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Le Livre, tome III, p. 125-139

Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 125.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 125 [139]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 126.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 126 [140]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 127.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 127 [141]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 128.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 128 [142]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 129.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 129 [143]. Source : Internet Archive.

III. L’Impression

L’imprimerie « mûre en naissant » ; sa glorification. — Incunables : leurs caractères distinctifs. Création ou apparition des lettres j et v, des points sur les i, des virgules et autres signes de ponctuation. — Marques des anciens imprimeurs. — « Ménagez vos yeux » : pas de livres imprimés en caractères trop fins. — Le point typographique. Œil d’une lettre ; corps ; hauteur en papier ; talus ; approche ; queue ; pleins ; déliés ; obit ou apex, empattement ; espaces ; cadrats ; cadratins ; demi-cadratins ; garnitures ou lingots, etc. — Anciens noms des caractères d’imprimerie avec leur force de corps. — Caractères : romain (romain Didot, Raçon, Plon, Grasset, etc. ; caractères distinctifs de l’Imprimerie nationale) ; elzevier, italique. — Caractères de fantaisie : allongée, alsacienne, antique, classique, égyptienne, italienne, latine, normande, etc. — Casse. — Police des lettres. — Encre d’imprimerie. — Empreintes. Clichage et stéréotypie. Procédé anastatique. — Machine à composer : linotype, électrotypographe, etc. — Avilissement de la librairie. — La correction typographique. — Plus de correcteurs. — Aucun livre sans faute. — Millésime. — Foliotage. — Aberrations typographiques. Modern style. — Index alphabétique. Table des matières. — Rapports de la typographie avec les facultés visuelles : pas de caractères inférieurs au « huit » ; pas de lignes trop longues ; interlignage. Encore une fois : « Gare à vos yeux ! »

L’imprimerie, cette invention qui, selon le mot de Louis XII, « semble estre plus divine que humaine[125.1] »,

[III.139.125]
  1.  Déclaration du 9 avril 1513. Cf. G.-A. Crapelet, Études pratiques et littéraires sur la typographie, p. 28, qui constate encore (p. 2) que « l’art typographique…, cette admirable invention était regardée comme l’œuvre de la divinité même, » et (p. ij) que, « dès ses premières œuvres, l’imprimerie fut divinisée ». « Typographia, Deorum manus et munus, imo ipsa, cum mortuos in vitam revocet, omnino diva est. » (Casp. Klock, De Ærario, I, xix, 43, ap. G.-A. Crapelet, op. cit., p. ij, n. 1.) « Dès 1460, dit M. Gustave Mouravit (le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 160, n. 1), Jean Temporarius écrivait de sa main, sur un exemplaire du De Officiis de Fust et Schoeffer (Metz, 1456) : « Typographia donum Dei præstantissimum. » Le Bulletin du bibliophile (9e série, p. 237) a reproduit tout entière cette note fort curieuse. On peut en rapprocher ces vers de Claude-Louis Thiboust, le poète typographe du xviiie siècle :
    •  Hæc ars fata domat, mentes hæc luce serenat,
      Doctorum hæc merito gloria et orbis amor ;

     distique qui a été ainsi traduit par Charles Thiboust, fils de Claude-Louis :

    •  Cet art ingénieux sait braver le destin ;
      Par son secours l’esprit en devient plus divin ;
      Il conduit les savants au Temple de Mémoire ;
      Il fait de l’univers et l’amour et la gloire.

     (Typographiæ excellentia, pp. 20 et 21 ; Paris, 1734, in-8.) Voir aussi l’éloge de l’imprimerie, « invention divine », ap. Ambroise Firmin-Didot, Essai sur la typographie, col. 568, 569, 570, 571, 602, 634, 750, 827, 879, 888, 904. Joachim du Bellay (1524-1560) appelait « excellemment » l’imprimerie « sœur des Muses » et aussi dixième Muse ». (Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. XIII, p. 308.) Étienne Pasquier (1529-1615), dans ses Recherches de la France (chap. xx et lxvi ; t. I, p. 136, et t. II, p. 205 ; Paris, Didot, 1849), fait également grand éloge de l’imprimerie, « qui baille vie aux bonnes lettres ». Louis XIV déclare, dans un édit de 1649, « l’imprimerie le plus beau et le plus utile de tous les arts ». (Cf. Ambroise Firmin-Didot, op. cit., col. 827.) En tête de son Manuel typographique (t. I, p. iv). Fournier le Jeune a inscrit — et modifié comme il suit — les vers bien connus de la Pharsale de Brébeuf :

    •  C’est de Dieu que nous vient cet art ingénieux
      De peindre la parole et de parler aux yeux.

     Plus loin (t. I, p. vij), il dit que l’imprimerie est « regardée à juste titre comme un présent du ciel ». Et Victor Hugo (Notre-Dame de Paris, livre V, chap. ii ; t. I, p. 216 ; Paris, Hachette, 1860) : « L’invention de l’imprimerie est le plus grand événement de l’histoire. C’est la révolution-mère. C’est le mode d’expression de l’humanité qui se renouvelle totalement…. Sous la forme imprimerie, la pensée est plus impérissable que jamais ; » etc. (Cf. notre tome I, p. 109, où, après cette déclaration de Victor Hugo, se trouve une importante remarque de Michelet.) « Dans les divers pays où l’imprimerie est introduite, on peut juger, dès son origine, de l’état de la civilisation de chacun d’eux par la nature des ouvrages qu’elle publie, et l’histoire de l’esprit humain est inscrite tout entière dans ta bibliographie. » (Ambroise Firmin-Didot, op. cit., col. 736.) De nombreux poèmes ont été consacrés à la glorification de l’imprimerie. Nous citions, il y a un instant, le poème latin de Claude-Louis Thiboust (1667-1737), Typographiæ excellentia, qui a été composé et imprimé par lui en 1718, et dont les trois courtes sections ont respectivement pour titre : Liquator (le Fondeur), Compositor (le Compositeur), Typographus (l’Imprimeur) ; il donne une idée exacte de ce que l’imprimerie était alors. On trouvera ces vers (moins le distique que nous avons reproduit tout à l’heure, et qui termine ce petit poème) dans l’Essai sur la typographie d’Ambroise Firmin-Didot (col. 899 et s.), avec la traduction qu’en a faite, et publiée en 1754, le fils de l’auteur, Charles Thiboust. Dans ce même ouvrage (col. 846), on trouvera aussi un fragment d’une Épitre sur le progrès de l’imprimerie, par Didot fils aîné [Pierre Didot], publiée en 1784, et qu’il a « adressée à son père ». Rappelons qu’Ernest Legouvé (1807-1903), le fils du chantre du Mérite des Femmes, a débuté par une pièce de vers sur l’Invention de l’imprimerie, qui obtint le prix de poésie à l’Académie française en 1829 (cf. Ernest Legouvé, Soixante ans de souvenirs, t. I, p. 62) ; et qu’à cette même date, Hégésippe Moreau (1810-1838), futur typographe, composa une épître Sur l’imprimerie, dédiée à M. Firmin-Didot. Il est même probable que cette épitre fut, sinon présentée, du moins originairement destinée au susdit concours académique, où, parmi les concurrents, figurèrent : L. Pelletier, dont le poème (bien mauvais, mais accompagné de notes intéressantes), parut en 1832, sous le titre la Typographie (cf. p. 200) ; « Bignan, le lauréat perpétuel de l’Académie française ; Mme Tastu, presque célèbre ; Saintine, qui avait résumé le sujet par cette heureuse comparaison :

    •  Voilà donc le levier
      Qu’Archimède implorait pour soulever le monde ! »

     (René Vallery-Radot, Œuvres complètes de Hégésippe Moreau, Introduction, t. I, pp. 24-25.) Citons encore le drame en cinq actes et en vers d’Édouard Fournier (1819-1880), Gutenberg, représenté à l’Odéon, le 8 avril 1869. En opposition et comme contre-partie, signalons la célèbre tirade de Jean-Jacques Rousseau, dans son Discours : Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs (Œuvres complètes, t. I, p. 18 ; Paris, Hachette, 1862) : « Le paganisme, livré à tous les égarements de la raison humaine, a-t-il laissé à la postérité rien qu’on puisse comparer aux monuments honteux que lui a préparés l’imprimerie, sous le règne de l’Évangile ? Les écrits impies des Leucippe et des Diagoras sont péris avec eux ; on n’avait point encore inventé l’art d’éterniser les extravagances de l’esprit humain ; mais, grâce aux caractères typographiques…. A considérer les désordres affreux que l’imprimerie a déjà causée en Europe, à juger de l’avenir par le progrès que le mal fait d’un jour à l’autre, on peut prévoir aisément que les souverains ne tarderont pas à se donner autant de soins pour bannir cet art terrible de leurs États, qu’ils en ont pris pour l’y introduire…. » La prévision ou prédiction ne s’est guère réalisée ; on pourrait même presque dire que c’est l’inverse qui s’est produit, que c’est l’imprimerie, « cet art terrible », qui a « banni », ou est en train de bannir, les souverains de leurs États, et d’implanter partout la démocratie. Citons encore, dans le même ordre d’idées, le mot du comte de Salaberry (1766-1847), député de Loir-et-Cher sous la Restauration, et si fameux alors par son esprit rétrograde, son royalisme exalté et son intolérance : « L’imprimerie est la seule plaie dont Moïse ait oublié de frapper l’Égypte ». (Cf. Charles de Rémusat, Correspondance, t. I, p. 375, note ; et Larousse, op. cit. ↩

Le Livre, tome III, p. 121-135

Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 121.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 121 [135]. Source : Internet Archive.

avoir toujours dans sa poche, afin de les consulter ou de les relire à volonté, tels que certains manuels, guides, indicateurs, etc., ou des chefs-d’œuvre comme les Fables de La Fontaine, les Odes d’Horace, les Satires de Regnier, le Théâtre de Molière ou de Racine, etc.

A ce propos, le sagace bibliographe Mouravit fait, d’après Bollioud-Mermet, dit-il[121.1], la remarque suivante sur le choix des formats et leur parfaite convenance, leur mise en harmonie avec l’ouvrage que le volume renferme : « Les recherches savantes de l’érudition se trouvent à l’aise dans l’in-folio ; la pensée du philosophe, le récit de l’historien, demandent la majestueuse gravité de l’in-quarto ou de l’in-octavo ; le poète, les esprits humoristes, se plaisent dans le charmant in-douze, l’in-dix-huit si coquet, le gracieux in-trente-deux ; un livre de prédilection empruntera les sveltes proportions de ces minces formats[121.2] ».

M. Émile Leclerc résume ainsi, de son côté, l’emploi des formats :

« L’in-plano n’est guère employé que pour les

[III.135.121]
  1.  Cf. Bollioud-Mermet, De la bibliomanie, pp. 48-49. Cette référence est indiquée par M. Gustave Mouravit ; mais il est à noter que le texte de l’opuscule de Bollioud-Mermet, en cet endroit ou ailleurs, ne se rapproche que bien vaguement de la remarque et des excellentes considérations sur le choix et la convenance des formats, formulées par l’auteur du Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur ↩
  2.  Gustave Mouravit, op. cit., pp. 196-197.  ↩

Le Livre, tome III, p. 087-101

Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 87.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 87 [101]. Source : Internet Archive.

pour les auteurs modernes, on se sert du terme édition originale[087.1].

Une édition est dite définitive ou ne varietur quand le texte en a été revu par l’auteur ou par ses ayants droit, et déclaré par eux désormais arrêté et invariable.

Ces définitions terminées, revenons au format.

De ce que nous avons dit de la fabrication actuelle du papier, fabrication mécanique sur la toile sans fin, et non plus uniquement à la forme, il résulte que les papiers d’aujourd’hui n’ont plus de dimensions régulièrement et fixement délimitées. Il convient d’observer aussi tout d’abord que ces expres-

[III.101.087]
  1.  Nous avons vu (t. I, pp. 146-147) que le ministre protestant et passionné bibliophile du xviie siècle David Ancillon recherchait de préférence les premières éditions des livres, « quoiqu’il y eût beaucoup d’apparence qu’on les réimprimerait avec des augmentations et avec des corrections ». (Bayle, Dictionnaire, art. Ancillon, t. II, p. 71.) « Au dire de M. de Sacy (Bulletin du bibliophile, 1868, p. 638), c’est Aimé Martin qui a remis les éditions originales en honneur…. Jules Janin attribue la même initiative à Armand Bertin. » (Gustave Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 434.)  ↩

Le Livre, tome III, p. 018-032

Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 18.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 18 [032]. Source : Internet Archive.

sont, ce qu’on nomme en langage technique, « des succédanés du chiffon » ; mais le chiffon reste, avec la ramie, le meilleur des producteurs du papier ; c’est le chiffon principalement qui engendre les papiers de luxe, tout papier vraiment beau et vraiment bon.

Les papiers provenant du bois ont l’inconvénient de s’altérer et de se jaunir dans un laps de temps plus ou moins court ; ils offrent moins de solidité et de résistance que les papiers de chiffon, et ils reçoivent aussi moins bien qu’eux l’impression, sont moins « amoureux de l’encre ».

L’essentiel, comme l’a très bien déclaré Edmond Werdet, dans son Histoire du livre en France[018.1], ne serait donc pas « de faire du papier avec telle ou telle matière, mais d’en créer de pareil à celui de chiffon pour la couleur, la bonté, et à meilleur compte » ; or, c’est ce qui n’est pas encore arrivé.

De cette supériorité du papier de chiffon, il résulte que, en thèse générale, les livres d’autrefois, — les livres de condition moyenne, livres ordinaires et à bon marché ; je laisse de côté les ouvrages de luxe, — valent mieux, matériellement parlant, que les livres ordinaires et à bon marché d’au­jourd’hui[018.2].

[III.032.018]
  1.  Tome I, page 52.  ↩
  2.  « … Les feuillets sortis de leurs presses (des anciens imprimeurs) se montrent tout brillants de jeunesse, à côté de nos impressions ternes, à demi éclipsées sur les pages jaunies de nos livres nés d’hier. » (Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 191.) Cf. infra, pp. 72-73, notes.  ↩

Le Livre, tome II, p. 329-345

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 329.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 329 [345]. Source : Internet Archive.

écrit : « L’amour des livres n’est estimable que dans a deux cas : lorsqu’on sait les estimer ce qu’ils valent et qu’on les lit pour profiter de ce qu’ils peuvent renfermer ; lorsqu’on les possède pour les communiquer[329.1]. »

« … Dans tous les cas, conclut M. Mouravit, c’est un véritable devoir pour le bibliophile d’ouvrir généreusement sa bibliothèque, qui doit lui être surtout chère par ce motif que « sa propre satisfaction s’y trouve avec celle de beaucoup d’autres : bonum quo communius eo melius[329.2] ».

Et plus loin[329.3], M. Mouravit cite divers exemples empruntés à l’antiquité : « Lucullus en fit (de ses livres) un usage plus honorable encore que leur acquisition, en ouvrant sa bibliothèque au public ; on s’y rendait comme dans un sanctuaire des Muses[329.4] ». Et, au temps d’Auguste, alors que les

[II.345.329]
  1.  D’Alembert, Encyclopédie, t. II, p. 22 ; ap. Mouravit, op. cit., p. 255.  ↩
  2.  « La Mothe-Le Vayer, qui ne nomme pas l’auteur de ce mot, cite un peu inexactement : Bonum quo communius est, eo est divinius, avait dit Possevin…. Sur quoi Le Vayer ajoute : « Et véritablement si nous louons la charité de quelques [bonnes] personnes qui font provision et distribuent… des remèdes à beaucoup d’infirmités corporelles, quelle estime ne devons-nous point faire de ceux qui ont de si belles boutiques et si bien garnies de sûrs et véritables remèdes contre toutes les maladies de l’esprit ? » (Œuvres, 1662, t. II, p. 454 ; [ou 1684, t. X. p. 107] ; ap. Mouravit, op. cit., pp. 256-257, note.)  ↩
  3.  Pages 268-269.  ↩
  4.  Plutarque, Vie de Lucullus : cf. supra, t. I, p. 9, n. 2.  ↩

Le Livre, tome II, p. 328-344

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 328.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 328 [344]. Source : Internet Archive.

de référence accidentelle et momentanée, mais de ceux qu’on lit entièrement et qui méritent d’être relus.

Et ces livres donc, vos livres, les prêterez-vous ?

Voyons les arguments et les exemples présentés par les « prêteurs » et les « non prêteurs », et écoutons, dès le début, le maître bibliophile Gustave Mouravit, qui met en avant, pour soutenir sa cause, — le prêt, — les considérations les plus élevées et les plus éloquentes, les plus nobles motifs :

« Il ne suffit pas à la bibliophilie de nous défendre contre les productions inutiles ou malsaines, écrit-il[328.1], de maintenir dans toute leur pureté les traditions de la littérature et du goût, de provoquer, de hâter même les progrès de la science et des lettres ; c’est à elle qu’il appartient de vulgariser, de répandre le culte des choses de l’esprit en se faisant communicative, en ouvrant généreusement ses trésors à ceux qui n’en sont pas ou qui en sont moins favorisés.

« Un des plus grands hommes du dernier siècle a

[II.344.328]
  1.  Le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 254 et s.  ↩

Le Livre, tome II, p. 296-312

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 296.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 296 [312]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 297.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 297 [313]. Source : Internet Archive.

plus présentable aux yeux d’un véritable bibliophile[296.1]. »

La mode des papillotes est, je crois, un peu passée ; mais, alors qu’elle florissait, les livres en voyaient de belles et en essuyaient de cruelles avec ces dames !

« Nous avons en main un bel ouvrage où l’on avait coupé de quoi se faire des papillotes, écrit Alkan aîné[296.2]. Les femmes surtout sont les bourreaux des livres. (Il y a bien quelques exceptions.) »

Oui, certes, il y en a, et de plus en plus[296.3] ; mais continuons notre citation :

[II.312.296]
  1.  Le Magasin pittoresque, 1875, p. 262, les Ennemis des livres.  ↩
  2.  Les livres et leurs ennemis, p. 15.  ↩
  3.  Il n’y a, en effet, rien d’absolu ici-bas, et il convient de rappeler, comme correctif et exemples de femmes bibliophiles, les noms d’Isabeau de Bavière, d’Anne de Bretagne, de Catherine de Médicis, de la marquise de Pompadour, de la comtesse de Verrue (la dame de Volupté), de la vicomtesse de Noailles, des duchesses de Raguse et de Mouchy, de Mlle Dosne, de Mlle Marie Pellechet surtout, à qui ses importants travaux sur les incunables ont valu le titre (qu’aucune femme avant elle n’avait porté) de bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque nationale ; etc. (Cf. Mouravit, op. cit., pp. 43-45 et 378 ; Mémorial de la librairie française, 4 juillet 1901, p. 395 ; et surtout Ernest Quentin-Bauchart, les Femmes bibliophiles de France ; Paris, Morgand, 1886 ; 2 vol. in-8.) Le baron Ernouf a même revendiqué, il y a quelque quarante ans, pour une vierge et martyre du xe siècle, le glorieux titre de « patronne des bibliophiles ». Il a placé tous les amis des livres sous la protection de sainte Wiborade (Weibrath, femme sage et de bon conseil), qui, issue d’une riche et puissante famille de la Souabe, se retira dans une cellule voisine du monastère de Saint-Gall, et s’occupa à broder et orner les étoffes destinées à couvrir les nombreux et somptueux manuscrits que possédait ce monastère. Une horde de barbares et de païens, des Hongrois, ayant envahi le pays, la noble recluse courut chez les moines en poussant ce cri, qui remplissait d’enthousiasme le baron biographe, et mérite encore la reconnaissance de tous les bibliophiles : « Sauvez d’abord les livres ! Cachez-les ! Vous vous occuperez ensuite de mettre à l’abri les vases sacrés ! » Est-ce cette préférence qui lui valut un si prompt châtiment, — ou une si soudaine récompense céleste ? Tant il y a que, les barbares partis, Wiborade fut trouvée morte dans sa cellule, la tête fracassée par trois coups de hache, et baignant dans son sang. (Cf. Bulletin du bibliophile, 14e série, 1860, pp. 1429-1446, article du baron Ernouf, intitulé : Une Martyre bibliophile.) On pourrait ajouter encore ici le nom d’une célèbre abbesse du xiie siècle, Herrade de Landsperg ou Landsberg (….-1195), qui composa et calligraphia de sa propre main l’Hortus deliciarum, sorte d’encyclopédie abrégée des connaissances humaines au point de vue religieux, admirable manuscrit de 648 feuillets, orné d’un grand nombre de dessins et de figures coloriées, qui se trouvait dans la bibliothèque de Strasbourg et a péri, en 1870, durant l’incendie allumé par les obus prussiens. (Cf. P. Louisy, le Livre et les Arts qui s’y rattachent, p. 56 ; Michaud, op. cit. ; Larousse, op. cit. ↩

Le Livre, tome II, p. 262-278

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 262.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 262 [278]. Source : Internet Archive.

mentionne deux autres bibliothèques factices, celle d’Eugène Scribe (1791-1861), l’auteur dramatique, et celle du roi de Naples Ferdinand IV (1751-1825), époux de la fameuse Marie-Caroline, chez qui « on vit une collection rivale de celle de Turgot ; mais le monarque y mit moins de malice, et voici ce qu’on lit, à ce propos, dans la Revue germanique (juin 1862, page 377) : « J’avisai, dans la chambre à coucher du feu roi, une fort belle bibliothèque fermée par des portes vitrées, et je voulus y prendre un livre. Elle contenait la fleur de la littérature italienne…. Ces livres que j’avais admirés étaient des morceaux de bois figurant des volumes et portant au dos le titre des ouvrages qu’ils représentaient[262.1]. »

[II.278.262]
  1.  Ap. Mouravit, op. cit., p. 389.  ↩

Le Livre, tome II, p. 261-277

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 261.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 261 [277]. Source : Internet Archive.

volumes, écrit à ce propos M. Mouravit[261.1] ; il faut que lambris et murailles disparaissent sous les files interminables de livres soigneusement alignés : eh bien ! suivez cette naïve pratique de vos bons aïeux en bibliomanie, qui faisaient figurer dans leurs cabinets d’amples bibliothèques où les volumes n’existaient guère que par des dos factices, qui réussissaient plus ou moins à faire illusion : vénérable coutume dont Sauval[261.2] avait parlé avant La Bruyère[261.3], et qui a pour soi, outre l’économie, l’avantage immense de rendre à la circulation des richesses immobilisées aux mains des plus sordides de tous les avares.

« Les Anglais, nos maîtres ici encore, avaient reconnu l’excellence de cette louable pratique : « Mylord est curieux en livres, nous dit Pope[261.4]…. Il vous en fait parcourir tous les dos, chacun avec la date de sa publication…. Admirez ces livres de vélin ou ces livres de bois magnifiquement décorés : pour l’usage que mylord en fait, ces derniers sont aussi bons que les autres. »

Le même bibliographe, M. Gustave Mouravit,

[II.277.261]
  1.  Le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, pp. 139-141.  ↩
  2.  Histoire et Recherches des antiquités de la ville de Paris (1724), t. I, p. 18.  ↩
  3.  Les Caractères, De la Mode, p. 349, édit. Hémardinquer. (Paris, Dezobry, 1849.)  ↩
  4.  Cité aussi par Édouard Fournier, l’Art de la reliure en France, p. 206, n. 1. (Paris, Dentu, 1888.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 250-266

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 250.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 250 [266]. Source : Internet Archive.

user. Il avait cinquante-deux mille volumes, qui, toute sa vie, restèrent en ballots presque tous à l’hôtel de Louvois. »

 

Le financier portugais Grapina (xviiie siècle) avait fait transporter dans un village, aux environs de Lisbonne, sa magnifique bibliothèque, et, comme on s’étonnait de voir, au milieu de ce désert, tant de beaux livres, qui ne pouvaient servir à personne : « Précisément ! s’exclama-t-il. C’est bien pour cela ! A Lisbonne, j’étais obsédé de visiteurs qui, nuit et jour, avaient les yeux et les doigts sur mes livres, et les usaient…. Car, voyez-vous, je ne ressemble pas à cet ignorant qui ne jugeait de la bonté d’un livre que par sa vieillesse ; moi, j’en juge par la beauté de la reliure, et, dès que cette beauté est altérée, qu’elle fait défaut, je mets le volume au rebut. Je suis si délicat, si exigeant sur cet article, que je ne lis jamais mes livres, que je n’ose pas les toucher, de peur de les gâter[250.1]. »

 

Le célèbre bibliomane anglais, sir Richard Heber (1773-1833), possédait la collection de livres la plus considérable qui ait jamais appartenu à un simple particulier. Trois de ses châteaux étaient littérale-

[II.266.250]
  1.  Cf. Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, pp. 31-32. De tels superficiels amateurs justifient ce mot : « Un bibliophile ressemble souvent à un homme qui tomberait amoureux de la robe sans regarder la femme. » (Journal le Gaulois, 14 août 1877.)  ↩

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