédie 6 000 exemplaires de son catalogue ; etc.
On confond également volontiers les mots tirage et édition, dans le cas où ils signifient tous les deux le résultat de l’action d’imprimer, de tirer un volume. Il y a cependant une différence entre eux. Les tirages, effectués successivement, n’impliquent aucune idée de corrections ni de modifications quelconques du texte ; un exemplaire du premier tirage d’un volume est identique à un exemplaire du deuxième, du troisième, du dixième tirage de ce même volume. Ces tirages ont tous été faits, à intervalles de temps plus ou moins éloignés, sur les mêmes clichés[083.1], et ils ne se différencient que par l’usure de ces clichés : un exemplaire du dixième tirage aura nécessairement ses caractères typographiques moins nets qu’un exemplaire du premier tirage, surtout si chacun des tirages intermédiaires comprend un grand nombre d’exemplaires.
Le mot édition laisse entendre, au contraire, que l’ouvrage a été revu, remanié, puis recomposé typographiquement. Une page quelconque, la page 20, par exemple, de la première édition d’un ouvrage peut ne pas être la même que la page correspondante de la neuvième ou de la dixième édition de cet ouvrage ; tandis que, comme nous venons de le voir, la page 20 d’un exemplaire du premier tirage est « textuellement » identique à la page 20 d’un exemplaire du neuvième ou du dixième tirage.
Déterminer, même approximativement, d’après le numéro de l’édition ou du tirage, le nombre d’exemplaires d’un livre tirés et mis en vente est chose impossible. Là non plus il n’y a aucune règle. Une édition peut aussi bien se composer de 200 exemplaires que de 2 000, de 3 000, 5 000, etc. Plusieurs des romans d’Émile Zola et d’Alphonse Daudet, par exemple, se sont tirés du premier coup, pour la mise en vente, ce qu’on nomme le départ, à plus de 100 000 exemplaires. C’est afin d’introduire un peu d’ordre et de clarté dans ce genre d’opérations que certains éditeurs, au lieu d’inscrire sur la couverture et le titre des volumes le chiffre de l’édition : deuxième édition, troisième édition, quatrième édition…, ce qui ne dit rien du tout, les numérotent par mille : deuxième mille, troisième mille, quatrième mille[084.1]….
En général cependant, on peut dire que les ouvrages dont la vente ne paraît pas assurée ou semble devoir être restreinte, — un recueil de poésies signé d’un nom inconnu, je suppose[085.1]. — ne sont pas actuellement tirés à plus de 500 ou même 300 exemplaires. Un roman, signé d’un débutant, se tirera à 500, 1 000 ou 1 500 exemplaires ; si ce roman s’adresse à la jeunesse et peut se vendre comme livre d’étrennes ou de prix, le premier tirage pourra monter jusqu’à 5 000 exemplaires, voire davantage. C’est également à ce chiffre, à 5 000 exemplaires, que se tirent d’ordinaire les ouvrages classiques dont la vente paraît certaine[085.2].
Les premiers livres imprimés, les incunables[086.1], avaient des tirages relativement minimes, qui ne dépassaient guère 300 exemplaires.
On appelle édition princeps la première édition d’un ouvrage, spécialement d’un ouvrage ancien[086.2] : pour les auteurs modernes, on se sert du terme édition originale[087.1].
Une édition est dite définitive ou ne varietur quand le texte en a été revu par l’auteur ou par ses ayants droit, et déclaré par eux désormais arrêté et invariable.
⁂
Ces définitions terminées, revenons au format.
De ce que nous avons dit de la fabrication actuelle du papier, fabrication mécanique sur la toile sans fin, et non plus uniquement à la forme, il résulte que les papiers d’aujourd’hui n’ont plus de dimensions régulièrement et fixement délimitées. Il convient d’observer aussi tout d’abord que ces expressions : in-octavo, in-douze, in-seize, in-dix-huit, etc., s’appliquant exclusivement au mode de pliage de la feuille (in-octavo indique que la feuille a été pliée de façon à former 8 feuillets[088.1] ou 16 pages ; in-douze, de façon à former 12 feuillets ou 24 pages ; in-seize, de façon à former 16 feuillets ou 32 pages ; etc.), sans faire connaître les dimensions premières de cette feuille, ne signifient pour ainsi dire rien. Elles n’ont et ne peuvent avoir un sens précis qu’à condition d’être suivies de la désignation catégorique du papier, du nom du format des feuilles : in-octavo jésus, in-douze raisin, in-seize cavalier, etc., nom qu’on omet cependant très souvent dans le langage usuel.
Il est à remarquer, en outre, qu’autrefois, dans le papier fabriqué à la forme, la position des vergeures, des pontuseaux et de la marque d’eau[088.2] après le pliage de la feuille, pouvait aider facilement à la détermination du format du volume. Selon le nombre de fois que la feuille était pliée sur elle-même, la marque d’eau se trouvait ou au milieu du feuillet, ou au fond, ou au sommet, etc.[088.3] ; les vergeures et les pontuseaux étaient horizontaux ou perpendiculaires.
Voici la liste des formats les plus usités, avec leur nombre de feuillets et de pages et la position de leurs pontuseaux ; celle de leurs vergeures est naturellement toujours en sens inverse de celle-ci, puisque vergeures et pontuseaux se coupent à angle droit :
L’in-plano, appelé aussi format atlas ou atlantique, c’est la feuille non pliée, en feuillet, comprenant par conséquent deux pages, recto et verso : ici la position des pontuseaux dépend du sens dans lequel on regarde la feuille ;
L’in-folio a la feuille pliée en 2 et contient 4 pages : ses pontuseaux sont perpendiculaires ;
L’in-quarto ou in-quatre (in-4)[089.1] a la feuille pliée en 4 et contient 8 pages : ses pontuseaux sont horizontaux ;
L’in-octavo ou in-huit (in-8) a la feuille pliée en 8 et contient 16 pages : ses pontuseaux sont perpendiculaires ;
L’in-douze (in-12) a la feuille pliée en 12 et contient 24 pages : ses pontuseaux sont horizontaux ;
L’in-seize (in-16) a la feuille pliée en 16 et contient 32 pages : ses pontuseaux sont horizontaux ;
L’in-dix-huit (in-18) a la feuille pliée en 18 et contient 36 pages : ses pontuseaux sont perpendiculaires ;
L’in-vingt-quatre (in-24) a la feuille pliée en 24 et contient 48 pages : ses pontuseaux sont perpendiculaires ou horizontaux[090.1] ;
L’in-trente-deux (in-32) a la feuille pliée en 32 et contient 64 pages : ses pontuseaux sont perpendiculaires ;
Etc., etc.
Mais, pour savoir la dimension d’une quelconque de ces pages, d’une page in-8, par exemple, il est nécessaire de connaître d’abord, comme nous le disions tout à l’heure, la dimension de la feuille qui a été pliée et a fourni les 16 pages de cet in-8. Il est évident que plus cette feuille sera grande, plus ces pages le seront.
C’est précisément ce que l’épithète jésus, raisin, cavalier, etc., nous apprend. Ainsi le papier jésus ayant 0 m. 55 de haut sur 0 m. 70 de long, nous pouvons, grâce à ces chiffres, parvenir à nous faire une idée exacte de l’in-8 jésus et en calculer la dimension.
Mais, dans le papier mécanique, fabriqué en bandes, continu, puis sectionné à volonté, ces termes provenant des anciens papiers à la forme : jésus, raisin, cavalier, colombier, etc., n’ont plus de raison d’être, plus de sens : il n’y a plus de forme d’abord ; il n’y a plus de monogramme du Christ, plus de grappe de raisin, plus de cavalier, de colombe, etc., en filigrane dans la pâte du papier ; rien n’en fait plus reconnaître à première vue l’espèce et les dimensions[091.1]. Il serait donc bien plus logique, plus clair et plus simple de désigner présentement les formats par leurs dimensions réelles, exprimées en centimètres ou millimètres[091.2] ; au lieu d’in-8 jésus, de dire 0 m. 175 sur 0 m. 275, ou, par abréviation, 175 × 275 ; au lieu d’in-18 jésus, 0 m. 117 sur 0 m. 183 (117 × 183).
D’autant plus qu’avec le système bâtard actuellement en usage, on arrive à des résultats singuliers : un volume de format in-4, par exemple, se trouve être plus petit qu’un volume de format in-8, un in-8 plus petit qu’un in-12, etc. (in-4 écu = 0,20 × 0,26 ; in-8 colombier = 0,225 × 0,315 ; in-8 écu = 0,13 × 0,20 ; in-12 jésus = 0,138 × 0,233 ; etc.).
Convenons donc d’attribuer, dans la suite de cette étude, et pour la clarté de notre texte, une signification nette et précise aux termes que nous emploierons, des dimensions certaines et invariables aux formats que nous mentionnerons.
L’in-4 sera pour nous de l’in-4 cavalier et aura pour dimensions 0,23 × 0,31 ;
L’in-8 sera de l’in-8 cavalier = 0,155 × 0,23 ;
L’in-18, de l’in-18 jésus = 0,117 × 0,183 : comme le fait observer M. Émile Bosquet[093.1], cet in-18 est synonyme d’in-16 Hachette et d’in-12 Charpentier ;
Enfin l’in-32 sera de l’in-32 jésus = 0,088 × 0,138.
Voici d’ailleurs, pour faciliter toute recherche et prévenir toute éventualité, le tableau des principaux formats des principales sortes de papiers employées en librairie, avec leurs dimensions exprimées en mesures métriques[093.2] :
Formats | Colombier 0,63 × 0,90 | Grand jésus 0,56 × 0,76 | Jésus 0,55 × 0,70 | Raisin 0,50 × 0,65 | Cavalier 0,46 × 0,62 | Carré 0,45 × 0,56 | Écu 0,40 × 0,52 | Couronne 0,37 × 0,47 |
In-folio | 0,45 × 0,63 | 0,38 × 0,56 | 0,35 × 0,55 | 0,325 × 0,50 | 0,31 × 0,46 | 0,28 × 0,45 | 0,26 × 0,40 | 0,235 × 0,37 |
In-quarto | 0,315 × 0,45 | 0,28 × 0,38 | 0,275 × 0,35 | 0,25 × 0,325 | 0,23 × 0,31 | 0,225 × 0,28 | 0,20 × 0,26 | 0,185 × 0,235 |
In-octavo | 0,225 × 0,315 | 0,19 × 0,28 | 0,175 × 0,275 | 0,162 × 0,25 | 0,155 × 0,23 | 0,14 × 0,225 | 0,13 × 0,20 | 0,118 × 0,185 |
In-douze | 0,158 × 0,30 | 0,14 × 0,253 | 0,138 × 0,233 | 0,125 × 0,217 | 0,115 × 0,207 | 0,113 × 0,187 | 0,10 × 0,173 | 0,09 × 0,157 |
In-seize | 0,158 × 0,225 | 0,14 × 0,19 | 0,138 × 0,175 | 0,125 × 0,162 | 0,115 × 0,155 | 0,113 × 0,14 | 0,10 × 0,13 | 0,09 × 0,118 |
In-dix-huit | 0,15 × 0,21 | 0,127 × 0,187 | 0,117 × 0,183 | 0,108 × 0,166 | 0,103 × 0,153 | 0,09 × 0,15 | 0,066 × 0,133 | 0,078 × 0,123 |
In-vingt-quatre | 0,105 × 0,225 | 0,093 × 0,19 | 0,092 × 0,175 | 0,083 × 0,162 | 0,077 × 0,155 | 0,075 × 0,14 | 0,067 × 0,13 | 0,062 × 0,118 |
In-trente-deux | 0,113 × 0,158 | 0,095 × 0,14 | 0,088 × 0,138 | 0,081 × 0,125 | 0,078 × 0,115 | 0,07 × 0,113 | 0,065 × 0,10 | 0,059 × 0,09 |
⁂
Chaque première page d’une feuille porte, dans sa partie inférieure de droite, sous la dernière ligne ou ligne de queue, un chiffre, dit signature, qui indique le numéro de cette feuille. La ligne où se trouve ce chiffre se nomme ligne de pied, par opposition à la ligne de tête, qui est la ligne du sommet de la page, au-dessus même de la première ligne de texte, et où figurent le numéro ou folio de cette page et le titre courant[096.1]. Dans les pages sans signature, la ligne de pied est uniquement formée, comme nous le verrons plus loin, en parlant de l’Impression[096.2], d’une pièce de métal ou « garniture » appelée lingot, destinée à renforcer les autres lignes et la page entière.
Au lieu de chiffres, on employait autrefois comme signatures les lettres de l’alphabet : A, B, C, D… ; puis, quand la série des lettres était épuisée, on les doublait : AA, BB, CC, DD[096.3] ; et l’on mettait, en outre, au-dessous de la dernière ligne de chaque feuille, à droite, le premier mot de la feuille suivante, toujours afin de faciliter le classement des feuilles, l’assemblage. Ce premier mot, ainsi placé en vedette au bas de la dernière page, s’appelait la réclame. On a fini par la supprimer, considérant qu’elle faisait double emploi avec la signature.
La signature permet, ou plutôt devrait permettre, de déterminer facilement le format d’un livre.
Puisque nous savons, par exemple, que l’in-4 a sa feuille pliée de façon à donner 8 pages, il est clair que la deuxième feuille commencera à la page 9 (8 + 1) et que c’est au bas de cette page 9 que figurera la signature 2. Le chiffre 3 se trouvera de même au bas de la page 17 (8 + 8 + 1) ; le 4, au bas de la page 25 (8 + 8 + 8 + l) ; etc.
De même, l’in-8 comprenant 16 pages, la signature 2 se trouvera au bas de la page 17 (16 + 1) ; la signature 3, au bas de la page 33 (16 + 16 + 1) ; la signature 4, au bas de la page 49 ; etc.
Mais les feuilles destinées à fournir beaucoup de pages, à fournir, pour préciser, des formats plus petits que l’in-8, ne se plieraient pas aisément en un aussi grand nombre de fois, surtout si le papier était un peu fort, on le comprend de reste ; elles renfleraient, gondoleraient, auraient trop gros dos, et se prêteraient difficilement au brochage ou à la reliure[097.1]. Parfois même l’imposition[097.2], permettant, après le tirage, de plier la feuille dans l’ordre numérique des pages, ne pourrait pas s’effectuer. On sectionne donc ces feuilles, on les partage en cahiers, en cartons[098.1] ou encarts, qui tous nécessairement portent aussi une signature, afin qu’on puisse les classer et assembler, d’où une nouvelle cause de confusion pour la détermination du format. Chaque feuille d’un volume in-12, par exemple (24 pages), au lieu d’être entière, pourra se composer de deux cahiers, l’un in-8 (16 pages) et l’autre in-4 (8 pages), recevant chacun une signature. Chaque feuille d’un volume in-18 (36 pages) pourra se faire en deux cahiers, l’un in-12 (24 pages) et l’autre in-6 (12 pages) ; — ou bien en trois cahiers de 12 pages chacun et ayant tous les trois leur signature propre. Souvent même ces divisions sont encore plus compliquées[099.1]. Ajoutons que la signature d’un carton ou encart est d’ordinaire la même que celle du cahier dans lequel il doit entrer, être encarté ; la seule distinction consiste dans l’addition d’un point au pied du chiffre, indice de cette signature. Ainsi la signature 1. sur un encart indique que cet encart doit entrer dans le cahier signé 1 ; la signature 2., dans le cahier 2 ; la signature 3., dans le cahier 3 ; etc.
Voici le tableau des signatures des vingt premières feuilles pour les principaux formats modernes : on remarquera que les lettres J et U, qui anciennement se confondaient avec l’I et le V, ne figurent pas parmi les signatures[100.1].
Signatures | Folios des pages signées c’est-à-dire folios de la première page de chaque feuille ou de chaque cahier dans les formats |
||||||||||
In-folio (4 pp.) | In-4 (8 pp.) | In-8 (16 pp.) | In-12 (24 pp.) | In-16 (32 pp.) | In-18 (36 pp.) | In-32 (64 pp.) En 4 cahiers (de 16 pp. chacun) |
|||||
En 1 cahier | En 2 cahiers (de 16 et de 8 pp.) | En 1 cahier dit in-16 roulé | En 2 cahiers (de 16 pp. chacun) | En 1 cahier | En 2 cahiers (de 24 et de 12 pp.) | En 3 cahiers (de 12 pp. chacun) | |||||
A ou 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 |
B – 2 | 5 | 9 | 17 | 25 | 17 | 33 | 17 | 37 | 25 | 13 | 17 |
C – 3 | 9 | 17 | 33 | 49 | 25 | 65 | 33 | 73 | 37 | 25 | 33 |
D – 4 | 13 | 25 | 49 | 73 | 41 | 97 | 49 | 109 | 61 | 37 | 49 |
E – 5 | 17 | 33 | 65 | 97 | 49 | 129 | 65 | 145 | 73 | 49 | 65 |
F – 6 | 21 | 41 | 81 | 121 | 65 | 161 | 81 | 181 | 97 | 61 | 81 |
G – 7 | 25 | 49 | 97 | 145 | 73 | 193 | 97 | 217 | 109 | 73 | 97 |
H – 8 | 29 | 57 | 113 | 169 | 89 | 225 | 113 | 253 | 133 | 85 | 113 |
I – 9 | 33 | 65 | 129 | 193 | 97 | 257 | 129 | 289 | 145 | 97 | 129 |
K – 10 | 37 | 73 | 145 | 217 | 113 | 289 | 145 | 325 | 169 | 109 | 145 |
L – 11 | 41 | 81 | 161 | 241 | 121 | 321 | 161 | 361 | 181 | 121 | 161 |
M – 12 | 45 | 89 | 177 | 265 | 137 | 353 | 177 | 397 | 205 | 133 | 177 |
N – 13 | 49 | 97 | 193 | 289 | 145 | 385 | 193 | 433 | 217 | 145 | 193 |
O – 14 | 53 | 105 | 209 | 313 | 161 | 417 | 209 | 469 | 241 | 157 | 209 |
P – 15 | 57 | 113 | 225 | 337 | 169 | 449 | 225 | 505 | 253 | 169 | 225 |
Q – 16 | 61 | 121 | 241 | 361 | 185 | 481 | 241 | 541 | 277 | 181 | 241 |
R – 17 | 65 | 129 | 257 | 385 | 193 | 513 | 257 | 577 | 289 | 193 | 257 |
S – 18 | 69 | 137 | 273 | 409 | 209 | 545 | 273 | 613 | 313 | 205 | 273 |
T – 19 | 73 | 145 | 289 | 433 | 217 | 577 | 289 | 649 | 325 | 217 | 289 |
V – 20 | 77 | 153 | 305 | 457 | 233 | 609 | 305 | 685 | 349 | 229 | 305 |
huit pages serrées dans le châssis.
— G H, I K, L M, N O, biseaux en bois ;
— P, Q, R, S, T, U, V, X, Y, Z, coins en bois ;
— a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k,… garnitures en plomb.
l’un de 24 pages, et l’autre de 12 pages
(avec coupure et encart dedans).
Commencer par plier et couper la feuille suivant la ligne pointillée A B, puis suivant C D, et enfin suivant E F. L’encart signé 2. (qui comprend les pages 29 et 32 de la forme 1 ou « côté de première », et, au verso, les pages 30 et 31 de la forme 2 ou « côté de deux ») se place dans le cahier signé 2 (comprenant les pages 25, 36, etc.). De même l’encart 1. (comprenant les pages 9, 16, 13 et 12 de la forme 1, et les pages correspondantes de la forme 2) se placent dans le cahier 1 (pages 1, 24, 21, 4, etc.).
(avec coupure et encart dedans).
— On remarque que les lignes pointillées C D, G H et I K, et, dans la figure précédente, C D, E F, ne se trouvent pas au milieu du blanc ; c’est parce que ce blanc, selon les règles typographiques, doit être plus large du côté du pied des pages (pages 4, 9, 16, etc.) que du côté des têtes (pages 8, 5, 20, etc.).
⁂
D’après les détails qui précèdent, et que nous aurions pu développer et compléter bien davantage, on voit comme cette question des formats est ardue et compliquée, combien elle est embarrassante. C’est au point que nombre d’éditeurs et de libraires, tantôt par ignorance, tantôt même pour ne pas dérouter le public et l’induire en erreur en lui énonçant la vérité, attribuent à leurs livres d’inexactes désignations de format[106.1].
Les bibliographes modernes ont fréquemment protesté et ne cessent de protester contre ces usages et ces termes surannés. Le docteur Graesel écrit dans son Manuel de bibliothéconomie[106.2] :
« Depuis que, grâce à l’emploi de la machine, on est arrivé à donner au papier des dimensions considérables, les dénominations traditionnelles employées jusqu’ici ont perdu leur raison d’être, une feuille repliée trois ou quatre fois pouvant encore produire un format correspondant, comme dimensions, à ce qu’on appelait jadis un in-folio ; aussi a-ton reconnu partout la nécessité d’adopter, pour déterminer les formats, des règles fixes et invariables, et avec d’autant plus de raison que les papiers varient de grandeur suivant les régions et, dans la même région, suivant les fabriques. Toutefois, les différents pays n’ont pu encore arriver à s’entendre, ce qui serait pourtant très désirable, sur les mesures conventionnelles à adopter…. En France, l’ordonnance ministérielle du 4 mai 1878 a tranché la question en ce qui concerne les bibliothèques universitaires, en établissant les désignations suivantes : 1º Grand format (comprenant tous les volumes dépassant 35 centimètres) ; 2º Moyen format (comprenant les volumes hauts de 25 à 35 centimètres) ; 3º Petit format (comprenant les volumes au-dessous de 25 centimètres). »
Voici, d’ailleurs, le passage textuel de cette circulaire ministérielle à laquelle il vient d’être fait allusion, et à laquelle aussi nous nous référerons souvent :
« Il est inutile de préciser ici les moyens de déterminer chaque format. A l’époque où le papier était fabriqué selon des règles de dimension qui variaient peu, on reconnaissait le format en comptant les pages de la feuille d’impression. Les désignations d’in-folio, in-quarto, in-octavo, représentaient alors une hauteur fixe. Il n’en est plus de même aujourd’hui que les feuilles d’impression sont de dimensions très différentes, et que certains in-octavo deviennent plus grands qu’un in-folio du xvie siècle. L’indication actuelle a donc perdu son ancienne signification, car elle ne répond pas toujours à l’indication de la hauteur du livre ; elle doit être abandonnée pour les désignations suivantes, répondant aux dimensions réelles :
« 1º Grand format (comprenant tous les volumes dépassant 35 centimètres) ;
« 2º Moyen format (comprenant les volumes hauts de 25 à 35 centimètres) ;
« 3º Petit format (comprenant les volumes au-dessous de 25 centimètres)[108.1] ».
M. Léopold Delisle, dans ses Instructions pour la mise et le maintien en ordre des livres d’une bibliothèque[108.2], conseille quatre formats : 1º les atlas ; 2º les in-folio ; 3º les in-quarto ; 4º les in-octavo et formats inférieurs. « Peuvent être attribués à la série des atlas les volumes dont la taille dépasse 52 centimètres ; — à la série des in-folio, ceux dont la taille est comprise entre 31 et 52 centimètres ; — à celle des in-quarto, ceux dont la taille est comprise entre 25 et 31 centimètres ; — et à la dernière série, les volumes dont la hauteur ne dépasse pas 25 centimètres ».
La Bibliothèque nationale, elle, a adopté cinq formats[109.1] :
1º Grand in-folio (comprenant tous les volumes dépassant 45 centimètres) ;
2º In-folio (comprenant tous les volumes hauts de 45 à 31 centimètres) ;
3º In-quarto (comprenant tous les volumes hauts de 31 à 25 centimètres) ;
4º In-octavo (comprenant tous les volumes hauts de 25 centimètres à 95 millimètres) ;
5º Les nains (comprenant tous les volumes au-dessous de 95 millimètres).
Répétons encore une fois, avec le Congrès international des éditeurs réunis à Berne en 1902, qu’il serait extrêmement désirable que les libraires, dans leurs annonces et leurs catalogues, se décidassent à exprimer en centimètres les dimensions des livres, et à supprimer les anciennes désignations de formats de papier[109.2].
⁂
Depuis les débuts de l’imprimerie, les formats les plus appréciés du public semblent avoir été toujours en décroissant.
L’in-folio et l’in-4 étaient, sauf exceptions, les formats des premiers livres, des incunables[110.1], et, malgré les admirables petits in-8 d’Alde Manuce et de Sébastien Gryphe, les savants du xvie siècle tenaient en mépris tous les volumes qui n’avaient pas les plus grandes dimensions[110.2]. On jugeait alors en quelque sorte de la valeur d’un ouvrage d’après son ampleur et sa taille.
Scaliger, au dire du passionné érudit Adrien Baillet (1649-1706), « raille Drusius pour la petitesse de ses livres ; et J. Morel, l’un des plus grands imprimeurs de son temps, se plaignait au savant Puteanus, rival de Juste Lipse, que ses livres étaient trop petits pour la vente, et que les chalands n’en voulaient pas[110.3] ».
Les livres de format inférieur à l’in-4, les in-8 ou in-12, étaient surtout alors des livres de piété, des « livres d’heures ».
Il est juste cependant de reconnaître que l’in-8, dont l’origine est attribuée à Alde Manuce, — l’inventeur de la lettre italique, dite aussi et par suite aldine, qu’une légende affirme avoir été exactement copiée sur l’écriture de Pétrarque[111.1], — avait de toutes parts rencontré bon accueil. « Le public accueillit avec empressement et reconnaissance un format portatif et économique, réunissant presque autant de matière qu’un in-4 ou un in-folio. Ces charmants volumes, que l’on pouvait emporter dans sa poche, à la promenade ou en voyage, ne coûtaient que deux francs et demi, valeur actuelle, et remplaçaient avantageusement les in-folio, qui coûtaient dix fois plus et qu’on ne pouvait lire que sur un pupitre[112.1] ». Un privilège de dix ans fut accordé à Alde, le 13 novembre 1502, par le sénat de Venise, pour lui garantir l’emploi exclusif de ce format. Ce privilège lui fut renouvelé, le 17 décembre de la même année, par le pape Alexandre VI, puis maintenu pour quinze ans par le pape Jules II, en 1513, et confirmé par Léon X, dès la première année de son pontificat, le 28 novembre 1513, « … le tout sous les peines d’excommunication et d’amende de cinq cents ducats d’or envers les contrefacteurs[112.2] », ce qui n’empêcha d’ailleurs pas les imitations et contrefaçons de se produire en grand nombre, en Italie aussi bien qu’en France.
Au xviie siècle, et en dépit du succès des elzeviers, les gros et grands volumes étaient encore les plus appréciés. « Leurs formats et leurs caractères (des elzeviers) étaient trop petits », remarque très justement M. Henri Bouchot[112.3].
Nous voyons au xviiie siècle le format in-4 employé de préférence par les imprimeurs de Hollande, même pour les recueils de poésies, que nous imprimons à présent, au contraire, en volumes de menues et coquettes dimensions, en in-18 ou in-24[113.1].
Mais l’in-8 ne tarda pas à triompher, et il n’est pas de bibliographe de la première moitié du xixe siècle qui ne le prône et ne le recommande. L’érudit et consciencieux Gabriel Peignot notamment insiste maintes fois sur les mérites de l’in-8 :
« Nous citons de préférence les éditions in-8, écrit-il dans son Manuel du bibliophile[113.2], parce que ce format, tenant le milieu entre les plus grands et les plus petits, nous paraît le plus décent, le plus convenable, le plus propre à former une bibliothèque qui présente un aspect régulier ; d’ailleurs, l’in-8 est ordinairement imprimé en caractères assez forts pour ne point fatiguer les vues faibles. »
Et plus loin, vers la fin du même Manuel[114.1] :
« Si un amateur ne voulait posséder qu’une collection choisie de 300 volumes, je lui conseillerais de tâcher de la former entièrement d’ouvrages de même format, et de prendre l’in-8[114.2]. »
Peignot va même jusqu’à souhaiter qu’il n’y eût plus au monde qu’une seule espèce de format[114.3], « je veux dire l’in-8 : il est le plus commode, le plus apparent et le plus décent, si j’ose me servir de ce terme ; il tient le milieu entre l’in-folio et l’in-4, d’une part, et entre l’in-12 et l’in-18 de l’autre ; il les remplacerait avec avantage. Quant aux planches, cartes géographiques, gravures et tableaux imprimés, qui, trop grands ou trop volumineux, ne pourraient entrer dans ce format, on en formerait des atlas de hauteur uniforme. Alors les bibliothécaires n’auraient pas le désagrément de voir deux ouvrages (qui, dans l’ordre bibliographique, doivent se suivre), être séparés par plusieurs rayons, par la seule raison que l’un est in-18 et l’autre in-folio : si tous deux étaient in-8, on les placerait l’un à côté de l’autre ; la classification ne serait pas plus interrompue dans nos bibliothèques que dans nos catalogues les mieux faits, et ces bibliothèques procureraient le coup d’œil le plus agréable. Cependant, » ajoute Peignot, — et voilà déjà les objections et restrictions qui surgissent. — « les ouvrages de pur agrément, tels que romans, poésies, etc., semblent exiger un format plus portatif que l’in-8, ou du moins il serait quelquefois plus commode de les avoir in-18 : réservons donc ce dernier format pour la classe des romans seulement… »[115.1].
Ludovic Lalanne[115.2] patronne également le format in-8, « auquel on revient toujours », déclare-t-il.
Le format employé et vulgarisé, à partir de 1858, par l’éditeur Gervais Charpentier, et connu sous le nom de format Charpentier[115.3] — c’est un in-18 jésus ayant pour dimensions 0,117 × 0,183 — est actuellement le plus répandu, pour les ouvrages de littérature du moins, et il nous paraît tout à fait digne de sa vogue, il mérite toutes nos préférences.
En voici les motifs.
Le malheur veut que la plupart des liseurs assidus, des plus constants amis des livres, deviennent myopes, parfois même longtemps avant la vieillesse. Il leur faut tenir à la main, à proximité de leurs yeux, le volume qu’ils lisent ; si, au lieu de le tenir, ils le posent devant eux sur une table, cela les contraint à pencher la tête, souvent très bas, selon leur degré de myopie : d’où une congestion plus ou moins rapide[116.1]. C’est donc d’ordinaire et presque forcément livre en main qu’ils lisent. D’une façon générale, on pourrait dire, presque poser en principe, — quoique les livres d’autrefois, les livres des Bénédictins, par exemple, fussent, pour la plupart, des in-folio ou des in-4, — que les volumes qu’on ne peut tenir commodément d’une main, les volumes de grand format, ne sont jamais lus ; ils ne sont bons qu’à être feuilletés et consultés. Aujourd’hui les lecteurs, myopes ou non, veulent leurs aises ; ils demandent, ils exigent, que toute gêne et toute fatigue leur soient épargnées. Il est donc indispensable que les livres destinés à être lus, à être relus et savourés, soient légers aux doigts, soient faciles à maintenir près des yeux. Le docteur Émile Javal, le célèbre ophtalmologiste, dont la compétence, dans les questions typographiques, est universellement connue, n’hésite pas à recommander les livres de petit format[117.1]. L’in-18, moins grand que l’in-8, pèse moins que lui, avec un nombre de pages égal et de même pâte de papier, et, par conséquent, fatigue moins la main[117.2].
Considérons, en outre, que nos appartements modernes, dans les grandes villes, à Paris principalement, sont exigus, et que la place nous y est parcimonieusement mesurée : l’in-18 est moins encombrant que l’in-8, et, sous un format plus restreint, contient ou peut contenir autant de matière. Il n’y a souvent que les marges qui diffèrent. Cela est si vrai que plusieurs éditeurs, après avoir fait paraître un ouvrage en in-8, le publient en in-18 sans changer la justification, c’est-à-dire la « longueur des lignes[118.1] », et en se servant de la même composition. Exemple : la maison Calmann Lévy pour nombre de ses volumes : Correspondance de Mérimée, comédies de Dumas fils, d’Émile Augier, etc., œuvres diverses du duc de Broglie, du comte d’Haussonville, etc. Ces volumes sont mis en vente d’abord en in-8 à 7 fr. 50 ; puis, lorsque cette vente est épuisée, les clichés provenant des empreintes[118.2] de ces mêmes volumes in-8 servent à tirer les in-18, cotés 3 fr. 50. Ce système a le triple avantage de contraindre les personnes pressées de lire un de ces volumes à le payer 7 fr. 50 au lieu de 3 fr. 50, d’augmenter de cette différence les bénéfices de l’éditeur, et aussi de permettre aux amateurs de grands papiers de satisfaire leur goût.
D’autres motifs militent encore en faveur du format in-18 et le font de plus en plus préférer à l’in-8[118.3] ; l’in-18, de dimensions moindres que l’in-8, coûte moins cher de reliure ; il se met plus commodément dans la poche ; etc.
Il va sans dire que certains ouvrages d’étendue considérable, comme les encyclopédies et dictionnaires ; d’autres, moins développés que ceux-ci, mais ayant néanmoins des dimensions qui obligeraient à les composer en trop menus caractères, ou à les sectionner en deux volumes, ce qu’on tient parfois expressément à éviter ; d’autres encore, accompagnés d’illustrations ou de planches, de tableaux synoptiques, etc., exigent un format plus grand que l’in-18.
Il va de soi également que nous ne répudions pas les formats qui se rapprochent de très près du format Charpentier, celui, par exemple, de l’ancienne petite collection Lefèvre (0,105 × 0,166), et de l’ancienne « Librairie nouvelle » de Bourdilliat (mêmes dimensions), de la « Nouvelle Bibliothèque classique » de Jouaust (0,113 × 0,18), etc.[119.1].
Quant aux in-32 jésus (0,88 × 0,138), aux in-36, etc., à tous ces volumes qui, d’une façon générale et en termes vulgaires, sont moins longs que la main, ils sont trop peu pratiques, offrent de trop nombreux inconvénients, pour être recommandés.
D’abord l’impression y est très souvent et presque forcément microscopique ; ou bien, si elle est de grosseur moyenne et convenable, le lecteur n’est occupé qu’à tourner les pages. En outre, par suite de cette courte justification, de l’étroitesse des lignes, les règles typographiques y sont fatalement encore et fréquemment enfreintes. Ainsi on est obligé de couper, presque à tout bout de ligne, les mots où il ne faudrait pas, avant une syllabe muette, par exemple : fabri-que, entrepren-dre, notoi-re, etc. ; la place manque pour procéder régulièrement. Ensuite ces petits volumes s’accommodent mal de la reliure : les pages n’ayant pas assez de marge intérieure, de fond, ni assez de jeu, ni assez de poids, ils s’ouvrent mal, quand ils sont reliés : on ne peut quasi plus s’en servir. Les travailleurs, qui, — au risque de scandaliser et d’indigner MM. les bibliophiles et bibliotaphes, — ont parfois besoin d’inscrire quelque annotation sur les marges de leurs livres, ne peuvent le faire avec ces « éditions diamant[120.1] » : ici encore, la place manque. Elles n’ont leur utilité que pour les ouvrages qu’on désire emporter avec soi, les vade-mecum qu’on tient à avoir toujours dans sa poche, afin de les consulter ou de les relire à volonté, tels que certains manuels, guides, indicateurs, etc., ou des chefs-d’œuvre comme les Fables de La Fontaine, les Odes d’Horace, les Satires de Regnier, le Théâtre de Molière ou de Racine, etc.
A ce propos, le sagace bibliographe Mouravit fait, d’après Bollioud-Mermet, dit-il[121.1], la remarque suivante sur le choix des formats et leur parfaite convenance, leur mise en harmonie avec l’ouvrage que le volume renferme : « Les recherches savantes de l’érudition se trouvent à l’aise dans l’in-folio ; la pensée du philosophe, le récit de l’historien, demandent la majestueuse gravité de l’in-quarto ou de l’in-octavo ; le poète, les esprits humoristes, se plaisent dans le charmant in-douze, l’in-dix-huit si coquet, le gracieux in-trente-deux ; un livre de prédilection empruntera les sveltes proportions de ces minces formats[121.2] ».
M. Émile Leclerc résume ainsi, de son côté, l’emploi des formats :
« L’in-plano n’est guère employé que pour les affiches, les placards, les textes destinés à accompagner les planches, les tables chronologiques, les tableaux synoptiques, les imprimés administratifs et autres ouvrages du même genre….
« L’in-folio est réservé pour les impressions de luxe, pour les ouvrages de recherches, que l’on consulte parfois, mais dont on ne se sert pas habituellement.
« L’in-4, très usité autrefois, s’emploie pour les dictionnaires, mémoires, rapports, ouvrages scientifiques et ceux qui contiennent des tableaux ou des opérations exigeant une grande justification.
« L’in-8 joint l’élégance à la beauté ; l’usage en est fort commode, et il figure agréablement dans une bibliothèque. C’est le format préféré des lecteurs en général et des bibliophiles en particulier[122.1]. Il convient à toutes sortes d’ouvrages ; il tient le milieu, pour les dimensions et pour les caractères, entre tous les autres formats ; c’est le type le plus répandu.
« L’in-12 est généralement adopté pour les classiques, les romans et autres ouvrages usuels, qui en rendent l’emploi assez commun….
« L’in-16 s’emploie pour les livres d’instruction et de récréation.
« L’in-18, d’usage fréquent, est surtout le format des romans.
« La double couronne en in-16 remplace le jésus en in-18 ; la grandeur du volume est la même, et l’impression des quarts, demis et trois quarts [de feuille] se fait sans perte de papier[123.1]. »
A la suite de ces divers formats, il convient de mentionner le format fantaisiste oblong (plus large que haut)[123.2], employé surtout pour les albums de dessin. Les livres qui ont reçu cette forme insolite ne se tiennent pas aisément ouverts à la main, à moins d’être repliés plat contre plat, d’où un grand risque de leur casser le dos, et ne peuvent guère être lus que sur une table, ce qui, comme nous l’avons vu, est, pour nombre de lecteur, très incommode. Ils présentent, en outre, ainsi que tous les volumes de formats anormaux et baroques, — format carré (lourd et disgracieux par essence même, l’élégance n’appartenant qu’aux formes élancées, plus hautes que larges), format triangulaire (on a été jusqu’à fabriquer des livres en triangle !), etc., — le grave inconvénient de ne pouvoir se caser facilement sur les tablettes des bibliothèques ; ils jurent avec les autres volumes, les dépassent en hauteur ou en longueur ; on ne sait où fourrer ces petits monstres[214.1].
Une curieuse particularité nous a été signalée par plusieurs libraires : les volumes de grand format, lourds à la main (in-8 et au-dessus), se vendent mieux en été, parce que beaucoup de personnes ont l’habitude de lire au lit, et, durant la chaude saison, peuvent mettre bras et épaules hors des couvertures sans se refroidir.
- Sur ce mot, voir infra, pp. 185 et suiv. ↩
- « Il serait désirable que les mots Nouvelle édition ou Dixième édition fussent exclusivement réservés aux éditions revues, corrigées, augmentées ou remaniées, et que, pour les réimpressions pures et simples, ils fussent remplacés par les mots tirage ou mille ; il serait bon qu’il intervint une entente pour que, dans chaque langue, le terme employé fût le même. » (Vœux émis par le Congrès international des éditeurs, à Berne, en juillet 1902 : Bibliographie de la France, 19 juillet 1902, II, Chronique, p. 122. Voir aussi le même recueil, 2 décembre 1905, II, Chronique, pp. 205-206.) ↩
- D’une enquête, faite récemment par les instituteurs et institutrices de France, et qui se trouve analysée dans la Revue bleue du 16 décembre 1905, pp. 785-786, il résulte que, « d’une façon générale, les poètes sont peu goûtés en France, à l’exception de Lamartine et Hugo. Dans beaucoup de contrées, la poésie cause de l’ennui (Seine-Inférieure, Loire-Inférieure, Loiret), et, dans certains départements, comme la Bretagne et la Corse, la poésie n’est pas comprise du tout. Du reste, la plupart des instituteurs de France, déjà consultés sur les lectures qu’ils faisaient [à leurs élèves], avaient répondu que la prose est partout en faveur, à l’exclusion presque totale de la poésie. » ↩
- Cf. Catalogue de la librairie Hachette, Littérature générale, février 1901, p. 41 : « Histoire de la littérature française…. 5e édition… (Vingt-cinquième mille)… par M. G. Lanson…. » ↩
- Sur les incunables, voir infra, pp. 133 et suiv. ↩
- « Le mot princeps me rappelle une expression naïve d’un bon monsieur Bonnemet, très riche négociant, qui aimait beaucoup les livres, quoiqu’il fût peu instruit ; il s’attachait aux belles éditions et encore plus aux élégantes reliures, mais pour les ouvrages modernes seulement, « car je n’aime pas, disait-il, les éditions princesses ». Aussitôt qu’il achetait un ouvrage moderne, il s’en faisait remettre plusieurs exemplaires en feuilles, sur lesquels il en choisissait un et renvoyait les autres. Il faisait ensuite relier ce livre par Derome le Jeune, puis le serrait dans sa bibliothèque, qu’on ne visitait guère que pour en ôter la poussière ; encore obligeait-il ses domestiques de mettre des gants lorsqu’ils nettoyaient ses livres. Sa bibliothèque, achetée après sa mort par le duc de la Vallière pour 18 000 livres, a été évaluée par l’abbé Rive plus de 24 000 francs, d’après une estimation détaillée et très basse…. » (Gabriel Peignot, Variétés, Notices et Raretés bibliographiques, p. 12, note.) On trouvera, dans cet ouvrage de Gabriel Peignot, pages 57-80, un très intéressant article sur les éditions princeps, dont voici le début : « La qualification de princeps se donne ordinairement aux éditions des classiques que l’on regarde comme les premières, c’est-à-dire aux éditions qui, sans le secours d’aucun livre déjà imprimé, ont été faites sur des manuscrits plus ou moins anciens, antérieurs à la découverte de l’imprimerie. Ces premières éditions, surtout celles qui ont paru avant 1480, sont, pour la plupart, des espèces de calques de ces manuscrits précieux, car les premiers caractères d’imprimerie, soit sculptés, soit coulés, ne pouvant avoir d’autre modèle que la lettre de forme ou la cursive en usage alors, imitaient tellement l’écriture, que l’on regardait et même l’on achetait, dit-on, comme manuscrits, les premiers ouvrages sortis des premières presses. Puisque les éditions primitives, les éditions vraiment princeps, sont une espèce de fac-similé des anciens manuscrits, on doit donc les considérer comme présentant le texte le plus pur des classiques (sauf cependant les fautes des copistes) ; et, sous ce rapport, elles sont, aux yeux des savants, d’une utilité incontestable et d’une valeur inappréciable…. » ↩
- Nous avons vu (t. I, pp. 146-147) que le ministre protestant et passionné bibliophile du xviie siècle David Ancillon recherchait de préférence les premières éditions des livres, « quoiqu’il y eût beaucoup d’apparence qu’on les réimprimerait avec des augmentations et avec des corrections ». (Bayle, Dictionnaire, art. Ancillon, t. II, p. 71.) « Au dire de M. de Sacy (Bulletin du bibliophile, 1868, p. 638), c’est Aimé Martin qui a remis les éditions originales en honneur…. Jules Janin attribue la même initiative à Armand Bertin. » (Gustave Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 434.) ↩
- On appelle feuillet « chaque partie d’une feuille de papier formant deux pages », recto et verso (Littré, op. cit.). La feuille, par conséquent et comme on va le voir, donne toujours un nombre de pages double du chiffre indicatif du format. ↩
- Sur ces termes, voir supra, p. 28. ↩
- Cf. Gabriel Peignot, Manuel du bibliophile, t. II, p. 431. ↩
- « L’usage moderne, que nous adoptons, préfère supprimer l’º dans in-4 et in-8. » (Daupeley-Gouverneur, le Compositeur et le Correcteur typographes, p. 101.) « Lorsque in-4, in-8, in-12, etc., sont abrégés, on ne les fait pas suivre d’un º supérieur. » (Règles typographiques adoptées dans les publications de la librairie Hachette et Cie, p. 51.) Voir aussi Émile Leclerc, Nouveau Manuel complet de typographie, p. 162. ↩
- L’in-24 est un format « assez incertain et qu’on peut confondre avec l’in-32. Pour le déterminer sûrement, il faut voir si la signature [sur la signification de ce terme, voir plus loin, pp. 95-96] se trouve à la page 49 où à la page 65. » (Jules Cousin, De l’organisation et de l’administration des bibliothèques publiques et privées…., p. 97.) Si elle se trouve à la page 49 (48 + 1), le format est in-24, à la page 65 (64 + 1), il est in-32. ↩
- Cela est si vrai que, depuis quelque temps, de fortes maisons d’édition, la maison Hachette, entre autres, ont imaginé d’employer, pour les ouvrages qu’elles font tirer à très grand nombre, des papiers d’un format particulier et de vastes dimensions, dit format drap de lit, dont chaque feuille peut contenir, par exemple, 96 pages in-8 cavalier. Grâce à une imposition spéciale (c’est-à-dire au rangement dans la forme ou châssis des pages composées et prêtes à être tirées, rangement effectué dans un ordre particulier, de façon qu’après l’impression et le pliage ces pages se suivent selon leurs numéros d’ordre), on n’a ensuite qu’à sectionner ces grandes feuilles drap de lit et à procéder au pliage…. on obtient pour chacune d’elles six feuilles in-8 (96 pages = 16 [= 8 × 2] × 6, portant toutes leur respective signature et paraissant avoir toujours été séparées, indépendantes les unes des autres. ↩
- C’est ce que demandent nombre de bibliographes et de libraires, et ce qui se fait sur les fiches dressées selon les règles de la classification décimale (voir infra, t. IV, De la classification bibliographique). Le même vœu, « Application du système métrique à la désignation des formats », a été émis par le Congrès international des éditeurs qui s’est tenu à Berne en juillet 1902. « Le Congrès émet le vœu que, dans toute annonce de librairie et dans les catalogues, l’indication des formats soit toujours accompagnée de celle de la dimension du livre en centimètres ; que le premier chiffre indique la hauteur et le second la largeur du volume non rogné (par exemple : in-4 raisin : 32 × 25 ; in-8 raisin : 25 × 16 ; etc.), et de supprimer par contre les appellations de format de papier. » (Cf. la Bibliographie de la France, 19 juillet 1902, II, Chronique, p. 122 ; et 2 décembre 1905, II, Chronique, p. 205.) On remarquera que la seconde partie de ce vœu, due à une proposition formulée par les éditeurs belges, — l’inscription du chiffre de la hauteur du volume (presque toujours le chiffre le plus fort) avant le chiffre de la largeur (le plus faible), — est en désaccord avec l’usage adopté, que nous avons signalé ci-dessus, page 51, note 1, pour exprimer les dimensions des papiers « de mentionner le plus petit nombre le premier », usage que nous retrouverons dans la suite, notamment lorsque nous traiterons de la Classification décimale bibliographique, dont « l’Office et l’Institut » ont leur siège à Bruxelles même. Il nous faut cependant convenir qu’il semble, en effet, plus logique de mentionner d’abord la hauteur du volume, puisque, généralement, — pour la mise en rayons, par exemple. — la hauteur a plus d’importance que la largeur. ↩
- Barèmes ou Devis de travaux de reliure, Annexe : Tableau des formats en usage dans la librairie française. — Ce tableau, où sont tracées les dimensions de la plupart des formats, offre un bon moyen de déterminer immédiatement le format d’un livre ; il suffit d’appliquer les bords de ce livre sur les lignes délimitatrices du format qui s’y rapporte ; le nom et les dimensions sont inscrits sous l’une de ces lignes. Je dois prévenir néanmoins que les chiffres donnés par M. Émile Bosquet ne sont pas toujours théoriquement exacts. ↩
- Les chiffres de ce tableau sont obtenus de la manière suivante, qui est des plus simples. Il suffit de diviser les dimensions de la feuille de papier (dimensions qui sont inscrites respectivement en tête de chaque colonne) par le nombre des plis de cette feuille dans le format que l’on veut déterminer. Ainsi la feuille colombier ayant pour dimensions 0,63 × 0,90, et la feuille in-folio étant pliée en 2 une seule fois, pour connaître la dimension du format in-folio colombier on divisera par 2 le nombre 0,90, et l’on aura : 0,63 × 0,45, ou, puisque, comme nous l’avons dit, page 51, il est de règle de placer le plus petit nombre le premier : 0,45 × 0,63. La feuille in-4 étant pliée en 2 d’un côté et en 2 de l’autre (4 = 2 × 2). le format in-4 colombier sera de (0,63 : 2 et 0,90 : 2) 0,315 × 0,45. La feuille in-8 étant pliée en 4 d’un côté et en 2 de l’autre (8 = 4 × 2), le format in-8 colombier sera de (0,90 : 4 et 0,63 : 2) 0,225 × 0,315. La feuille in-12 étant pliée en 4 d’un côté et en 3 de l’autre (12 = 4 × 3), le format in-12 colombier sera de (0,63 : 4 et 0,90 : 3) 0,158 × 0,30. Si, par hypothèse, cette feuille in-12 était pliée en 6 d’un côté et en 2 de l’autre, on calculerait de même ces nouvelles dimensions. La feuille in-18 étant pliée en 6 d’un côté et en 3 de l’autre (18 = 6 × 3), on aura pour le format in-18 jésus (0,70 : 6 et 0,55 : 3) 0,117 × 0,183 ; etc. Pour tout ce qui touche les différents modes de pliage des feuilles et le nombre de ces modes, ou, ce qui revient au même, les différentes dispositions des pages dans les châssis selon les formats, c’est-à-dire l’imposition, voir Théotiste Lefevre, Guide pratique du compositeur, t. I, pp. 299-418, où se trouvent de nombreux tableaux graphiques d’impositions. Voir aussi Daruty de Grandpré, Vade-Mecum du bibliothécaire, Instruction raisonnée sur le format des livres, pp. 27-64. — Nous rappelons ce que nous avons dit, page 52 (Tableau des papiers), que le format actuel de la couronne servant aux labeurs (impressions de livres) est un peu plus grand (0,37 × 0,47) que celui de la couronne destinée aux cahiers et registres (0,36 × 0,46). ↩
- Sur ce terme, voir infra, p. 211. n. 2. ↩
- Page 165. ↩
- Auparavant, au lieu, dans ce cas, de doubler les lettres, on les retournait ; au lieu de AA, on avait
; au lieu de BB,
, etc. Ces lettres retournées portaient le nom de lettres verties, et l’ « on prétend que le proverbe : un bon averti (A verti) en vaut deux, tire de là son origine ». (E. Desormes et A. Basile, Dictionnaire des arts graphiques, t. I, p. 271.) ↩
- Cf. Émile Leclerc, op. cit., p. 327. ↩
- Imposer une feuille, c’est, comme nous venons de le voir (p. 91, n. 1), placer dans un châssis les pages de cette feuille, en les disposant de telle sorte que, lorsque ladite feuille est imprimée et pliée, ses pages se suivent dans leur ordre numérique. Au début de l’imprimerie, l’imposition était des plus simples, ou plutôt elle n’existait pas et ne pouvait exister, puisque, par suite des petites dimensions des presses, on ne pouvait tirer à la fois que deux pages in-folio. Les imprimeurs suivaient donc l’exemple des copistes ; ils pliaient en deux un certain nombre de feuilles, 1, 2, 3, par exemple ; la feuille 1 était formée des deux premières pages et des deux dernières (1, 2, 11 et 12) ; la feuille 2, composée des pages 3, 4, 9 et 10, entrait dans la feuille 1 ; et la feuille 3, comprenant les pages 5, 6, 7 et 8, entrait dans la feuille 2. Ce premier cahier portait pour signature, au bas, à droite, la lettre A ; les cahiers suivants recevaient respectivement pour signatures les lettres B, C, D…. En outre, afin d’éviter les confusions et de faciliter le placement des feuilles, les pages étaient, de deux en deux, marquées d’un numéro d’ordre en chiffres romains, placé à côté de la signature. Ainsi la 1re page du premier cahier portait Aj ; la 3e page Aij ; la 5e Aiij ; la 7e Aiiij ou Aiv. On avait de même pour le deuxième cahier ; Bj, Bij, Biij, Biiij ou Biv, etc. Au lieu de chiffres romains, on a employé aussi les chiffres arabes : A, A2, A3, A4, etc. (Cf. Émile Leclerc, op. cit., p. 285 ; et Daruty de Grandpré, op. cit., p. 25. n. 1.) ↩
- Les cartons ou encarts portent quelquefois, dans certains cas, — par exemple, quand ils sont plus longs que larges, et forment une sorte de bande, comme dans l’in-18 en deux cahiers, — le nom de feuilletons. (Cf. id., op. cit., p. 20.) On donne encore le nom de cartons à des feuilles supplémentaires d’impression qu’on est quelquefois obligé de faire, pour remplacer des pages d’un livre qui contiennent soit des erreurs qu’on veut réparer, soit des passages qu’on désire supprimer. Ces feuillets supplémentaires une fois tirés sont cousus ou collés à la place des pages enlevées. Un carton se compose toujours de quatre pages qui se tiennent. Mais on peut n’avoir besoin d’apporter des modifications que dans une seule page, de ne changer qu’une ligne ou qu’un mot : cette page réimprimée (et qui forme un feuillet naturellement, puisqu’elle comprend un recto et un verso), destinée à remplacer la page primitive, s’appelle onglet (cf. Émile Leclerc, op. cit., p. 110), du nom de la mince bande de papier cousue dans le volume et sur laquelle on la colle (cf. infra, pp. 350-351). Enfin, on donne aussi le nom de cartons aux cartes de détail placées dans les angles d’une grande carte géographique. ↩
- Nous ne donnerons (pp. 103 et suiv.) que trois spécimens d’imposition ; celle d’une feuille in-8 : — « l’in-8 est l’unité principale du format ; le sous-multiple est l’in-folio, et les multiples sont l’in-16, l’in-32, l’in-48, l’in-72 et l’in-96 ; c’est l’imposition la plus couramment employée : elle se compose de quatre in-folio encartés » (Émile Leclerc, op. cit., p. 317) ; — et celle d’une feuille in-18, d’abord en deux cahiers séparés, l’un de 24 pages et l’autre de 12 pages (cahiers avec coupure et encart dedans), puis en trois cahiers égaux, c’est-à-dire de 12 pages chacun (avec coupure et encart dedans). Comme on le verra dans la légende (p. 103), le pliage de la feuille in-8 est des plus simples. Quant à celui des deux feuilles in-18 (pp. 104 et 105), il a nécessité des explications, inévitablement compliquées et ardues, que je me suis efforcé de rendre aussi intelligibles que je l’ai pu. Cette question de l’imposition, qu’il m’était impossible de ne pas aborder en parlant du « Format », est d’ailleurs tout à fait spéciale et technique, et elle appartient plutôt à un traité de typographie qu’à une étude d’ensemble comme la nôtre, un guide ou manuel dédié aux amis des livres. Pour plus de développements sur ce point, nous renverrons donc aux ouvrages de Théotiste Lefevre, de Daupeley-Gouverneur, de Desormes, d’Émile Leclerc, d’Henri Fournier, etc. Rien que pour le format in-18, Théotiste Lefevre (op. cit., t. I, pp. 374-384) indique treize modes différents d’imposition ; M. Émile Leclerc (op. cit., pp. 327 et suiv.) en donne sept : 1º en 1 cahier sans coupure ; 2º en 1 cahier avec coupure en longueur ; 3º en 1 cahier avec coupure en largeur ; 4º en 2 cahiers, chacun sans coupure ; 5º en 2 cahiers avec coupure et carton dedans ; 6º en 3 cahiers, chacun sans coupure ; 7º en 3 cahiers avec coupure et carton dedans. ↩
- Comme nous le verrons plus loin (p. 138), les majuscules J et U furent créées seulement en 1619, et cette création est due à l’imprimeur Lazare Zetner, de Strasbourg. ↩
- Un exemple entre mille et mille : H. de Balzac, le Médecin de campagne ; Paris, Librairie nouvelle, 1858. Au dos de la couverture, ce volume — ainsi que tous ceux de la « Bibliothèque nouvelle » dont il fait partie — est annoncé comme étant du format in-18, et il suffit de l’ouvrir à la page 17 (qui porte la signature 2), à la page 33 (qui porte la signature 3), etc., pour constater qu’il est de format in-16. ↩
- Page 197. ↩
- Instruction générale relative au service des bibliothèques universitaires, ap. Albert Maire, op. cit., p. 433. ↩
- Léopold Delisle, Instructions élémentaires et techniques pour la mise et le maintien en ordre des livres d’une bibliothèque, p. 13. ↩
- Renseignement fourni par mon confrère et ami Schalck de la Faverie, bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, dont j’ai fréquemment mis à contribution, dans mes travaux bibliographiques, la compétence et l’obligeance. Je le prie de recevoir ici l’expression de mes affectueux remerciements. ↩
- Voir supra, p. 92, notes ; et la Bibliographie de la France, 19 juillet 1902, II, Chronique, pp. 121-122. ↩
- « Au début de l’imprimerie, les formats employés étaient généralement l’in-folio et l’in-quarto, et certains auteurs ont supposé qu’aucun livre, avant 1480, n’avait été imprimé sous un format plus petit. » (Trad. de l’Encyclopædia britannica, t. III, p. 652, col. 1.) Néanmoins Gabriel Peignot, dans son Dictionnaire raisonné de bibliologie, art. Format, mentionne des éditions des plus petits formats antérieures à 1480 ; mais on peut considérer ces « petits livres » comme des exceptions. ↩
- Cf. Ludovic Lalanne, Curiosités bibliographiques, p. 293. Nous avons vu de même (t. II, p. 257) le bibliomane Antoine-Marie-Henri Boulard, à ses débuts surtout, collectionner de préférence des in-4 et des in-folio, « les beaux formats », et dédaigner les in-8, in-12, etc. ↩
- Id., op. cit., p. 293. Ludovic Lalanne donne bien, en cet endroit, « J. Morel » ; mais, comme l’imprimeur Jean Morel (mort à vingt et un ans : 1538-1559), que l’initiale J. semble désigner, n’a pas été, tant s’en faut, « l’un des plus grands imprimeurs de son temps » (il était bien inférieur en réputation à son frère Guillaume Morel), nous pensons qu’il faut lire Jean Moret (et non Morel), imprimeur et savant du xvie siècle, qui habitait Anvers, avait épousé la seconde fille de Plantin, à qui il succéda, et qui était l’ami de Juste Lipse : cf. Gabriel Peignot, Dictionnaire raisonné de bibliologie, art. Moret (Jean). ↩
- Cf. Henri Bouchot, le Livre, l’Illustration, la Reliure, p. 110, qui ajoute que ces caractères avaient été gravés par François de Bologne. Dans ces derniers temps, on a même fait de ce graveur l’inventeur de la lettre italique, à l’exclusion d’Alde Manuce : « M. Th. Baudoire, l’érudit fondeur en caractères, a prouvé, par des documents incontestables, que la paternité de ce type (l’italique) appartient à François de Bologne ». (Émile Javal, Physiologie de la lecture et de l’écriture, p. 20, n. 2.) ↩
- Ambroise Firmin-Didot, Essai sur la typographie, col. 644. ↩
- G.-A. Crapelet, Études pratiques et littéraires sur la typographie, pp. 65 et suiv. Cf. aussi Ambroise Firmin-Didot, op. cit., ibid. ↩
- Op. cit., p. 170. ↩
- Ludovic Lalanne, op. cit., p. 293. Sur l’influence des livres de petit format, des « livres portatifs » et à bon marché, bien supérieure à celle des coûteux in-folio, Voltaire écrit : « L’inquisition sur les livres est sévère : on me mande que les souscripteurs n’ont point encore le Dictionnaire encyclopédique…. Je voudrais bien savoir quel mal peut faire un livre qui coûte cent écus. Jamais vingt volumes in-folio ne feront de révolution ; ce sont les petits livres portatifs à trente sous qui sont à craindre. Si l’Évangile avait coûté douze cents sesterces, jamais la religion chrétienne ne se serait établie. » (Voltaire, lettre à d’Alembert, 5 avril 1765 : Œuvres complètes, t. VI, p. 720 ; Paris, édit. Du journal le Siècle, 1869.) Cf. aussi P.-L. Courier, Pamphlet des pamphlets : Œuvres, pp. 237 et s. (Paris, Didot, 1865 ; in-18.) ↩
- Tome II, p. 130. ↩
- Tome II, p. 421. ↩
- Constantin est moins exclusif : « Celui, écrit-il, qui veut se former une bibliothèque de quelques centaines de volumes seulement fera bien de les prendre tous du même format. Une pareille collection, d’une reliure de bon goût, et renfermée dans un corps de bibliothèque élégant, fait un très joli objet d’ameublement, et est d’un usage commode. Il n’est pas difficile de trouver dans la librairie un bon choix d’ouvrages de 300 à 800 volumes imprimés d’une manière uniforme, in-8, in-12 ou in-18. » (Bibliothéconomie, p. 48.) ↩
- Un seul format ! Un beau rêve, que tout collectionneur de livres a souvent dû faire, — mais rien qu’un rêve, hélas ! ↩
- Gabriel Peignot, Manuel bibliographique, p. 62. ↩
- Op. cit., p. 294. ↩
- Cf. Edmond Werdet, De la librairie française, p. 177. ↩
- De même, pour bien lire à haute voix, sans fatigue, il faut approcher le livre de ses yeux, et non se pencher sur lui, ce qui gêne certains muscles pectoraux et entrave la respiration : cf. Ernest Legouvé, la Lecture en action, p. 34. ↩
- « … Ceci nous amène à donner la préférence aux petits volumes, qu’on peut tenir à la main…. » (Émile Javal, op. cit., p. 187.) ↩
- Afin de lire plus à l’aise les ouvrages de grand format, certains lecteurs n’hésitent pas à les découdre et à les lire ainsi cahier par cahier. Au lieu de faire relier leurs périodiques, — presque toujours de format in-4 ou au-dessus — et d’avoir à consulter et à manier de lourds et énormes volumes, ces mêmes lecteurs renferment respectivement par années, par semestres ou trimestres, les fascicules de ces publications sous une couverture de carton, avec titre au dos, et imitant la reliure. Bien entendu, ce moyen ne peut être employé que pour une bibliothèque privée ; dans un établissement public, ces fascicules, non cousus ensemble, risqueraient trop de s’égarer. Nous avons vu, dans notre tome II, page 182, le critique Jules Levallois se déclarer, lui aussi, ennemi du grand format » (cf. l’Année d’un ermite, le Calendrier des livres, p. 33), et il n’est guère de liseurs et de travailleurs qui ne partagent et ne proclament cette très légitime antipathie. M. Gustave Mouravit, d’autre part, constate que Napoléon avait « une prédilection marquée pour les petits formats, plus maniables, plus facilement transportables, plus aisément compagnons d’une existence mouvementée et dispersée…. Quand il projeta de former une bibliothèque modèle, pour ses campagnes militaires, il prescrivit, sans hésitation, de sacrifier les marges des volumes au besoin de posséder une collection nombreuse et selon ses vues, mais aussi peu envahissante que possible. » (Napoléon bibliophile, pp. 50-51 ; Paris, Blaizot, 1905.) ↩
- Eugène Mouton, dans l’Art d’écrire un livre (p. 336), préconise aussi le format in-18 ou les formats qui se rapprochent de celui-là : « Les proportions esthétiques pour un livre sont 2 × 3, c’est-à-dire largeur égale aux deux tiers de la hauteur. (Protat.) Les formats moyens, in-12, in-16, in-18, et c’est là leur grand mérite, s’ajustent à tous les genres, parce qu’ils sont légers, faciles à feuilleter, et que la justification en est assez abondante pour qu’on n’y ait pas à tourner la page trop souvent. » ↩
- Ainsi nommées par analogie avec le caractère minuscule dit diamant ou sanspareille. Cf. infra, p. 166, et supra, p. 64. ↩
- Cf. Bollioud-Mermet, De la bibliomanie, pp. 48-49. Cette référence est indiquée par M. Gustave Mouravit ; mais il est à noter que le texte de l’opuscule de Bollioud-Mermet, en cet endroit ou ailleurs, ne se rapproche que bien vaguement de la remarque et des excellentes considérations sur le choix et la convenance des formats, formulées par l’auteur du Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur. ↩
- Gustave Mouravit, op. cit., pp. 196-197. ↩
- Cf. supra, pp. 113 et suiv., les appréciations que nous avons citées à propos de l’in-8, et les motifs qui nous font préférer l’in-18. ↩
- Émile Leclerc, op. cit., p. 288. — Nous avons déjà noté (p. 93) que certains in-12, in-16 et in-18 ont les mêmes dimensions, et peuvent être considérés comme « synonymes ». Inutile de faire observer que, dans les deux citations précédentes de MM. Gustave Mouravit et Émile Leclerc, les formats mentionnés manquent de précision, qu’il eût été bon de dire de quel in-4, de quel in-8, in-12, in-16, etc., il s’agit, puisqu’un in-4 peut être plus petit qu’un in-8 (in-4 écu < in-8 colombier), un in-8 plus petit qu’un in-12, etc. (voir supra, pp. 92-93, et le tableau de la page 94). Mais, encore une fois, l’usage est fréquent de désigner les formats par le nombre seul des plis de la feuille, sans faire connaître les dimensions de cette feuille, la sorte de papier employée : jésus, raisin, colombier, etc., et de ne donner ainsi de ces formats qu’une idée approximative. ↩
- Le format oblong, format d’album, est aussi désigné sous le nom de format à l’italienne. (Cf. Émile Javal, le Mécanisme de l’écriture : Revue scientifique, 21 mai 1881, p. 652.) ↩
- Les libraires ne savent non plus comment les placer et les aligner dans leurs étalages. « Ils gênent, me disait l’un d’eux, tous les autres volumes : aussi je n’expose jamais les livres de format non régulier ; je les laisse dans un coin pour les retourner à l’éditeur en temps voulu. » ↩
Publié le 22 oct. 1906 par Albert Cim