III-XII. Biblioclastes et bibliophobes
— Les femmes et les livres
Le plus ancien exemple connu de destruction de livres, faite systématiquement et en masse, remonte au viiie siècle avant Jésus-Christ. Selon l’historien chaldéen Bérose (iiie siècle av. J.-C.) et le savant écrivain grec Alexandre Polyhistor (ier siècle av. J.-C.), le roi de Babylone Nabonassar, célèbre par l’ère qui porte son nom et part de l’an 747 avant l’ère chrétienne, fit détruire toutes les histoires des rois ses devanciers[263.1]. Il s’efforçait ainsi de supprimer le passé, et de donner son règne comme point d’origine au monde entier.
En l’an 213 avant Jésus-Christ, l’empereur chinois Chi-Hoang-Ti, « en haine des lettrés et de leurs principes, ordonna de brûler tous les livres qui se trouvaient dans son empire ; il n’excepta de cette proscription que les ouvrages qui traitaient de l’histoire de sa famille, de l’astrologie et de la médecine[263.2] ».
Rien n’a fait plus de mal aux livres, rien n’en a fait autant massacrer et détruire que les querelles religieuses. Le livre étant le meilleur porte-parole de l’homme, et un porte-parole qui ne craint pas la lassitude, doué d’ubiquité et d’une puissance et d’une audace incomparables, il fallait avant tout le faire taire, c’est-à-dire le brûler, lui, aussi bien et encore mieux que tous les profanes, tous les dissidents et antagonistes.
« Les Romains ont brûlé les livres des juifs, des chrétiens et des philosophes, remarque Vigneul-Marville (1634-1704)[264.1] : les juifs ont brûlé les livres des chrétiens et des païens ; et les chrétiens ont brûlé les livres des païens et des juifs. La plupart des livres d’Origène et des anciens hérétiques ont été brûlés par les chrétiens. Le cardinal Ximénès (ministre d’Espagne et grand inquisiteur : 1436-1517), à la prise de Grenade, fit jeter au feu cinq mille Alcorans. Les Puritains, en Angleterre, au commencement de la Réforme prétendue, brûlèrent une infinité de monastères et d’anciens monuments de la véritable religion. Un évêque anglais mit le feu aux archives de son église, et Cromwell (1599-1658), dans les derniers temps, brûla la bibliothèque d’Oxford, qui était une des plus curieuses de l’Europe. »
Pendant le séjour de saint Paul (10-70 ?) à Éphèse, à la suite de ses prédications, « il y en eut beaucoup, dit la Bible[265.1], de ceux qui avaient exercé les arts curieux, qui apportèrent leurs livres, et les brûlèrent devant tout le monde ; et, quand on en eut supputé le prix, on trouva qu’il montait à cinquante mille pièces d’argent ». Ces cinquante mille pièces d’argent, « ces cinquante mille drachmes reviennent à plus de cinquante mille livres de notre monnaie », estime l’abbé Fleury (1641-1723)[265.2], qui ajoute : « On croit que c’étaient des livres de magie ». « Quant à nous, riposte Ludovic Lalanne, nous serions fort porté à croire que ces livres étaient des ouvrages relatifs à la philosophie païenne et aux religions de l’Orient, et dont l’esprit ne pouvait être, par conséquent, que fort dangereux pour les nouveaux chrétiens. »
Nous avons parlé, dans notre premier volume[265.3], de la bibliothèque d’Alexandrie, qui passe pour avoir été détruite par les ordres du chef musulman Omar, lors de la prise de cette ville, en 640 ; et nous avons dit qu’à cette époque cette bibliothèque n’existait plus, qu’une de ses sections avait été accidentellement incendiée, en l’an 47 avant Jésus-Christ, par les soldats de Jules César, et que l’autre section fut détruite environ quatre cents ans plus tard, en 390, par l’évêque ou patriarche Théophile, qui voulait abolir l’idolâtrie dans son diocèse[266.1]. Or, depuis cette date jusqu’à l’arrivée du lieutenant d’Omar, Amrou-ben-Alas, on ne trouve pas un mot, dans les écrivains du temps, qui autorise à supposer qu’on ait reconstitué à Alexandrie la moindre bibliothèque, ce qui ne doit pas étonner, puisque, entre autres causes[266.2], la littérature et la philosophie païennes furent, durant cet intervalle, partout proscrites, à tel point que Justinien fit fermer les écoles d’Athènes.
On connaît la réponse catégorique et typique qu’Omar aurait faite à son lieutenant, lorsque celui-ci, après s’être emparé d’Alexandrie, lui demanda ce qu’il devait faire de la bibliothèque : « Si ce que contiennent les livres dont vous me parlez est conforme au livre de Dieu (le Coran), ce livre les rend inutiles ; si, au contraire, ce qu’ils renferment est opposé au livre de Dieu, nous n’en avons aucun besoin. Donnez donc ordre de les détruire[267.1]. » En conséquence, d’après cette légende, Amrou-ben-Alas les fit distribuer dans les bains publics d’Alexandrie, dont ils suffirent à alimenter le chauffage durant six mois[267.2], — quoique le papier, sans parler du parchemin, s’il est bon pour allumer le feu, ne convienne guère pour l’entretenir.
Nous avons parlé également du pape Grégoire le Grand (540-604), saint Grégoire, qui passe pour avoir livré aux flammes un grand nombre d’ouvrages anciens, Tite-Live notamment, et qui, s’il n’a pas commis ce massacre, en était bien capable, à en juger par le mépris qu’il affichait pour les écrivains de l’antiquité[267.3].
L’empereur de Constantinople Léon l’Isaurien (né dans l’Isaurie, province d’Asie Mineure) ou l’Iconoclaste (briseur d’images) (680-741), ayant en vain essayé de faire partager ses idées au chef de la bibliothèque impériale, surnommé œcuménique (universel)[268.1], à cause de l’étendue de ses connaissances, et à ses douze subordonnés, professeurs ou copistes, fit mettre le feu à cette bibliothèque, composée d’environ 36 000 volumes, et brûla tout ensemble livres, bibliothécaire et copistes.
Orderic Vital (1075-vers 1150) a décrit, dans son Histoire ecclésiastique, les ravages causés, durant les ixe et xe siècle, par les Normands, qui renouvelèrent ainsi les désastres commis par les Barbares, lors de la décadence et de la chute de l’empire romain. « Au milieu des affreuses tempêtes qui causèrent tant de maux du temps des Danois, dit-il[268.2], les écrits des anciens périrent dans les incendies qui dévorèrent les églises et les habitations ; quelque insatiable qu’ait été la soif d’étude de la jeunesse, elle n’a pu recouvrer ces ouvrages…. Ces écrits ayant été perdus, les actions des anciens furent livrées à l’oubli. Les modernes feraient d’inutiles efforts pour les recouvrer ; car ces antiques monuments disparaissaient, avec le cours des siècles, de la mémoire des vivants, comme la grêle et la neige qui tombent dans les fleuves suivent, pour ne jamais revenir, le cours rapide de leurs ondes. »
Au xie siècle, la bibliothèque des califes d’Égypte, au Caire, la plus considérable de tout l’empire musulman, fut, en majeure partie, pillée par les Turcs[269.1].
La bibliothèque de Tripoli de Syrie était riche, paraît-il, de trois millions de volumes, tous concernant la théologie, l’explication du Coran, la science des traditions et des belles-lettres. Lorsque, durant les Croisades, en 1105, Tripoli de Syrie tomba au pouvoir des Francs, « un prêtre, étant entré dans la bibliothèque, fut frappé de la quantité de livres qu’elle renfermait. La salle où il se trouvait était précisément celle qui contenait les Corans. Ayant mis la main sur un manuscrit, il reconnut cet ouvrage. Il en prit un second, puis un troisième, et ainsi de suite, jusqu’au nombre de vingt, et trouva toujours le même livre ; ayant alors déclaré que cet édifice ne renfermait que des Corans, les Francs y mirent le feu et le réduisirent en cendres. Il n’échappa qu’un petit nombre de livres, qui furent dispersés en différents pays[269.2]. »
Nous avons vu précédemment encore[270.1] dans quel piteux état Boccace (1313-1375) trouva les livres des religieux du Mont-Cassin, et ce que devinrent, en 1526, après la victoire des Turcs à Mohacz, les cinquante mille volumes rassemblés par le roi de Hongrie Mathias Corvin (1443-1490).
Une lettre[270.2] de l’historien et conteur italien le Pogge (1380-1459) nous apprend que les moines du monastère de Saint-Gall, voisin de Constance, n’étaient guère plus soigneux de leur bibliothèque que ceux du Mont-Cassin : « …. Là, au milieu d’une foule de manuscrits qu’il serait trop long d’énumérer, j’ai trouvé un Quintilien encore sain et entier, mais plein de moisissure et couvert de poussière ; ces livres, en effet, loin d’être placés dans une bibliothèque, comme ils auraient dû l’être, étaient enfouis dans une espèce de cachot obscur et infect, au fond d’une tour, où l’on n’aurait certainement pas jeté les condamnés à mort. »
Les moines récollets d’Anvers allaient à peu près de pair avec les précédents. C’est à eux qu’advint, en 1735, la mésaventure suivante :
« Les récollets d’Anvers, passant en revue leur bibliothèque, jugèrent à propos d’y faire une réforme, et de la débarrasser d’environ quinze cents volumes de vieux livres, tant imprimés que manuscrits, qu’ils regardèrent comme vrais bouquins de nulle valeur. On les déposa d’abord dans la chambre du jardinier, et, au bout de quelques mois, le Père gardien décida, dans sa sagesse, qu’on donnerait tout ce fatras audit jardinier, en reconnaissance et gratification de ses bons services. Celui-ci, mieux avisé que les bons pères, va trouver M. Vanderberg, amateur et homme de lettres, et lui propose de lui céder toute cette bouquinaille. M. Vanderberg, après y avoir jeté un coup d’œil, en offre un ducat du quintal : le marché est bientôt conclu, et M. Vanderberg enlève les livres. Peu après il reçoit la visite de M. Stock, bibliomane anglais, et lui fait voir son acquisition ; M. Stock lui donne à l’instant quatorze mille francs des manuscrits seuls. Quels furent la surprise et les regrets des Pères récollets à cette nouvelle ! Ils sentirent qu’il n’y avait pas moyen d’en revenir ; mais, tout confus qu’ils étaient de leur ignorance, ils allèrent humblement solliciter une indemnité de M. Stock, qui n’hésita pas à leur donner encore douze cents francs, tant il était satisfait de son acquisition[271.1]. »
Le marquis de Villena, don Enrique d’Aragon (1384-1434), célèbre poète et érudit espagnol, un des créateurs de la poésie castillane, avait, à force de dépenses et de soins, rassemblé une bibliothèque considérable, où, à côté des œuvres des trouvères, figuraient de nombreux livres de recherches philosophiques et de magie. Le marquis de Villena, partageant les idées ou rêveries de son temps, s’occupait, en effet, de sciences occultes et de sorcellerie. A sa mort, le roi de Castille, Jean II, fit saisir sa bibliothèque, deux pleins chariots de livres, qu’il expédia à un dominicain, son confesseur, frère Lope de Barrientos, avec ordre de l’examiner. Celui-ci, fort ignorant, aima mieux brûler que de lire. « Mais, ajoute un contemporain, il est resté dans les mains de frère Lope beaucoup d’autres ouvrages précieux, qui ne seront ni brûlés ni rendus[272.1]. »
Les missionnaires qui se répandirent dans le Nouveau Monde au lendemain de sa découverte (1492) y provoquèrent de nombreuses destructions de monuments littéraires et historiques, d’autant plus fâcheuses que ces documents étaient les seuls pouvant nous renseigner sur la langue et l’histoire des anciens peuples de ces contrées.
« Comme la mémoire des événements passés était conservée, parmi les Mexicains, au moyen de figures peintes sur des peaux, sur des toiles de coton et sur des écorces d’arbres, les premiers missionnaires, incapables de comprendre la signification de ces figures et frappés de leurs formes bizarres, les regardèrent comme des monuments d’idolâtrie qu’il fallait détruire pour faciliter la conversion des Indiens. Pour obéir à une ordonnance de Jean de Zumarraga, moine franciscain, premier évêque de Mexico, toutes ces archives de l’ancienne histoire du Mexique furent rassemblées et livrées aux flammes. Par suite de ce zèle fanatique des premiers moines qui s’établirent dans la Nouvelle-Espagne, et dont leurs successeurs déplorèrent bientôt les effets, on perdit entièrement la connaissance des événements reculés tracés sur ces monuments grossiers[273.1]. »
Le même sort était réservé aux monuments historiques et littéraires des Péruviens[273.2].
En 1549, le roi d’Angleterre Édouard VI publia un édit ordonnant la destruction de divers ouvrages religieux, et l’on profita de cet édit pour l’appliquer surtout aux manuscrits, quels qu’ils fussent, dont les reliures, ornées d’or, d’argent et de pierreries, tentaient la cupidité. Un jour, on alluma à Oxford, sur la place du marché, un grand feu où l’on jeta une énorme quantité de livres[273.3].
En France, durant les guerres religieuses, quantité de bibliothèques de couvents furent, sinon détruites, du moins pillées et dispersées[274.1].
La bibliothèque d’Heidelberg, dite Bibliothèque Palatine, éprouva de singulières vicissitudes. Lorsque, dans la guerre de Trente Ans, en 1622, la ville d’Heidelberg fut prise par le comte de Tilly et mise à sac, le duc de Bavière, le pieux Maximilien, fit présent de cette bibliothèque au pape Grégoire XVI, qui la plaça au Vatican. Sous la République, lors de l’invasion des Français en Italie, 38 manuscrits, choisis dans cette collection, furent transportés à Paris ; mais, en 1815, ils nous furent enlevés et furent restitués à l’Université d’Heidelberg, ainsi que les manuscrits allemands, au nombre d’environ 850, restés au Vatican[274.2].
Une destruction considérable de livres fut faite, paraît -il, vers la fin du premier Empire, par un libraire de Paris, Martin Bossange (1766-1865), que la nouveauté et la hardiesse des entreprises n’effrayaient pas. C’était à l’époque où le gouvernement venait d’accorder le droit, connu sous le nom de licences, d’introduire en France des denrées coloniales pour des valeurs égales aux marchandises françaises exportées. On vit alors, conte Edmond Werdet, dans son ouvrage De la Librairie française[275.1], Martin Bossange s’aviser du singulier stratagème suivant :
« Seul ou associé avec des tiers, il chargea des quantités énormes de livres français sur des navires en destination pour l’autre côté de la Manche. Arrivés au milieu du canal, les ballots étaient jetés par-dessus bord ; les bâtiments arrivaient sur lest en Angleterre, et revenaient chez nous chargés à mi-mât de denrées coloniales. Les bénéfices de retour compensaient bien et au delà la perte de la première cargaison. Ces opérations, dont le résultat fut de détruire fructueusement les vieilles éditions qui encombraient les magasins de librairie, en eurent un autre, d’une plus grande portée, consistant à donner naissance à ces nombreuses et magnifiques réimpressions qui surgirent de toutes parts lorsque vint la Restauration. »
Mais Bossange n’embarqua-t-il que des éditions défectueuses et des livres sans valeur ? Les « magnifiques réimpressions », effectuées après 1815, dédommagèrent-elles vraiment des pertes causées par ces naufrages volontaires ? That is the question.
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Il y a une autre sorte de biblioclastes toute différente des précédents ; ce sont ceux qui détériorent et massacrent les livres par amour pour certaines parties ou certains accessoires du livre, ce sont les collectionneurs de frontispices, de portraits, de dédicaces, de premières pages ou titres de départ, de lettres ornées, colophons, marques d’imprimerie, couvertures anciennes, etc. Que d’admirables missels, par exemple, ont été stupidement tailladés et déchiquetés par des amateurs de fleurons et d’initiales en couleur, véritables barbares à qui tout commerce avec les livres devrait être interdit !
Notre roi Henri III (1551-1589) mérite, paraît-il, d’être rangé parmi ces « malfaiteurs » : la tradition l’accuse d’avoir découpé, dans quantité de livres d’église et de manuscrits, des miniatures et des lettres peintes « pour en orner de petites chapelles ou pour en former des reposoirs…. Plusieurs personnages de la cour (de pareils livres ne pouvaient appartenir qu’à des grands seigneurs) imitèrent, dit on, Henri III ; c’est ce qui explique bien souvent ces lacérations, si douloureuses pour des yeux éclairés, alors que l’on essaye de reconstituer une histoire de l’art au moyen âge, dont ces splendides volumes sont, après tout, les uniques dépositaires[277.1]. »
Cette désastreuse et stupide mode de mutiler les livres illustrés existait encore en France au xviiie siècle, ainsi que nous le voyons dans une lettre de Mlle Aïssé[277.2]. « On est ici dans la fureur de la mode pour découper des estampes enluminées…. Tous découpent, depuis le plus grand jusqu’au plus petit. On applique ces découpures sur des cartons, et puis on met un vernis là-dessus. On fait des tapisseries, des paravents, des écrans. Il y a des livres d’estampes qui coûtent jusqu’à deux cents livres, et des femmes qui ont la folie de découper des estampes de cent livres pièce. Si cela continue, ils découperont des Raphaël. »
Les Anglais, eux, ont eu le cordonnier Bagford, qui, à lui seul, valait une légion de biblioclastes.
John Bagford, qui vivait au commencement du xviie siècle et fut l’un des fondateurs de la Société des Antiquaires d’Angleterre, passait son temps à parcourir a les provinces, allant de bibliothèque en bibliothèque, arrachant les titres des livres rares de tous les formats. Il en faisait des collections, suivant leur nationalité et les villes où il les trouvait, en sorte qu’avec des affiches, des notes manuscrites et des assemblages de toutes sortes et de toutes natures, il était arrivé à collectionner plus de cent volumes in-folio, qui se trouvent aujourd’hui au British Museum[278.1]. »
Cent volumes composés de feuillets arrachés dans les plus précieux ouvrages ! Ce n’est pas sans raison que William Blades, à qui j’emprunte ces détails, conclut que de tels enragés bibliomanes, « bien qu’ils s’arrogent eux-mêmes le nom de bibliophiles, doivent être classés parmi les pires ennemis des livres[278.2] ».
L’habitude de pratiquer des coupures dans les journaux a conduit certains écrivains ou publicistes à traiter de même les fascicules de leurs revues et les pages de leurs livres. De ce nombre on cite Lamartine[278.3], Émile de Girardin et Victor Fournel[278.4].
Ce système expéditif enlève non seulement toute valeur aux livres ainsi mutilés, mais, de plus, selon la judicieuse objection de M. Guyot-Daubès[279.1], « l’économie de temps qu’il procure, au point de vue d’une recherche, est bien peu de chose, puisqu’une simple note de référence permettra, dans une bibliothèque bien tenue, de retrouver le passage cherché en une ou deux minutes ».
Il est à remarquer, d’ailleurs, qu’Émile de Girardin avait changé d’opinion à cet égard durant ses dernières années : « il prétendait alors que, dans une recherche, le passage intéressant se trouvait toujours au dos d’une page qui, antérieurement, avait été détachée du livre[279.2] ».
Falconet[279.3] avait aussi coutume, dit-on, de découper dans les livres les passages qui l’intéressaient le plus, si bien qu’il réduisait à quelques feuillets des ouvrages considérables ; il appelait cela « n’en garder que la quintessence ».
L’érudit bibliographe Jamet le Jeune (1710-1778) avait aussi « la manie de former des recueils factices d’opuscules et brochures, parfois de fragments enlevés à divers ouvrages et relatifs à un sujet donné ; il faisait relier le tout, y joignait force notes en marge, et donnait le titre de Stromates aux collections qu’il créait ainsi[281.1] ».
Quant aux collectionneurs d’antiques couvertures de livres, rappelons que, dans une vente publique, la vente de la collection Deroussent, qui eut lieu à Montreuil-sur-Mer, en mai 1860, on put voir « un monceau de couvertures de livres jadis reliés en maroquin ou en veau fauve par du Seuil, et presque tous aux armes de l’abbé de Dompmartin…. M. Deroussent lui-même n’avait pas craint de dépecer de splendides in-folio en grand papier, qu’il avait vendus au poids à la garnison de Montreuil pour en confectionner des cartouches ! Il était possédé aussi de la manie des albums, et avait mutilé maint volume, enlevant les charmants frontispices gravés par Léonard Gaultier, et les portraits si recherchés dus au burin de Thomas de Leu[281.2]. »
Et ce vandale se croyait un bibliophile modèle, digne de la reconnaissance et de l’admiration de ses concitoyens.
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Les relieurs ont été aussi maintes fois classés parmi les ennemis des livres ; le bibliographe William Blades, notamment, les prend à partie dans plus d’un chapitre de sa très intéressante monographie.
« Ah ! que de ravages avons-nous vus, s’écrie-t-il[282.1], qui n’avaient d’autres auteurs que les relieurs ! Vous pouvez prendre un air autoritaire, — vous pouvez donner par écrit des instructions aussi précises que s’il s’agissait de votre testament, — vous pouvez jurer que vous ne payerez pas si vos livres sont rognés : — c’est inutile. Le Credo d’un relieur est bien court, car il ne se compose que d’un article, et cet article lui-même ne comprend qu’un seul mot, l’horrible mot : « Rognures ! »
Et plus loin[282.2] :
« Dante, dans son Inferno, mesure aux âmes damnées diverses tortures, appropriées avec une opportunité toute dramatique aux crimes perpétrés par les victimes. Si nous avions à prononcer un jugement sur les relieurs coupables d’avoir détérioré certains volumes précieux que nous avons vus, où les feuilles vierges confiées à leurs soins ont, par leur négligence barbare, perdu leur dignité, leur beauté, leur valeur, nous ramasserions les rognures si impitoyablement enlevées, pour faire rôtir les coupables par leur lente combustion. Dans l’ancien temps, avant qu’on ait appris la valeur des reliques de nos premiers imprimeurs, il y avait quelque excuse pour les péchés du relieur, qui s’égarait par l’ignorance, si générale alors ; mais, de nos jours, où la valeur historique et intrinsèque des anciens ouvrages est partout reconnue, on doit être sans pitié pour une aussi coupable négligence. »
« De Rome[283.1], relieur célèbre du xviiie siècle, à qui Dibdin a donné le sobriquet de « grand tondeur », raconte encore William Blades[283.2], était, dans sa vie privée, un homme estimable ; mais il se livrait avec amour au vice de réduire les marges des livres qu’on lui confiait à relier. Il est allé si loin dans cette rage de rogner, qu’il n’a pas épargné un bel exemplaire des Chroniques de Froissart sur vélin, dans lequel se trouve un autographe du bien connu bibliophile de Thou, qu’il a taillé sans pitié ni merci[283.3]. »
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Autres biblioclastes : les épiciers et les marchands de tabac, qui, pour confectionner leurs sacs et leurs cornets, massacrent sans pitié les livres les plus rares.
« De tout temps il a fallu des cornets à l’épicier, de tout temps il a fallu des livres à rouler en cornets ; qui sait si les Histoires de Tite-Live[284.1] et de Tacite, les Oraisons de Cicéron, les Tragédies d’Ovide et tous les ouvrages dont nous déplorons la perte, n’ont pas été la proie des épiciers du barbare moyen âge ?
« L’épicier du xixe siècle a déclaré une guerre à mort aux parchemins, sans doute en haine de la noblesse. L’âge d’or de l’épicerie date de la Révolution française, car la docte congrégation de Saint-Maur et la confrérie des épiciers ne pouvant subsister ensemble, l’une a tué l’autre.
Ah ! doit-on hériter de ceux qu’on assassine !
Le bénédictin faisait des livres, maintenant l’épicier en défait[285.1]. »
Les tailleurs et les cordonniers ont été aussi de terribles « équarrisseurs de livres ». L’abbé Lebeuf, l’historien du diocèse de Paris, nous conte que M. Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, sortant, après cinq ans de captivité, du donjon de Vincennes, où Richelieu l’avait fait enfermer pour cause de jansénisme, entra chez un tailleur et se fit prendre mesure d’un habit. Là, « il s’aperçut que le misérable artisan avait découpé les bandes sacrilèges, servant à prendre les mesures, dans les Œuvres de saint Augustin en grand papier, que le cardinal de Richelieu avait fait saisir dans la prison de son inflexible ennemi[285.2] ».
Un tailleur d’habits, de la même époque sans doute, « racontait qu’un archiviste, ou garde-titre d’un chapitre, lui avait fourni, pendant plusieurs années, des cahiers de fort beaux manuscrits grand in-folio, dont il s’était servi pour faire des bandes et prendre la mesure des habits qu’il faisait. Il en montra quelques restes, où il était encore facile de se rendre compte que c’étaient des manuscrits du xiie siècle[286.1]. »
La cordonnerie pour dames accomplit, pendant plus de vingt-cinq ans, au dire du bibliophile Jacob[286.2], « une effroyable hécatombe de livres anciens ». Voici comment :
« Le quartier qui forme le talon de la chaussure a besoin d’être fortifié par une doublure en cuir plus mince et plus rigide que celui de l’empeigne ; mais le pied délicat des femmes ne s’accommode pas de ce quartier dur et solide[286.3], qui soutient le quartier d’un soulier d’homme. Les cordonniers avaient donc imaginé de doubler le quartier des chaussures de dames avec de la peau de veau ou de mouton déjà assouplie, qu’ils empruntaient à la reliure des vieux livres. On voit d’ici l’objet principal du travail de l’équarrisseur de vieux livres. Les peaux de veau ou de basane, détachées des reliures anciennes, étaient empilées, selon leur grandeur, et formaient des paquets plus ou moins volumineux, qui se vendaient à la cordonnerie de Paris. Pendant vingt-cinq ans, ce commerce de vieille peausserie a causé l’immolation de deux à trois millions de volumes.
« Les dénicheurs de bons livres anciens, continue le bibliophile Jacob[287.1], se souviennent encore du roi des équarrisseurs, de cet honnête et farouche Quillet, qui avait ses magasins et son atelier sur le quai Saint-Michel, vis-à-vis de la Morgue. Touchant voisinage ! Cet atelier ressemblait à l’antre de Polyphème : on n’y voyait que vieilles reliures en lambeaux, livres écorchés ou déreliés, amas de vieux papiers, de gravures, de bouts de ficelle, détritus bibliographiques en tout genre. C’est là que trônait l’impassible Quillet, les bras nus, le couteau à la main, les reins ceints d’un tablier de boucher. Il passait sa vie à dépecer des livres et à en classer méthodiquement les débris. Si le livre privé de sa reliure lui semblait digne de quelque pitié, il ne le déchiquetait pas immédiatement : il le réservait pour ses clients, libraires ou bouquineurs, qui venaient sans cesse passer en revue les lamentables dépouilles de l’équarrissage. Souvent le livre était sauvé et allait se rajeunir, en faisant peau neuve, chez le relieur. Mais une fois qu’il avait été condamné à mort par le dédain ou l’oubli des acquéreurs ordinaires, il ne tardait pas à être mis en pièces et destiné à divers usages, selon la qualité du papier. Le papier fort, bien collé, des anciens livres, servait à faire des sacs pour les treilles ; le petit papier, de format in-8 et in-4. fournissait des sacs à l’épicerie ; le petit papier mou et spongieux, sans résistance et sans solidité, était fondu pour faire des cartonnages. Que Dieu fasse paix à l’âme du bon et respectable Quillet, malgré les massacres de livres qu’il a si longtemps exécutés de sa propre main et non sans une affreuse jouissance ! « Bon an, mal an, me disait-il un jour en riant dans sa barbe, je travaille plus de 50 000 volumes. Mais, ajoutait-il avec onction, je ménage les livres de piété, car je les vends toujours bien, et tout habillés. »
Un autre fameux « équarrisseur » fut le libraire Devilly père, qui utilisa de la sorte les achats considérables, faits par lui, pendant la période révolutionnaire, « de livres et de manuscrits saisis par le district. Durant plusieurs années, conte M. Bégin[288.1], la principale occupation de Mme Devilly la mère, femme d’esprit et d’ailleurs très respectable, fut de séparer du texte les miniatures qui l’illustraient. On vendait le texte aux relieurs ainsi qu’aux femmes de ménage pour couvrir leurs pots de beurre et de confitures, et les images passaient, moyennant deux, trois et quatre sous pièce, entre les mains des enfants qu’on voulait récompenser. J’ai mérité moi-même, ajoute M. Bégin, quelques-unes de ces miniatures, que je conserve encore précieusement. »
Des emprunteurs de livres, de leur sans-gêne et de leurs dégâts, nous parlerons plus loin : un chapitre spécial leur est bien dû.
Les priseurs, qui laissent si volontiers choir de leur nez de ces larges gouttelettes chatoyantes et ambrées ; les fumeurs, avec leurs débris d’allumettes mal éteintes ou noircies, avec leur jus de pipe, leurs cendres de cigare, leurs bouts de cigarettes en feu, sont encore, pour les livres, des causes de dangers continuels.
Les botanistes qui font de leurs volumes une succursale de leurs herbiers et se servent de leurs in-folio et in-quarto, comme le bonhomme Chrysale employait son gros Plutarque à mettre ses rabats, pour classer, presser et aplatir des tulipes, des iris ou des jonquilles ; le jouvenceau qui enferme pieusement dans quelque luxueux paroissien ou dans un élégant recueil de vers l’humble violette ou l’éclatante et chère pensée, don d’une main mignonne, à jamais adorée : encore des ennemis du livre !
Et ces excellentes ménagères, qui, cherchant un solide parchemin pour couvrir leurs pots de beurre ou de confitures, ne trouvent rien de mieux que d’ « utiliser » de la sorte les vieux « bouquins » et toutes les vilaines « paperasses » relégués au grenier[290.1]. Et ces généreuses mamans, qui, pour occuper et distraire leurs garçonnets ou leurs fillettes, pour avoir la paix surtout, leur donnent « des images à colorier », — d’antiques volumes à gravures sur bois et à somptueux frontispices : « On est tranquille au moins pendant ce temps-là ! On respire ! Ils ne font pas de bruit, ces bons chéris ! Ils s’amusent bien gentiment[290.2] ! »
⁂
D’une façon générale, d’ailleurs, les bibliographes n’ont cessé de se montrer plus que sévères à l’égard des femmes, et les ont, de tout temps, considérées comme d’instinctives, d’acharnées et irréductibles ennemies des livres.
Oyez comme ces discourtois chevaliers parlent d’elles.
Richard de Bury d’abord, l’auteur du Philobiblion, qu’on peut regarder, ainsi que nous l’avons dit[291.1], comme le plus ancien des bibliographes et le père de la bibliophilie :
« A peine cette bête (c’est de ce gracieux nom que l’illustre évêque de Durham et grand chancelier d’Angleterre qualifie le beau sexe, et ce sont les livres qui, par une audacieuse et irrévérente prosopopée, sont censés parler de la sorte), à peine cette bête, toujours nuisible à nos études, toujours implacable, découvre-t-elle le coin où nous sommes cachés, protégés par la toile d’une araignée défunte, que, le front plissé par les rides, elle nous en arrache, en nous insultant par les discours les plus virulents. Elle démontre que nous occupons sans utilité le mobilier de la maison, que nous sommes impropres à tout service de l’économie domestique, et bientôt elle pense qu’il serait avantageux de nous troquer contre un chaperon précieux, des étoffes de soie, du drap d’écarlate deux fois teint, des vêtements, des fourrures, de la laine ou du lin. Et ce serait avec raison, surtout si elle voyait le fond de notre cœur, si elle assistait à nos conseils secrets, si elle lisait les ouvrages de Théophraste[292.1] ou de Valère Maxime[292.2], et si elle entendait seulement la lecture du xxve chapitre de l’Ecclésiastique[292.3]. »
« Les femmes bibliophiles !… s’écrie de son côté M. Octave Uzanne[292.4]. Je ne sache point deux mots qui hurlent plus de se trouver ensemble dans notre milieu social ; je ne conçois pas d’accolade plus hypocrite, d’union qui flaire davantage le divorce ! La femme et la bibliofolie vivent aux antipodes, et, sauf des exceptions aussi rares qu’hétéroclites, — car les filles d’Ève nous déroutent en tout, — je pense qu’il n’existe aucune sympathie profonde et intime entre la femme et le livre ; aucune passion d’épiderme ou d’esprit ; bien plus, je serais tenté de croire qu’il y a en évidence inimitié d’instinct, et que la femme la plus affinée sentira toujours dans « l’affreux bouquin » un rival puissant, inexorable, si éminemment absorbant et fascinateur, qu’elle le verra sans cesse se dresser comme une impénétrable muraille entre elle-même et l’homme à conquérir. »
M. Paul Eudel remarque aussi que « la collection (des livres particulièrement) a toujours eu pour ennemies jurées nos chères compagnes : « C’est autant de moins, disent-elles, pour la toilette et pour le train de la maison[293.1] ».
M. B.-H. Gausseron déclare de même, dans son intéressant petit volume Bouquiniana[294.1], que « les livres, jusque dans la maison du bibliophile, ont un implacable ennemi, c’est la femme…. La femme, l’ennemie-née du bibliophile. »
« L’amour des livres, c’est une marque de délicatesse, mais c’est une délicatesse d’homme : les femmes, pour la plupart, ne le comprennent pas, écrit M. Porel[294.2]. Pour les ouvrages du xviiie siècle, qu’elles veulent acquérir maintenant parce qu’ils sont à la mode, elles ont été depuis longtemps particulièrement malfaisantes. »
Et le maître bibliophile Jacob, si expert en ces matières, et d’habitude cependant si courtois et indulgent, atteste à son tour, et nettement et formellement, que « les femmes n’aiment pas les livres et n’y entendent rien : elles font, à elles seules, l’enfer des bibliophiles :
Amours de femme et de bouquin
Ne se chantent pas au même lutrin[295.1] ».
Les épingles à cheveux sont, au dire de maints bibliographes, le coupe-papier habituel de la femme ; à moins qu’elle ne préfère se servir, pour le même office, de son index ou du bout de son pouce, ce qui, d’une façon comme de l’autre, taille les bords du livre en dents de scie.
« Ne confiez jamais, ô bibliophiles, le soin de couper un livre que vous tenez en estime particulière à d’autres qu’à vous-mêmes ; défiez-vous, pour accomplir cette opération si simple en apparence, mais en réalité si délicate, de cette main mignonne qui excelle dans l’art de la broderie et qui ne connaît point de rivale dans mille travaux élégants. Tout habile qu’elle est, cette main charmante, à laquelle on peut confier sans crainte la réparation du tissu le plus fin, vous fera le plus innocemment du monde d’innombrables festons aux marges que vous voulez respecter ; bien heureux si le couteau, en déviant de la ligne marquée, ne tranche cette marge jusqu’au texte, et perde ainsi à tout jamais un livre qui n’est plus présentable aux yeux d’un véritable bibliophile[296.1]. »
La mode des papillotes est, je crois, un peu passée ; mais, alors qu’elle florissait, les livres en voyaient de belles et en essuyaient de cruelles avec ces dames !
« Nous avons en main un bel ouvrage où l’on avait coupé de quoi se faire des papillotes, écrit Alkan aîné[296.2]. Les femmes surtout sont les bourreaux des livres. (Il y a bien quelques exceptions.) »
Oui, certes, il y en a, et de plus en plus[296.3] ; mais continuons notre citation :
« Nous lisons, dans un petit volume supérieurement imprimé par Pitrat aîné, à Lyon, 1879, petit in-8, papier teinté, encadrements rouges, ayant pour titre les Ennemis des livres, par un Bibliophile[297.1], ce qui suit :
« J’ai connu un bibliophile qui venait d’acquérir un livre, à la recherche duquel il était depuis longtemps ; il eut l’imprudence de le laisser sur la table de son cabinet. Le lendemain du jour de son acquisition, il trouva sa femme, entrée par hasard dans son lieu de travail, occupée à déchirer les feuillets de ce livre, pour en faire des papillotes aux boucles de ses cheveux[298.1]. »
M. René Vallery-Radot a ainsi résumé[298.2] la question « Femmes et Livres » : « … Il y a un ennemi plus dangereux encore (que le feu, l’eau, le gaz, etc.), le plus difficile à vaincre, ennemi de tous les jours, de toutes les heures, furetant partout, décidé à toutes les luttes ouvertes ou à toutes les ruses sournoises : la femme.
« En dehors de rares et très nobles exceptions, les femmes sont antibibliophiles. Un livre, à leurs yeux, n’est pas plus qu’un journal : elles le plient, elles le froissent, elles le retournent. Un coupe-papier manque-t-il ? elles prennent une carte, une épingle, même une épingle à cheveux. S’agit-il de livres rares ? le moindre bibelot les intéresse plus que toutes les premières éditions[299.1]. Elles préfèrent un bout de ruban à la plus exquise reliure. Ne leur confiez pas, en le retirant du rayon sacré qu’un bibliophile appelait « le reliquaire », un petit livre à faire pâlir de joie : elles l’ouvriraient en lui cassant le dos. Le meilleur des maris peut donner la clef de son coffre-fort à sa femme ; il ne doit pas lui donner la clef de sa bibliothèque. Il ne faut jamais laisser une femme seule avec un livre. — Tels devraient être les principes de presque tous les bibliophiles mariés. »
⁂
Parmi les ennemis, sinon des livres, du moins des beaux livres, nous avons mentionné saint Jérôme et les religieux de Cîteaux[300.1], qui condamnaient l’ornementation et le luxe des manuscrits.
Nous avons parlé aussi du célèbre ingénieur et marin Renau d’Éliçagaray, Petit-Renau[300.2], qui avait une aversion prononcée pour tous les livres, sauf pour l’ouvrage de Malebranche, la Recherche de la vérité.
Dans une de ses boutades coutumières, Jean-Jacques Rousseau nous a formellement avertis de sa haine du papier imprimé : « Je hais les livres ; ils n’apprennent qu’à parler de ce qu’on ne sait pas[300.3] ». Ce qui ne l’empêchait point, bien qu’ayant « très peu lu durant le cours de sa vie[300.4] », d’avoir tant fréquenté, surtout dans sa jeunesse, — et fréquenté presque exclusivement, — Plutarque, Montaigne et Locke, qu’on a dit avec raison « que le fond des idées de l’Émile est tout entier dans ces trois écrivains[301.1] ».
Nous avons vu le roi Charles X manifester, tout comme Henri IV, son peu de goût pour la lecture[301.2], et entendu la maréchale Lefebvre proclamer qu’elle n’était point du tout lisarde[301.3].
Charles Nodier nous a prévenus que l’amour des livres devenait de plus en plus rare[301.4] : « Aujourd’hui l’amour de l’argent a prévalu : les livres ne portent point d’intérêt…. Nos grands seigneurs de la politique, nos grands seigneurs de la banque, nos grands hommes d’État, nos grands hommes de lettres, sont généralement bibliophobes. »
« Nos grands hommes de lettres » : oui, si étrange, incroyable et inconcevable que la chose puisse paraître, parmi les ennemis des livres et des Lettres, nous relevons les noms de beaucoup de gens de lettres, et des noms des plus retentissants et des plus grands.
« Chateaubriand (1768-1848) avait une antipathie et une aversion bien singulières de la part d’un quasi-historien : il ne pouvait souffrir les livres. Mme de Chateaubriand écrivait, le 10 juillet 1839, à un vieil ami de Lyon, l’abbé de Bonnevie : « Le bon abbé Deguerry vous aura dit que nous sommes très contents de notre appartement. M. de Chateaubriand surtout en est enchanté, parce qu’il n’y a pas moyen d’y placer un livre : vous connaissez l’horreur du patron pour ces nids à rats qu’on appelle bibliothèques[302.1]. »
Ajoutons que Mme de Chateaubriand partageait l’aversion de son illustre époux : « Elle n’estimait guère les livres qu’au poids…. Elle eût été bien fâchée de perdre son temps à lire, » nous avoue Danielo[303.1], le secrétaire de Chateaubriand. Et, parlant de son patron, il dit encore : « Je ne crois pas même qu’il ait jamais eu une édition bien complète de ses œuvres. Quand il avait besoin d’un livre ou d’une recherche, j’étais là pour aller aux bibliothèques publiques. »
Tout comme Shakespeare, qui ne devait pas être grand liseur, puisque « son ignorance faisait pitié à Ben Johnson[303.2] », « Victor Hugo (1802-1885) lisait très peu, et c’est en fouillant dans son imagination, aidée de Sauval et de l’historien Pierre Matthieu, qu’il a édifié sa Notre-Dame[303.3] ». La bibliothèque de Victor Hugo était « très peu nombreuse (si tant est qu’il eût une bibliothèque) », dit encore Sainte-Beuve[303.4]. Jules Simon est plus précis et plus formel : « Victor Hugo n’avait pas un seul livre chez lui, écrit-il[303.5] ; j’en ai vingt-cinq mille chez moi. On peut se passer de livres quand on est Victor Hugo. Quand on n’est que moi, on n’en a jamais assez. »
De même pour Lamartine (1790-1869) : « Lamartine n’avait jamais eu de goût pour la lecture. « Je n’ai commencé à lire, disait-il, que vers cinquante ans, à l’âge où les autres relisent. » A partir de cette date de sa vie, ce qui l’intéresse, ce sont les mémoires du xviie et du xviiie siècle, et, phénomène bizarre, surtout la correspondance de Voltaire[304.1]. »
Guy de Maupassant (1850-1893) non plus n’aimait pas à lire : « il a avoué lui-même plusieurs fois son manque de goût pour la lecture. Il pensait que les livres, parce qu’ils déforment nécessairement la réalité en la limitant, trompent et faussent l’esprit[304.2]. »
Il y a un autre aveu, une autre explication, plus exacte peut-être et plus franche, due à Chateaubriand[304.3] : « Si nous lisions, nous aurions moins de temps pour écrire, et quel larcin fait à la postérité ! »
« Je suis aussi peu bibliophile que possible, déclarait Émile Zola (1840-1902)[304.4], et tous les livres de ma très pauvre bibliothèque sont des livres d’écolier, les éditions les plus communes et les plus commodes. »
Posséder des éditions « communes » n’est pas un mal, d’autant plus, en effet, que ces éditions sont souvent « les plus commodes » ; mais encore faudrait-il s’en servir, de ces humbles volumes, faudrait-il les lire. Or, Zola, selon ses propres paroles, n’avait pas le temps de lire : il écrivait trop. « Quel est donc, disait-il un jour à Léon de la Brière[305.1], celui d’entre nous qui s’amuse à lire, j’entends à lire des livres, sans y être contraint par un travail qu’il médite et prépare, par une œuvre qui nécessite des recherches dans ces livres mêmes ? Il n’y a que les flâneurs, que les paresseux qui ont le temps de lire[305.2] ! — Pourtant, objectait La Brière, nos meilleures lectures, celles qui nous procurent le plus de plaisir, sont précisément celles qu’on fait pour elles-mêmes, pour elles seules…. — Bah ! Bah ! Est-ce que les charcutiers s’avisent jamais de manger du boudin ? Mais non, mon ami ! Ils laissent leur marchandise aux clients ! » conclut Zola.
Et qui ne se rappelle la superbe, la mémorable et inoubliable déclaration de Pierre Loti (1850-….), dans son discours de réception à l’Académie française : « Je ne lis jamais…. Par paresse d’esprit, par frayeur inexpliquée de la pensée écrite, par je ne sais quelle lassitude avant d’avoir commencé, je ne lis pas. » Émule de la bonne maréchale Lefebvre, je ne suis point du tout lisard ; je sais tout, je comprends tout, j’ai de moi-même et ab ovo l’omniscience infuse[306.1].
Sainte-Beuve, ce si délié et expert observateur des gens de lettres et des choses littéraires, a fort bien reconnu et nettement attesté, et expliqué aussi, ce phénomène : « Les grands auteurs, une fois arrivés à la gloire, se lisent et ne lisent guère qu’eux-mêmes[306.2] ». Et, ajoutons-le, combien d’écrivains se croient ici « grands auteurs », se figurent être « arrivés à la gloire » ; combien, en dehors de Pierre Loti, d’Émile Zola, de Maupassant, etc., « ne lisent guère qu’eux-mêmes » !
Rappelons d’ailleurs cette autre remarque, cet autre principe, aussi formulé par Sainte-Beuve[306.3] : « Ce sont les ignorants comme Pascal, comme Descartes, comme Rousseau, ces hommes qui ont peu lu, mais qui pensent et qui osent, ce sont ceux-là qui remuent bien ou mal et qui font aller le monde ».
Nous avons vu[306.4] que Mélanchthon bornait toute sa bibliothèque à quatre auteurs : Platon, Pline, Plutarque et Ptolémée. Le philosophe matérialiste Hobbes (1588-1679), lui, « ne possédait point de bibliothèque. Il avait très peu lu dans son enfance, et souvent il disait à ses amis : « Depuis l’âge de seize ans je n’ai pas ouvert un livre ». Il a dit encore : « Si j’avais lu autant de livres que tels et tels, je serais aussi ignorant qu’ils le sont[307.1] ».
« Les génies [hommes de génie] lisent peu, pratiquent beaucoup et se font d’eux-mêmes, » affirmait Diderot[307.2]. Ce qui est en complet désaccord avec l’assertion si « intrépide[307.3] », si téméraire d’Emerson, que nous avons vue citée par Jules Levallois : « Les hommes de génie doivent être de grands liseurs ».
Il y a même eu des gens de lettres partisans de la destruction des livres.
Dans le Mercure du 15 février 1794, le critique La Harpe (1739-1803), ci-devant membre de l’Académie française, et pour le quart d’heure fougueux démagogue, en attendant qu’il devînt aristocrate forcené, se contente de demander qu’on supprime les armoiries « des tyrans » sur les plats des volumes de la Bibliothèque nationale, qu’on fasse disparaître « les enveloppes royales qui déshonorent ces matériaux immortels », dût cette opération coûter quatre millions. « Nous n’en sommes pas à quatre millions près, quand il s’agit d’une opération publique, vraiment républicaine, et qui intéresse l’honneur national[308.1]. »
La Convention, grâce en partie à Marie-Joseph Chénier, repoussa cette barbare et stupide proposition.
Mais un autre écrivain du même temps, ce paradoxal et ce fou de Sébastien Mercier (1740-1814)[308.2], — qui déclarait que le cri de la grenouille est des plus agréables à entendre, et que le prétendu chant du rossignol est horripilant ; que c’est le soleil qui tourne autour de la terre ; etc.[308.3], — Mercier n’avait pas attendu l’avènement de la Révolution pour réclamer la suppression des bibliothèques publiques.
« Ce monument du génie et de la sottise, — disait-il de la Bibliothèque du Roi, en 1781, — prouve que le nombre des livres ne fait pas les richesses de l’esprit humain. C’est dans une centaine de volumes que résident son opulence et sa véritable gloire…. Qui saisira un flambeau pour anéantir cet absurde amas de vieilles et folles conceptions (c’est toujours de la Bibliothèque royale qu’il s’agit), que le génie, méconnaissant ses propres forces et se confiant en autrui, va consulter encore dans ses premières années, et qui lui font perdre un temps précieux ! »
C’était à peu près ou plutôt absolument le même langage que tenait au bibliophile Jacob, à qui j’emprunte ces détails[309.1], non pas un révolutionnaire, un énergumène ou un halluciné, mais un savant de l’Institut, un ministre de Napoléon III, le maréchal Vaillant (1790-1872) : « Je vous fais de la peine, reprit le maréchal en voyant mon air consterné, — continue le bibliophile Jacob ; — je ne puis pas cependant vous cacher ce que je répète sans cesse au conseil des ministres : Les bibliothèques publiques ne servent qu’à nourrir les vers et les souris, en coûtant beaucoup d’argent à l’État, et en occupant de vastes bâtiments qu’on pourrait mieux employer…. — Oui, répliquai-je audacieusement, si on les transformait en casernes ?… — Pourquoi pas ? repartit vivement le ministre, qui n’aimait pas la contradiction. Au reste, j’attends qu’un bon incendie nous en débarrasse, un jour ou l’autre. »
Ce « bon incendie », la Commune allait se charger de l’allumer, et ce n’est pas sa faute si nous n’avons pas été « débarrassés » de la Bibliothèque nationale et des autres, comme de celle du Louvre.
Mais le comble, c’est le bibliothécaire bibliophobe, le bibliothécaire biblioclaste, le bibliothécaire qui n’aspire qu’à voir flamber tous les livres dont il a la garde, et qui appelle ce beau jour de tous ses vœux. Les types de cette race n’abondent pas, et l’on n’en cite jusqu’ici qu’un exemple : c’est encore le bibliophile Jacob qui nous le fournit. « Il y a vingt ans et plus, écrivait-il en 1877[310.1], on avait fait un bibliothécaire dans une de nos grandes bibliothèques publiques ; on l’avait fait de rien, car c’était un poète pour tout potage. Poète et bibliothécaire, c’est l’eau et le feu. Je fis compliment au nouveau bibliothécaire : « Oh ! me répondit le poète, de l’air le plus dégagé, je fais des vœux tous les jours pour que la Bibliothèque brûle. — La Bibliothèque où vous êtes employé ! m’écriai-je stupéfait. — Sans doute… comme la bibliothèque d’Alexandrie. A quoi bon tant de livres qu’on ne lit pas et qui ne méritent pas d’être lus ? Il y a cinquante à soixante ouvrages à conserver, cela suffit, et ces ouvrages-là sont dans les mains de tout le monde. Le reste n’est bon qu’à être dévoré par les vers ou mis en cendres. — Et vous êtes bibliothécaire ! repris-je en lui tournant le dos. »
C’est en 1852 ou 1853, à la Bibliothèque de l’Arsenal, que la scène s’est passée. Bien entendu, parmi ces cinquante ou soixante ouvrages sauvés du désastre, ceux du barde en question devaient se trouver, ou plutôt il ne devait plus rester sur terre que ceux-là, que le recueil de ses chants patriotiques et bibliques, fort émouvants d’ailleurs, vibrants, fulgurants et superbes[311.1].
- Ludovic Lalanne, Curiosités bibliographiques, p. 197. ↩
- Id., ibid. ↩
- Mélanges d’histoire et de littérature, tome II, page 56-57. (Paris, Prudhomme, 1725.) ↩
- Actes des apôtres, chap. xix, verset 10, trad. Le Maistre de Sacy. On connaît le beau tableau du Louvre, chef-d’œuvre d’Eustache Le Sueur, représentant la Prédication de saint Paul à Éphèse. ↩
- Histoire ecclésiastique, livre I, chap. xlii, ap. Ludovic Lalanne, op. cit., p. 198. ↩
- Pages 8 et 9. ↩
- Cf. Ludovic Lalanne, op. cit., pp. 201 et s., où cette question de la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie est discutée avec science et bien résumée. Le premier auteur qui ait parlé de l’incendie de cette bibliothèque par les Arabes est Abd-Allatif, médecin arabe de Bagdad, mort en 1231, c’est-à-dire 591 ans après cet événement. « Quant au prétendu incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, un tel vandalisme était tellement contraire aux habitudes des Arabes, qu’on peut se demander comment une pareille légende a pu être acceptée pendant si longtemps par des écrivains sérieux. Elle a été trop bien réfutée à notre époque pour qu’il soit nécessaire d’y revenir. Rien n’a été plus facile que de prouver, par des citations fort claires, que, bien avant les Arabes, les chrétiens avaient détruit les livres païens d’Alexandrie avec autant de soin qu’ils avaient renversé les statues, et que, par conséquent, il ne restait plus rien à brûler. » (Dr Gustave Le Bon, la Civilisation des Arabes, p. 208 ; Paris, Didot, 1884.) ↩
- Voir ces autres causes dans Ludovic Lalanne, op. cit., p. 203. ↩
- Cf. ce que dit à ce sujet Jean-Jacques Rousseau (Discours sur les sciences et les arts : Œuvres complètes, t. I, p. 18, n. 1 ; Paris, Hachette, 1862) : « Supposez Grégoire le Grand à la place d’Omar, et l’Évangile à la place de l’Alcoran, la bibliothèque aurait encore été brûlée, » — en vertu du même raisonnement. ↩
- Cf. Larousse, op. cit., art. Omar Ier. ↩
- Cf. notre tome I, page 82. ↩
- Dans l’Histoire de l’imprimerie de Paul Lacroix, Fournier et Seré (p. 8), ce bibliothécaire est nommé, et non surnommé. Læcuménique (avec un æ et non un œ). ↩
- Livre VI ; ap. Ludovic Lalanne, op. cit., p. 208. ↩
- Voir les détails de ce pillage ap. Ludovic Lalanne, op. cit., pp. 208-209. ↩
- E. Quatremère, Mémoires géographiques et historiques sur l’Égypte, t. II, pp. 506-507 (Paris, Schœll, 1811) ; et cf. Ludovic Lalanne, op. cit., pp. 210-211. ↩
- Tome I, pages 102-103 et 115. ↩
- Citée par Mabillon, ap. Ludovic Lalanne, op. cit., p. 229. ↩
- Bulletin du bibliophile, mars 1835, p. 13. ↩
- Robertson, Histoire de l’Amérique, livre VII, ap. Ludovic Lalanne, op. cit., p. 215. « Imitant saint Paul à Éphèse, l’archevêque Zumarraga à Tlatelulco, Nuñez de la Vega à Chiapa, et d’autres encore, firent brûler, comme suspects de nécromancie, tous les ouvrages mexicains qu’ils purent découvrir. » (Élisée Reclus, Nouvelle Géographie universelle, t. XVII, p. 89.) ↩
- Cf. Ludovic Lalanne, op. cit., p. 215. ↩
- Cf. Id., op. cit., p. 218. ↩
- Signalons aussi, en Espagne (Catalogne, province de Tarragone), le pillage du célèbre monastère cistercien de Poblet, qui renfermait, outre les tombeaux des rois dAragon, quantité d’œuvres d’art et une magnifique bibliothèque. Pendant les troubles civils de 1835, les moines s’enfuirent, emportant les objets les plus précieux, et, profilant de cet abandon, des bandes de malfaiteurs mirent à sac le couvent et l’incendièrent. (Cf. Guides Joanne, Espagne et Portugal, 1898, p. 108.) Dom Vincente, le fameux libraire assassin de Barcelone (qui, en quelques mois, tua douze de ses clients pour leur reprendre les livres qu’ils lui avaient achetés), était un ancien moine de Poblet. Il fut condamné à mort et exécuté en 1836. (Cf. mon volume Amateurs et Voleurs de livres, pp. 27-50.) ↩
- Cf. Ludovic Lalanne, op. cit., pp. 219-220. ↩
- Page 170. (Paris, Dentu, 1866.) ↩
- Le Magasin pittoresque, 1876, p. 27 : les Ennemis des livres (articles anonymes). Cf. Ferdinand Denis, Histoire de l’ornementation des manuscrits, p. 125. (Paris, Curmer, 1857 ; in-4.) ↩
- Mlle Aïssé, Lettres à Mme Calandrini, lettre XI, De Paris, 1727 ; p. 60. (Paris, Librairie des bibliophiles, 1878.) ↩
- William Blades, les Livres et leurs ennemis, p. 112. (Trad. de l’anglais ; Paris. Claudin, 1883.) ↩
- Op. cit., p. 113. ↩
- « Lamartine, qui en arrachait les feuillets (de ses livres), lorsqu’il avait une citation à intercaler dans ses manuscrits. » (Lucien Descaves, le Sort des livres, dans le Livre à travers les âges, p. 27.) ↩
- Victor Fournel est l’auteur, sous le pseudonyme d’Edmond Guérard, d’un Dictionnaire encyclopédique d’anecdotes (Paris, Didot, 1872 ; 2 vol. in-12), et c’est sans doute pour la confection de ce recueil qu’il massacra ainsi nombre de volumes de sa bibliothèque. ↩
- L’Art de classer les notes, p. 36. ↩
- Guyot-Daubès, op. cit., p. 37. ↩
- Il me parait très probable que ni le médecin Camille Falconet (1671-1762), ni le sculpteur Étienne Falconet (1716-1791) n’est coupable de ce barbare moyen de quintessencier les livres, qu’on leur a confusément attribué à l’un et à l’autre. Victor Fournel (Edmond Guérard) raconte cette anecdote, précisément dans le Dictionnaire (p. I, p. 147) dont nous venons de parler, mais il n’ajoute au nom de Falconet aucun prénom ni aucune épithète. Il indique comme référence Panckoucke ; mais ce nom isolé est insuffisant pour nous renseigner. M. Guyot-Daubès (op. cit., p. 37) accuse nettement, d’ailleurs sans preuve aucune ni indication de source, « le célèbre médecin Falconet ». Pour M. Fertiault (les Légendes du livre, p. 200), le coupable serait Étienne Falconet qui « se rappelait sans doute avec terreur les 45 000 volumes de son oncle Camille, le médecin. C’est d’Alembert qui conte le fait », ajoute M. Fertiault. D’abord, ainsi que Jal le démontre (Dictionnaire critique de biographie et d’histoire, art. Falconet), rien ne prouve les relations de parenté entre Étienne et Camille Falconet ; tout porte à croire, au contraire, qu’ils n’appartenaient pas à la même famille. Ensuite, si d’Alembert « conte le fait », il n’en nomme pas l’auteur. Voici le texte de d’Alembert (Encyclopédie, t. II, p. 228, col. 2, art. Bibliomanie) : « J’ai ouï dire à un des plus beaux esprits de ce siècle qu’il était parvenu à se faire, par un moyen assez singulier, une bibliothèque très choisie, assez nombreuse, et qui pourtant n’occupe pas beaucoup de place. S’il achète, par exemple, un ouvrage en douze volumes où il n’y ait que six pages qui méritent d’être lues, il sépare ces six pages du reste, et jette l’ouvrage au feu. Cette manière de former une bibliothèque m’accommoderait assez, » conclut d’Alembert. Le médecin Camille Falconet, qui était un très obligeant érudit, possédait une « immense bibliothèque (elle renfermait 45 000 volumes, dont 11 000 entrèrent à la Bibliothèque du Roi….) Elle était au service de tout le monde…. Sa méthode était d’écrire ses observations sur des cartes (fiches). Il en laisse au moins 90 000, dont la plupart doivent être très curieuses. » (Grimm, Correspondance littéraire, février 1762, t. V, pp. 46-47 ; Paris, Garnier, 1878.) Voir aussi Diderot, Œuvres complètes, t. XIII, p. 463, Encyclopédie, art. Bibliothèque (Paris, Garnier, 1876). — A notre connaissance, aucun contemporain de Camille Falconet ne fait de lui un massacreur de livres, un biblioclaste, au contraire. Ce sont très probablement ses 90 000 fiches, soigneusement confectionnées par lui et léguées à son ami Lacurne de Sainte-Palaye (cf. Hœfer, Biographie générale, art. Falconet), qui ont fait croire qu’il s’agissait, non de résumés, de réflexions ou d’extraits copiés à la main, mais d’extraits réels, de pages lacérées et enlevées. Telle la singulière confusion qui attribue à Buffon l’habitude d’écrire non seulement en jabot et manchettes brodées, — ce qui n’offre rien d’impossible ni de bien surprenant, — mais sur ses manchettes amidonnées ; plutôt que l’habitude d’écrire sur les marges ou manchettes de son papier tout simplement. — On a accusé de même, et sans preuve aucune, le moraliste Joubert de déchirer ses livres et d’en enlever toutes les pages qui lui déplaisaient : cf. supra, t. I, p. 184, notes. ↩
- Gustave Brunet, Fantaisies bibliographiques, p. 253. ↩
- Annuaire du bibliophile, 1861, p. 215. ↩
- On écrit plus généralement Derome. ↩
- Op. cit., p. 105. ↩
- Dans son Voyage bibliographique… en France, Dibdin, dont il vient d’être question, reproche à beaucoup de livres rares (manuscrits et incunables) de la Bibliothèque Royale (aujourd’hui Nationale) d’avoir été trop rognés par les relieurs (Derome et autres). Ce reproche, cette remarque, dit G.-A. Crapelet, dans une note de sa traduction de cet ouvrage (t. III, p. 265), « ne paraîtra peut-être pas aussi désintéressée qu’elle le semble d’abord, si l’on considère que M. Dibdin est bibliothécaire de lord Spencer, qui possède aussi la plupart de ces beaux livres, et qu’il trouve satisfaction et contentement d’amour-propre national à décerner la palme à presque tous les livres de son patron, rivaux de ceux de la plus riche bibliothèque du monde ». Et, dans la suite de cette note, G.-A. Crapelet démontre que la plupart de ces beaux livres ne sont réellement pas « trop rognés ». ↩
- Des cent quarante-deux livres de Tite-Live, trente-cinq seulement nous sont parvenus, dont plusieurs incomplets. Au xive siècle, « un garçon de lettres, précepteur du marquis de Rouville, jouant à la longue paume dans les loisirs de la campagne, près de Saumur, trouva que son battoir était garni d’une feuille de parchemin antique contenant un fragment de cette décade [la seconde]. Il courut sur-le-champ chez le fabricant de battoirs pour en sauver les derniers débris : tout avait passé en raquettes. » (Feuillet de Conches, Causeries d’un curieux, t. I, p. 477. Cf. aussi Paul Stapfer, Des Réputations littéraires, la Mort des livres, t. I, p. 229.) ↩
- P. L. Jacob, les Amateurs de vieux livres, p. 40. (Paris, Rouveyre, 1880.) ↩
- Ap. Édouard Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, 5e édit., t. VIII, p. 86. ↩
- Abbé Lebeuf, ap. Édouard Rouveyre, op. cit., 5e edit., t. VIII, p. 86. ↩
- Le commerce des livres anciens, dans les Miscellanées bibliographiques, publiées par Édouard Rouveyre et Octave Uzanne, t. II, pp. 75-76. ↩
- Il faudrait plutôt, il me semble : de cette doublure en cuir dur et solide, qui soutient le quartier, etc. ↩
- Loc. cit., pp. 76-77. ↩
- E.-A. Béguin, Mémoires de l’Académie de Metz, xxive année, ap. Édouard Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, 5e édit., t. VIII, pp. 86-87, notes. ↩
- « … Comment ignorer aujourd’hui que, de siècle en siècle, des milliers de pots de confiture ont été hermétiquement fermés aux dépens des documents historiques les plus importants ? La correspondance du cardinal de Granvelle (l’heureux confident de Charles-Quint), qui ne compte pas moins de quatorze gros volumes publiés par ordre de Guizot, en aurait offert plus de vingt aux âges futurs, si les ménagères d’un antique château de la Franche-Comté n’avaient pas eu plus de sollicitude pour leurs pots de conserves que pour des souvenirs diplomatiques écrits sur vieux parchemin. » (Le Magasin pittoresque, 1875, p. 307, les Ennemis des livres.) ↩
- Cf. dans le Magasin pittoresque, années 1873, 1875, 1876, 1878, cette suite d’articles anonymes humoristiques très intéressants, intitulés les Ennemis des livres, auxquels je viens encore de faire un emprunt. ↩
- Cf. supra, t. I, p. 93. ↩
- Les Caractères. ↩
- De dictis faetisque memorabilibus, lib. IX. « Cet ouvrage, fort estimé au moyen âge, fut traduit en France, dès le milieu du xive siècle, par Simon de Hesdin, contemporain de Richard de Bury. » (Note de Cocheris.) ↩
- Richard de Bury, Philobiblion, chap. iv, pp. 39-40, trad. Cocheris. Voici quelques versets de ce xxve chapitre de l’Ecclésiastique :
« Toute malice est légère au prix de la malice de la femme : qu’elle tombe en partage au pécheur.
« La femme a été le principe du péché, et c’est par elle que nous mourons tous.
« Ne donnez point à l’eau d’ouverture, quelque petite qu’elle soit, ni à une méchante femme la liberté de se produire au dehors.
« Si vous ne l’avez comme sous votre main lorsqu’elle sort, elle vous couvrira de confusion à la vue de vos ennemis. »
En revanche, le chapitre suivant (xxvie) de l’Ecclésiastique parle très élogieusement et en fort beaux termes de la femme vertueuse, et offre ainsi la contre-partie du xxve :
« La femme vertueuse est un excellent partage, c’est le partage de ceux qui craignent Dieu, et elle sera donnée à un homme pour ses bonnes actions.
« Qu’ils soient riches ou pauvres, ils auront le cœur content, et la joie sera en tout temps sur leurs visages. »
Etc., etc. ↩
- Zigzags d’un curieux, les Femmes bibliophiles, p. 30. ↩
- Paul Eudel, le Truquage, Livres et Reliures, p. 275. (Paris, Dentu, 1887.) D’après M. Firmin Maillard (les Passionnés du livre, p. 11), M. de Sacy estime que les femmes de bibliophiles sont bien plus heureuses et bien plus riches quelles ne le croient : « Ménagères qui avez le bonheur de posséder un mari bibliophile, au lieu de faire une figure refrognée, lorsque vous voyez arriver un nouveau paquet de livres, et que la bibliothèque envahit peu à peu tout l’appartement, réjouissez-vous donc ! c’est la fortune de vos enfants qui augmente. Les robes de vos filles et les cigares de vos fils, pour ne parler que des cigares, vous coûtent plus cher et il n’en reste rien…. Puis, point de jalousie, point de tracasserie, la femme du bibliophile est nécessairement la maîtresse de la maison, pourvu qu’elle sache s’arrêter au seuil du cabinet. » ↩
- Bouquiniana, notes et notules d’un bibliophile, pp. 36 et 94. — ouvrage destiné à « tous les amants du livre, curieux des opinions et des impressions de ceux qui l’ont aimé avant eux » (p. 6), où l’auteur a réuni, comme nous l’avons fait dans notre tome I et comme nous le faisons ici encore, un grand nombre de maximes et pensées sur les livres et la lecture. M. Gausseron a glané de préférence parmi les écrivains anglais. ↩
- Préface du catalogue de sa bibliothèque, journal le Temps, 25 février 1901. ↩
- Ap. Octave Uzanne , op. cit., p. 31. On a aussi orthographié et imprimé ce distique boiteux — que M. Uzanne traite tout simplement en vile prose et écrit sans alinéa — de cette façon :
- Amour de femme et de bouquin
Ne se chante au même lutrin.
(Maurice Cabs, journal la République, 29 décembre 1901.) ↩
- Amour de femme et de bouquin
- Le Magasin pittoresque, 1875, p. 262, les Ennemis des livres. ↩
- Les livres et leurs ennemis, p. 15. ↩
- Il n’y a, en effet, rien d’absolu ici-bas, et il convient de rappeler, comme correctif et exemples de femmes bibliophiles, les noms d’Isabeau de Bavière, d’Anne de Bretagne, de Catherine de Médicis, de la marquise de Pompadour, de la comtesse de Verrue (la dame de Volupté), de la vicomtesse de Noailles, des duchesses de Raguse et de Mouchy, de Mlle Dosne, de Mlle Marie Pellechet surtout, à qui ses importants travaux sur les incunables ont valu le titre (qu’aucune femme avant elle n’avait porté) de bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque nationale ; etc. (Cf. Mouravit, op. cit., pp. 43-45 et 378 ; Mémorial de la librairie française, 4 juillet 1901, p. 395 ; et surtout Ernest Quentin-Bauchart, les Femmes bibliophiles de France ; Paris, Morgand, 1886 ; 2 vol. in-8.) Le baron Ernouf a même revendiqué, il y a quelque quarante ans, pour une vierge et martyre du xe siècle, le glorieux titre de « patronne des bibliophiles ». Il a placé tous les amis des livres sous la protection de sainte Wiborade (Weibrath, femme sage et de bon conseil), qui, issue d’une riche et puissante famille de la Souabe, se retira dans une cellule voisine du monastère de Saint-Gall, et s’occupa à broder et orner les étoffes destinées à couvrir les nombreux et somptueux manuscrits que possédait ce monastère. Une horde de barbares et de païens, des Hongrois, ayant envahi le pays, la noble recluse courut chez les moines en poussant ce cri, qui remplissait d’enthousiasme le baron biographe, et mérite encore la reconnaissance de tous les bibliophiles : « Sauvez d’abord les livres ! Cachez-les ! Vous vous occuperez ensuite de mettre à l’abri les vases sacrés ! » Est-ce cette préférence qui lui valut un si prompt châtiment, — ou une si soudaine récompense céleste ? Tant il y a que, les barbares partis, Wiborade fut trouvée morte dans sa cellule, la tête fracassée par trois coups de hache, et baignant dans son sang. (Cf. Bulletin du bibliophile, 14e série, 1860, pp. 1429-1446, article du baron Ernouf, intitulé : Une Martyre bibliophile.) On pourrait ajouter encore ici le nom d’une célèbre abbesse du xiie siècle, Herrade de Landsperg ou Landsberg (….-1195), qui composa et calligraphia de sa propre main l’Hortus deliciarum, sorte d’encyclopédie abrégée des connaissances humaines au point de vue religieux, admirable manuscrit de 648 feuillets, orné d’un grand nombre de dessins et de figures coloriées, qui se trouvait dans la bibliothèque de Strasbourg et a péri, en 1870, durant l’incendie allumé par les obus prussiens. (Cf. P. Louisy, le Livre et les Arts qui s’y rattachent, p. 56 ; Michaud, op. cit. ; Larousse, op. cit.) ↩
- Alkan aîné, op. cit., p. 15. Citons encore, en bas de page tout au moins, cette drolatique anecdote, contée, à peu près en ces termes, par la Revue de poche (1re année, nº 2, s. d.), sous la rubrique : Enfants terribles ! « Un Poète (en visite) : Je me suis permis, Madame, de vous envoyer mon nouveau recueil, les derniers nés de ma Muse…. — La Dame : Et je vous en remercie infiniment, Monsieur. Vos vers sont exquis, et j’en suis encore tout extasiée…. Mais où l’ai-je donc mis, ce charmant petit volume ? — Charlot (bambin de cinq ans) : Mais tu sais bien, maman ! Aussitôt reçu, lu l’as mis sous le pied de la table, pour qu’elle ne boite pas. Tu ne te souviens donc plus ! » ↩
- Dans sa préface de la réimpression de l’opuscule de Charles Nodier, le Bibliomane, pp. xi-xii. (Paris, Conquet, 1894.) ↩
- « Pourquoi les livres coûtent-ils si bon marché et les bibelots si cher ? C’est que les femmes adorent les bibelots et qu’elles ne s’intéressent pas aux livres. Le bibelot est décoratif, on le met dans son salon, on l’accroche aux murs ; tout le monde le remarque et s’extasie…. » (Adolphe Brisson, Portraits intimes, Un amateur de vieux livres [Xavier Marmier], p. 24.) « Une femme élégante et riche, une femme d’esprit, a noté Mme de Girardin, attend patiemment deux mois pour lire un roman de George Sand, et l’idée ne lui vient pas de l’acheter [elle préfère avoir recours aux cabinets de lecture] ; et, dans son élégante demeure, vous trouverez toutes les splendeurs imaginables…. Cependant il est une justice à rendre à nos jeunes élégantes : elles n’ont point de livres, c’est vrai, mais elles ont de superbes bibliothèques, des armoires de Boule d’un grand prix, auxquelles on a laissé, par respect, le nom menteur de bibliothèque. Mais ne craignez pas que ces belles armoires restent inutiles ; non, certes; on leur donne un très noble emploi ; voyez, dans celle-ci, les chapeaux, les bonnets et les turbans de Madame…. Au fond des plus petites armoires, sur les étagères, pas un livre non plus…. Vous trouvez des bergers en flacon, des chiens de porcelaine, des magots chinois…. Mais à quoi bon des livres ? O progrès ! Que voulez-vous ? les jeunes femmes ne lisent plus, et, chose plus terrible, hélas ! celles qui, par exception, lisent encore un peu … écrivent !! » Mme Émile de Girardin, le Vicomte de Launay, Lettres parisiennes, 16 décembre 1837, t. I, pp. 288-289; Paris, Calmann Lévy, 1878.) ↩
- Supra, chap. v, p. 143, n. 1. ↩
- Supra, t. I, p. 249. ↩
- Émile, livre III, t. I, p. 563. (Paris, Hachette, 1862.) ↩
- David Hume, lettre citée par Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. II, p. 79. Cf. supra, chap. iv, p. 134, n. 2. ↩
- L’abbé Morellet, ap. Peignot, Manuel du bibliophile, t. I, p. 314. ↩
- Supra, t. I, p. 125. Ce qui n’empêcha pas, notons-le pour rester impartial, le roi Charles X, alors qu’il n’était que comte d’Artois, de « signaler son goût pour les lettres » en faisant imprimer à ses frais, par Ambroise Didot, de 1780 à 1784, une collection d’ouvrages français tout à fait remarquable. « Il était difficile que la typographie produisit rien de plus joli que ces soixante-quatre petits volumes, que l’on placera toujours parmi les chefs-d’œuvre des Didot. » (J.-C. Brunet, Manuel du libraire, t. II, col. 137, art. Collection.) ↩
- Supra, ibid. ↩
- Cf. supra, chap. iv, p. 142, n. 1. ↩
- Sainte-Beuve, Chateaubriand et son groupe littéraire, t. II, pp. 70-71, note. Cette « horreur du patron » pour les livres et les bibliothèques ne l’empêchait pas de glisser, dans une note de son Itinéraire de Paris à Jérusalem (t. II, p. 48 ; Paris, Didot, 1877), ces considérations, qui sont plus que jamais d’actualité : « Aujourd’hui, dans ce siècle de lumières, l’ignorance est grande. On commence par écrire sans avoir rien lu, et l’on continue ainsi toute sa vie. Les véritables gens de lettres gémissent en voyant cette nuée de jeunes auteurs qui auraient peut-être du talent s’ils avaient quelques études. Il faudrait se souvenir que Boileau lisait Longin dans l’original, et que Racine savait par cœur le Sophocle et l’Euripide grecs. Dieu nous ramène au siècle des pédants ! Trente Vadius ne feront jamais autant de mal aux lettres qu’un écolier en bonnet de docteur. » ↩
- Ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 198. ↩
- Gustave Planche, Portraits littéraires, t. II, p. 349. (Paris, Werdet, 1836.) ↩
- Sainte-Beuve, Nouvelle Correspondance, p. 280, lettre du 15 juin 1868. ↩
- Nouveaux Lundis, t. IV, p. 454, Appendice. ↩
- Ap. Georges Brunel, le Livre à travers les âges, p. 3. ↩
- Edmond Texier, Lamartine, ap. Staaff, la Littérature française, t. III, Cinquième cours, pp. 536-537. ↩
- Édouard Maynial, la Composition dans les romans de Maupassant, Revue bleue, 31 octobre 1903, p. 563. ↩
- Études ou Discours historiques, préface, p. 24. (Paris, Didot, 1861.) ↩
- Ap. Georges Brunel, op. cit., p. 3. ↩
- Cf. mon volume le Dîner des Gens de lettres, Souvenirs littéraires, pp. 185-186. (Paris, Flammarion, 1903.) ↩
- « La lecture, cette paresse déguisée…. ». (Le Père Gratry : cf. supra, t. I, p. 195, n. 2.) ↩
- Fertiault, les Amoureux du livre, p. 358. ↩
- Ap. Albert Collignon, la Religion des Lettres, p. 359. ↩
- « Emerson, avec cette intrépidité d’assertion qui le caractérise…. » (Jules Levallois : cf. supra, chap. iv, p. 135). D’autre part. — et pour tâcher de faire entendre tous les sons, — H. de Balzac a noté que « les grands conteurs : Ésope, Lucien, Boccace, Rabelais, Cervantes, Swift, La Fontaine, Lesage, Sterne, Voltaire, Walter Scott, les Arabes inconnus des Mille et une Nuits, sont tous des hommes de génie autant que des colosses d’érudition ». (Petites Misères de la vie conjugale, p. 164 ; Paris, Librairie nouvelle, 1862.) ↩
- Ap. Eugène Despois, le Vandalisme révolutionnaire, p. 221. Voir particulièrement, dans cet ouvrage, sur le sujet qui nous occupe, les chapitres xv et xvi, Rapports de Grégoire sur le vandalisme et Bibliothèques. ↩
- « Fou furieux », dit le bibliophile Jacob (l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 février 1877, col. 75) ; mais qui ne manque pas de talent, et dont les écrits sont d’une originalité parfois pleine d’intérêt. ↩
- Cf. Larousse, op. cit. « Ce bizarre Mercier…, qui s’intitulait lui-même le premier livrier de France », est un de ces excentriques qualifiés qui frisent le génie et qui le manquent…. Il ne pouvait souffrir un livre relié, et, dès qu’il en tenait un, il lui cassait le dos. (Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. X, p. 84.) ↩
- L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 février 1877, col. 75-76. ↩
- L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 février 1877, col. 75. ↩
- Dibdin raconte, dans son Voyage bibliographique… en France (t. IV, p. 28), que « Barrère [le conventionnel] proposa à Mercier [de Saint-Léger] comme une pensée lumineuse, d’extraire un abrégé du contenu de chaque livre de la Bibliothèque nationale ; de faire imprimer avec magnificence ces extraits par Didot, et ensuite de brûler tous les livres d’où ils auraient été pris. Cet idiot révolutionnaire ne pensa seulement pas qu’il pourrait exister mille exemplaires du même ouvrage, et que plusieurs centaines de ces exemplaires pouvaient se trouver hors de la Bibliothèque. » Mais, comme le fait très bien observer le traducteur et annotateur Crapelet, toujours si exact et si judicieux, « il est probable que cette anecdote n’a d’autre source que l’imagination de M. Dibdin…. Barrère, fougueux révolutionnaire…, a toujours été l’ami des lettres, et l’auteur ne pouvait pas plus mal choisir le héros de son anecdote. » ↩
Publié le 22 oct. 1905 par Albert Cim