X. Les journaux
La vraie lecture, c’est celle du livre. Le journal a sur le livre le désavantage d’être fait trop vite, forcément, — et ce qu’on fait vite, forcément encore et inévitablement, manque de soin et de maturité[195.1] ; de ne parler presque exclusivement que de choses éphémères et d’une importance relative ; de ne posséder enfin ni le format, ni la commodité et l’élégance du livre.
Bayle (1647-1706) était d’avis que « le journal n’est, pour ainsi dire, qu’un dessert de l’esprit » ; et, ajoute Sainte-Beuve, qui rapporte ce mot[195.2], « il faut faire provision de pain et de viande solide avant de se disperser aux friandises[195.3] ».
- Et cependant combien de livres sont « journaux » en ce point ! Mais ici la rapidité et la négligence ne sont pas essentielles à l’œuvre, elles ne proviennent que de l’auteur ; tandis que le journal, pressé par l’actualité, aiguillonné par la concurrence, est tenu de se hâter avant tout. ↩
- Portraits littéraires, t. I, p. 370. ↩
- « Une bonne soupe est excellente, le matin, en se levant, et non moins bonne pour l’esprit la lecture d’un chapitre de Montaigne. Le nourrissant Montaigne fait penser à cet Anglais qui mangeait toujours un bifteck avant son dîner, le dîner fût-il de quatre services. Quand un homme a lu le matin un chapitre de Montaigne, alors seulement il peut grignoter sans danger les articles de journaux. » (Champfleury, Notes intimes, Souvenirs et Portraits de jeunesse, pp. 253-254.) ↩