Le Livre, tome I, p. 077-101

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 77.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 77 [101]. Source : Internet Archive.

II. Moyen âge

Arrivent les Barbares, Huns, Goths, Visigoths, Vandales, et l’empire romain s’écroule.

« Malheur à nos jours, parce que l’étude des Lettres périt au milieu de nous ! » s’écrie l’historien des Francs, Grégoire de Tours (539-593)[077.1]. « Et cependant, remarque, à propos de cette période de l’histoire, le savant helléniste et bibliographe Egger[077.2], on ne voit pas que l’amour des livres ait jamais disparu, même au milieu des plus terribles convulsions sociales et politiques. »

Les détails que nous donne, sur les bibliothèques de son pays et de son temps, un écrivain quelque peu antérieur à Grégoire de Tours, l’évêque de Clermont Sidoine Apollinaire (430-488), prouvent, en effet, qu’il y avait encore chez nous, à cette époque, et malgré ces agitations et ces troubles, des amis des livres et de l’étude. A en juger par les citations

[I.101.077]
  1.  « Væ diebus nostris, quia periit studium litterarum a nobis ! » (Histoire ecclésiastique des Francs, préface. Paris, Renouard, 1836. In-8.)  ↩
  2.  Histoire du livre, p. 268.  ↩

Le Livre, tome I, p. 078-102

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 78.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 78 [102]. Source : Internet Archive.

qu’on rencontre dans ses ouvrages, le savant évêque devait posséder une bibliothèque bien fournie en auteurs classiques. Il devait en être plus ou moins de même des bibliothèques qu’il mentionne, de celle de Loup, professeur à Agen et à Périgueux ; celle de Philagre, autre professeur ; celle de l’évêque de Limoges Rurice, pour qui Sidoine faisait copier des manuscrits de sa propre bibliothèque. Il nous parle surtout de la collection de livres que le préfet Tonance Ferréol avait rassemblée dans sa magnifique demeure de Prusiane, sur les bords de la rivière du Gardon, entre Nîmes et Clermont-de-Lodève. Cette collection, relativement très nombreuse, et que Sidoine, par une poétique et hyperbolique évocation, va jusqu’à comparer à la bibliothèque d’Alexandrie, se divisait en trois classes : la première à l’usage des femmes, la seconde destinée aux littérateurs de profession, et la troisième, composée d’ouvrages d’un intérêt plus général, au commun des lecteurs[078.1].

D’ailleurs, à ces Barbares devenus maîtres de l’Occident, il fallait des ministres pour les aider à gouverner, à établir et débrouiller leurs comptes ;

[I.102.078]
  1.  Cf. Diderot, Encyclopédie, art. Bibliothèque (Œuvres complètes, t. XIII, p. 461) ; Petit-Radel, Recherches sur les bibliothèques anciennes et modernes, pp. 39-40 ; Peignot, Manuel bibliographique, p. 50. Je relève dans Sainte-Beuve (Portraits contemporains, t. III, p. 381) un beau mot de Sidoine Apollinaire : « Legebat cum reverentia antiquos et sine invidia recentes ».  ↩

Le Livre, tome I, p. 079-103

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 79.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 79 [103]. Source : Internet Archive.

et ces ministres, ils les choisirent forcement parmi les plus instruits de leurs nouveaux sujets. Ainsi le roi des Ostrogoths Théodoric (457-525), qui ne savait pas écrire[079.1], attira autour de lui les plus savants hommes de son temps, l’évêque de Pavie Eunodius, Boèce, l’auteur du traité De la Consolation, traducteur et commentateur d’Aristote, et l’historien philosophe Cassiodore (468-562), dont il fit son secrétaire et l’un de ses principaux dignitaires. Cassiodore finit par se retirer dans le monastère de Viviers, qu’il avait fondé près de sa ville natale Squillace, en Calabre ; il y organisa un vaste atelier de copistes pour la transcription des ouvrages anciens, et mérita le surnom de « Conservateur des livres de l’antiquité latine »[079.2].

A peu près dans ce même temps, le pape Hilaire (mort en 467) établit, à la basilique de Saint-Jean-de-Latran, deux bibliothèques, dont l’une devait être

[I.103.079]
  1.  « Théodoric n’ayant jamais pu apprendre à écrire son nom avait fait percer à jour, dans une mince lame d’or, les initiales Théod. ; lorsqu’il voulait signer, il posait sur le papier cette lame, promenait la plume dans les contours des lettres, et les traçait ainsi à travers la plaque métallique, au bas de l’acte où il devait apposer son nom. » (Écrivain anonyme du ve siècle, publié à la suite de l’Ammien Marcellin de Wagner, ap. Géraud, op. cit., p. 42.) « L’empereur Justin l’Ancien (450-527) signait de la même manière les quatre premières lettres de son nom ; mais il se servait d’une plaque en bois et d’un roseau, et il fallait encore que sa main fût conduite. » (Procope, ap. Géraud, ibid. ↩
  2.  Cf. Egger, op. cit., p. 303.  ↩

Le Livre, tome I, p. 080-104

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 80.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 80 [104]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 81.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 81 [105]. Source : Internet Archive.

affectée aux archives, affectation sanctionnée plus tard par le pape Grégoire le Grand (540-604). Cette bibliothèque de Saint-Jean-de-Latran, que le pape Nicolas V (1398-1455), passionné pour les lettres, fit transférer au Vatican et enrichit considérablement, est la plus ancienne des bibliothèques publiques de l’Europe moderne[080.1].

Néanmoins, durant ces premiers siècles du moyen âge, c’est surtout, c’est presque exclusivement dans les monastères que se réfugie l’amour des livres et de l’étude. Pas de couvent qui ne se piquât d’honneur d’avoir sa bibliothèque : « Monastère sans livres, place de guerre sans vivres, » disait un proverbe d’alors : Claustrum sine armario, quasi castrum sine armamentario[080.2]. La plupart des règles conven-

[I.104.080]
  1.  Cf. Lalanne, Curiosités bibliographiques, pp. 148 et 190. La Grande Encyclopédie (art. Bibliothèque, p. 651) estime que « la première bibliothèque vraiment publique que l’Europe ait connue est la bibliothèque Ambrosienne, à Milan, fondée par le cardinal Borromée (1608) ».  ↩
  2.  Géraud, op. cit., p. 227. « La bibliothèque est le vrai trésor d’un monastère ; sans elle, il est comme une cuisine sans casseroles, une table sans mets, un puits sans eau, une rivière sans poissons, un manteau sans vêtements, un jardin sans fleurs, une bourse sans argent, une vigne sans raisins, une tour sans gardes, une maison sans meubles. Et, de même qu’on conserve soigneusement un bijou dans une cassette bien fermée, à l’abri de la poussière et de la rouille, de même la bibliothèque, suprême richesse du couvent, doit être attentivement défendue contre l’humidité, les rats et les vers. » (Thomas A Kempis, ap. Fertiault, les Amoureux du livre, pp. 235-236. Paris, Claudin, 1877.) « Une abbaye n’était pas seulement un lieu de prière et de méditation, c’était encore un asile ouvert contre l’envahissement de la barbarie sous toutes ses formes. Ce refuge des livres et du savoir abritait des ateliers de tout genre, » etc. (Aug. Thierry, Essai sur l’histoire du Tiers État, p. 17. Paris, Furne, 1868. In-16.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 081-105

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 81.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 81 [105]. Source : Internet Archive.

tuelles, celle de saint Benoît (480-543) notamment, prescrivaient l’enseignement et la pratique de la calligraphie et ordonnaient la transcription des manuscrits. En France, l’abbaye de Luxeuil, fondée par des moines irlandais, disciples de saint Colomban (540-615), « posséda une bibliothèque relativement riche, une école d’écrivains célèbres ; et ce furent ces écoles monastiques qui, en se répandant sur le monde chrétien, créèrent ce qu’on a appelé de nos jours les écritures nationales, dégénérescences de l’ancienne cursive romaine[081.1] ».

Mais « il ne faut pas s’y tromper, remarque Ludovic Lalanne[081.2] : la règle des couvents, comme toutes les lois en général, indique ce qui devait se faire, et non pas ce qui se faisait ; la prescription dont nous venons de parler n’était guère mieux observée que les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance dans les ordres religieux, qui eurent si souvent besoin d’être réformés[081.3] ». La religion chrétienne était même parfois considérée comme l’adversaire

[I.105.081]
  1.  La Grande Encyclopédie, art. Bibliothèque, p. 649.  ↩
  2.  Op. cit., pp. 31-32.  ↩
  3.  « Les bons religieux écrivent les livres, et les mauvais s’occupent d’autres choses, » déclare nettement le brave évêque Richard de Bury, dans son Philobiblion, chap. v, p. 49. (Paris, Aug. Aubry, 1856.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 082-106

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 82.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 82 [106]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 83.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 83 [107]. Source : Internet Archive.

obligé, l’ennemi déclaré et forcé, de l’antiquité grecque et latine. « Quelques conciles avaient défendu aux évêques de lire les livres des païens, et saint Grégoire reprit sévèrement Didier, évêque de Vienne, de ce qu’il enseignait la grammaire[082.1]. » Ce pape saint Grégoire, Grégoire le Grand, passe pour avoir livré aux flammes un grand nombre d’ouvrages anciens, Tite-Live, entre autres[082.2]. Au xiiie siècle encore, la règle des Dominicains s’opposait à ce qu’ils étudiassent les livres païens[082.3].

[I.106.082]
  1.  Abbé Fleury, Mœurs des chrétiens, IV, 4, p. 275. (Paris, Dezobry, 1853.)  ↩
  2.  Cf. Lalanne, op. cit., pp. 199-200. « Ajoutons, dit Lalanne en ce même endroit, que si ce pape n’a pas brûlé les auteurs de l’antiquité, on peut croire, d’après son mépris prononcé pour la littérature profane, qu’il était bien capable de le faire. » En effet, il se vantait « de ne pas éviter le désordre du barbarisme, de dédaigner d’observer les cas des prépositions ; car je regarderais comme une indignité de plier la parole divine sous les lois du grammairien Donat ». Apprenant que Didier, l’évêque de Vienne (Dauphiné), donnait des leçons de grammaire, il lui écrit : « On me rapporte une chose que je ne puis répéter sans honte ; on dit que Ta Fraternité explique la grammaire à quelques personnes. Nous sommes affligés… car les louanges de Jupiter ne peuvent tenir dans une seule et même bouche avec celles de Jésus-Christ. » (Cf. Demogeot, Histoire de la littérature française, p. 53 ; Bayle, Dictionnaire historique et critique, t. VII, pp. 225-226, Paris, Desoer, 1820 ; etc.) « II est rapporté dans la Vie de saint Jérôme qu’il fut battu de verges par un ange, qui lui reprochait, en le frappant, de lire avec plus d’ardeur Cicéron que l’Évangile. » (Lacordaire, ap. Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. IV, p. 404.)  ↩
  3.  Cf. Cocheris, Introduction au Philobiblion, p. xliii : « Le règlement des Dominicains s’opposait à ce qu’ils étudiassent les livres païens : « In libris gentilium philosophorum non studeat, et si ad horam suscipiat seculares scientias, non addiscat, nec artes quas liberales vocant ». Cet article très explicite est suivi d’un autre, qui les invite à ne lire que les écrits théologiques : « sed tantum libros theologicos tam juvenes quam alii legant ». Etc.  ↩

Le Livre, tome I, p. 083-107

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 83.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 83 [107]. Source : Internet Archive.

Le diacre saxon Alcuin (735-804), « l’homme le plus savant de son époque[083.1] » et « véritable bienfaiteur de l’esprit humain[083.2] », qui fut comme le précepteur de Charlemagne et son collaborateur dans son œuvre de renaissance littéraire, écrit une lettre « à l’Église d’Angleterre pour solliciter, en faveur de celle de Tours, un envoi de livres », copiés sur ceux qui se trouvent à la bibliothèque d’York, dont il avait été le premier bibliothécaire[083.3]. Il faut, en effet, maintenant, aux bibliothèques des monastères, ajouter ces bibliothèques d’églises, ces bibliothèques capitulaires, fondées surtout à partir du ixe siècle : tout chapitre comptant parmi ses dignitaires un écolâtre, ce maître avait besoin de livres pour enseigner Parmi les principales de ces bibliothèques, on cite en France celle (encore existante) de la cathédrale de Chartres, celles des cathédrales de Lyon, de Laon, de Reims, de Cambrai, de Rouen, de Clermont, etc. « On a même remarqué que les écoles capitulaires furent plus florissantes, mieux admi-

[I.107.083]
  1.  Éginhard, Vie de l’empereur Charles, Œuvres, trad. A. Teulet, p. 35. (Paris, Didot, 1856.)  ↩
  2.  Egger, op. cit., p. 269.  ↩
  3.  Petit-Radel, op. cit., p. 54.  ↩

Le Livre, tome I, p. 084-108

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 84.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 84 [108]. Source : Internet Archive.

nistrées que celles de beaucoup de monastères, et les bibliothèques, réunies à leur intention, souvent mieux composées et plus riches[084.1]. »

Charlemagne (742-814), qui ne négligeait rien de ce qui concernait les livres, avait accordé à l’abbé de Saint-Bertin un diplôme l’autorisant à se procurer par la chasse les peaux nécessaires pour relier les volumes de son abbaye. Les soins qu’il prenait de sa propre bibliothèque sont consignés dans une lettre de Leidrard, qui nous apprend que cet empereur avait choisi le monastère de l’île Barbe, près de Lyon, pour y placer ses livres. Il avait aussi fondé une bibliothèque au monastère de Saint-Gall[084.2].

Éginhard (771-844), qui, en s’excusant « de présenter un livre au lecteur », a si modestement et gracieusement inscrit dans le « prologue » de sa Vie de l’empereur Charles, ce beau précepte de Cicéron : « Confier ses pensées à l’écriture sans être capable de les bien disposer, de les embellir ou d’y répandre un charme qui attire le lecteur, c’est abuser outre mesure de son loisir et des lettres[084.3], » — Éginhard nous donne d’intéressants détails sur les lectures de

[I.108.084]
  1.  La Grande Encyclopédie, art. Bibliothèque, p. 649.  ↩
  2.  Petit-Radel, op. cit., p. 59 ; Lalanne, op. cit., pp. 283 et 150.  ↩
  3.  « … Sed mandare quemquam literis cogitationes suas, qui eas nec disponere, nec illustrare possit, nec delectatione aliqua allicere lectorem ; hominis est, intemperanter abutentis otio et literis. » (Cicéron, Tusculanes, I, 3, Collect. Nisard, t. III, p. 622.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 085-109

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 85.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 85 [109]. Source : Internet Archive.

celui qu’il nomme « le plus illustre, le plus grand des hommes[085.1] » : « Pendant qu’il était à table, il aimait à entendre un récit ou une lecture, et c’étaient les histoires et les hauts faits des temps passés qu’on lui lisait d’ordinaire. Il prenait aussi grand plaisir aux ouvrages de saint Augustin, et principalement à celui qui a pour titre De la Cité de Dieu[085.2]. »

Dans le testament de Charlemagne, que publie Éginhard[085.3], on voit que les livres, « dont il (l’empereur) avait amassé dans sa bibliothèque une grande quantité », devaient être vendus, « et que l’argent qui en proviendrait serait distribué aux pauvres[085.4] ».

La correspondance d’Éginhard contient une fort

[I.109.085]
  1.  Prologue de la Vie de l’empereur Charles, p. xc, trad. A. Teulet.  ↩
  2.  Op. cit., p. 34.  ↩
  3.  Op. cit., p. 46.  ↩
  4.  Une note du traducteur Alexandre Teulet ajoute ici : « On n’a pas d’autres renseignements sur cette nombreuse bibliothèque réunie par Charlemagne. Cependant il est probable que, malgré la faculté qu’il laissa dans son testament, elle ne fut pas entièrement dispersée après sa mort, puisque nous retrouvons à la fin du ixe siècle une bibliothèque du Palais (libri in thesauro), dont Charles le Chauve, par le chapitre xii du capitulaire daté de Quierzy le 1er juillet 877 (dans Baluze, II, 264), ordonne le partage entre son fils, l’abbaye de Saint-Denis et l’abbaye de Sainte-Marie de Compiègne. Au reste, il semble que le goût des livres ait été héréditaire chez les Carlovingiens ; car la bibliothèque que Charlemagne augmenta sans doute de beaucoup avait été commencée par son père, Pépin le Bref, comme cela résulte de la lettre écrite à ce prince par le pape Paul Ier en 758 : Direximus etiam…. »  ↩

Le Livre, tome I, p. 086-110

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 86.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 86 [110]. Source : Internet Archive.

belle lettre, adressée à son ami Loup de Ferrières, et relative aux lectures qu’il fait pour se consoler de la mort de sa femme : « … J’y serais tombé (dans le désespoir), si, avec l’aide et le soutien de la divine miséricorde, je ne m’étais aussitôt appliqué à rechercher quelle conduite, dans des peines et des malheurs semblables, des hommes plus grands et meilleurs que moi avaient su tenir et consacrer par leur noble exemple. J’avais sous la main les ouvrages de docteurs distingués, que, loin de négliger, nous devons écouter et suivre en toutes choses. C’étaient le glorieux martyr Cyprien et ces illustres interprétateurs des Écritures divines et sacrées, Augustin et Jérôme. Ranimé par leurs pensées et par leurs salutaires exhortations, je me suis efforcé de relever mon cœur abattu sous le poids du chagrin, et je me suis mis à réfléchir attentivement en moi-même sur les sentiments que je devais éprouver en voyant sortir de ce monde une compagne chérie, qui, en effet, avait cessé d’être mortelle plutôt qu’elle n’avait cessé de vivre…. Je le pense, — et en le disant je ne crains pas de me tromper, — la douleur et les tourments que m’a causés la perte de ma chère épouse dureront autant que moi et ne cesseront qu’au moment où arrivera le terme fatal des jours que Dieu voudra m’accorder pour cette vie passagère et misérable[086.1]…. »

[I.110.086]
  1.  Éginhard, Œuvres, Lettres, pp. 237-239.  ↩

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