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Mot-clé : « Sacy (Sylvestre de) »

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Le Livre, tome II, p. 327-343

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 327.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 327 [343]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 328.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 328 [344]. Source : Internet Archive.

Que les livres dont vous vous servez soient à vous. Évidemment il ne faudrait pas pousser cette règle trop loin, jusqu’à refuser, par exemple, comme Larcher (1726-1812), le traducteur d’Hérodote, de consulter un volume des plus rares, parce que ce volume ne vous appartient pas[327.1] ; je parle ici, non des ouvrages

[II.343.327]
  1.  « Quelqu’un demandait au docteur Luther son psautier, qui était vieux et déchiré, lui promettant de lui en rendre un nouveau ; le docteur s’y refusa, parce qu’il était habitué à son exemplaire. Il ajouta : « La mémoire locale est fort utile…. » « Bon nombre de savants obligés de faire un fréquent usage de livres, partagent la façon de voir, la manie, si l’on veut, de Luther ; ils s’accoutument si fortement aux exemplaires des ouvrages dont ils se servent d’habitude, qu’ils ne travailleraient pas aussi bien avec d’autres entièrement identiques, mais qu’ils n’ont pas l’habitude de feuilleter. On cite en ce genre l’obstination du traducteur d’Hérodote, Larcher, qui ne voulut jamais se servir que de volumes lui appartenant. Son collègue Langlès ayant reçu de Londres, à une époque où les communications étaient très difficiles, le travail du célèbre Rennel sur la géographie de l’historien grec, s’empressa de le porter au vieux savant, le mit à sa disposition. Il fut bien surpris d’entendre Larcher le remercier sèchement et lui dire : « J’ai pour principe de ne jamais travailler avec des livres qui ne sont pas à moi. » (Les propos de table de Martin Luther, De l’Écriture Sainte, p. 295, traduction et notes de Gustave Brunet ; Paris, Garnier frères, 1844.) « A propos de M. Larcher, je ne puis m’empêcher de raconter ici une anecdote qui est encore un de mes souvenirs de jeunesse. J’ai connu M. Larcher dans les derniers temps de sa vie. Je crois le voir encore avec son costume antique, son air sévère et le siècle presque entier qui pesait sur sa tête. Qu’il me paraissait vieux ! On était sûr de le rencontrer tous les jours, à la même heure, assis au pied du même arbre, dans le jardin du Luxembourg, en compagnie de sa bonne, presque aussi vieille que lui. Ancien universitaire. M. Larcher, par une simplicité que j’aime, avait conservé l’habitude de se donner congé tous les jeudis ; et, ce jour de congé, il le passait dans les magasins de MM. de Bure, à causer avec eux des nouvelles de la république des lettres, ou à fureter, tant que ses forces le lui permirent, dans leurs rayons chargés de vieux livres. Les jours de jeûne et de pénitence, M. Larcher, devenu très bon catholique, avait inventé un moyen de se mortifier qui ne pouvait être bon que pour lui seul. Ces jours-là, il ne lisait pas de grec, et se réduisait au vil latin. » (S. de Sacy, Variétés littéraires, t. I, pp. 244-245 ; Paris, Perrin, 1884.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 149-165

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 149.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 149 [165]. Source : Internet Archive.

Et ce n’est pas seulement aux yeux, mais à la main, au toucher, qu’un beau livre est agréable : « Je deviendrais aveugle que j’aurais encore, je le crois, du plaisir à tenir dans mes mains un beau livre, s’est un jour écrié Silvestre de Sacy (1801-1887)[149.1]. Je sentirais du moins le velouté de sa reliure, et je m’imaginerais le voir. J’en ai tant vu ! »

« Il en est de la forme [et de l’aspect extérieur] des livres comme de la physionomie des personnes, a-t-on ingénieusement remarqué[149.2] : l’impression que l’une et l’autre produisent est favorable ou fâcheuse, indépendamment du mérite des individus et des ouvrages. »

[II.165.149]
  1.  Variétés littéraires, t. I, p. 250, Catalogue de la bibliothèque de feu J.-J. de Bure.  ↩
  2.  M. de L** (sic), ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 309.  ↩

Le Livre, tome I, p. 222-246

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 222.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 222 [246]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 223.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 223 [247]. Source : Internet Archive.

sous de frais ombrages : celui qui vous ignore continue à marcher d’un pied fatigué, ou tombe épuisé sur la route ; celui qui vous connaît, nymphes bienfaisantes, accourt à vous, rafraîchit son front brûlant, lave ses mains flétries, et rajeunit en vous son cœur. Vous êtes éternellement belles, éternellement pures, clémentes à qui vous revient, fidèles à qui vous aime. Vous nous donnez le repos, et, si nous savons vous adorer avec une âme reconnaissante et un esprit intelligent, vous y ajoutez par surcroît quelque gloire. Qu’il se lève d’entre les morts et qu’il vous accuse, celui que vous avez trompé ! »

Cette superbe apothéose des Lettres mérite d’avoir pour corollaire ou pendant l’admirable page que Silvestre de Sacy (1801-1887), dans la péroraison de son article sur le Catalogue de la bibliothèque de feu J.-J. de Bure, a consacrée à sa propre bibliothèque et où il lui adresse ses adieux, cette émouvante et mémorable oraison funèbre, tant de fois citée[222.1], et qui est comme la « Tristesse d’Olym-

[I.246.222]
  1.  Et tant de fois altérée et faussée, car cette célèbre invocation a eu le sort des Provinciales et des Pensées de Pascal, « qu’on tronque toujours quand on le cite », selon la piquante remarque de M. Ferdinand Brunetière (Histoire et Littérature, t. I, p. 314). Comme exemples de ces inexactitudes et déformations, cf. Fontaine de Resbecq, Voyages littéraires sur les quais de la Seine, p. 134 ; — Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, 3e édit., t. II, pp. 163-164 ; — etc. Le pieux Jean Darche a fait mieux : il s’est approprié le texte, l’a démarqué et rebaptisé, puis l’a terminé en sermon : « O mes livres, mes chers livres, à moins que mes enfants soient dignes de vous posséder et qu’ils aient du Ciel le don de vous savoir apprécier et goûter, mes bien-aimés livres, un jour peut-être vous serez mis en vente ; d’autres vous achèteront et vous posséderont, possesseurs moins dignes de vous sans doute que votre maître actuel ! Ils sont bien à moi pourtant, ces livres, je les ai tous choisis un à un…. Mais, ô mon Dieu ! rien n’est stable en ce monde ! et ce sera bien ma faute si…. Amen ! » (Essai sur la lecture, pp. 374-375.) — Cet article de Silvestre de Sacy a paru dans le Journal des Débats du 25 octobre 1853, et il fait partie des Variétés littéraires, morales et historiques de cet écrivain (Paris, Didier-Perrin, 1884, 2 vol. in-12, 5e édit. : la 1re édit. est de 1858), t. I, pp. 242-255. « L’article mémorable… chef-d’œuvre de M. de Sacy, a été celui du mardi 25 octobre 1853, sur le Catalogue de la bibliothèque de feu J.-J. de Bure. » (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XlV, p. 191.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 150-174

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 150.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 150 [174]. Source : Internet Archive.

temps qu’il fasse, en quelque situation qu’il se trouve. »

Huet (1630-1721), évêque de Soissons d’abord, puis d’Avranches, doit être, d’après les calculs de l’abbé d’Olivet, regardé comme celui de tous les hommes « qui a peut-être le plus lu[150.1] ».

Il est à considérer, d’ailleurs, que Pierre-Daniel Huet était des mieux doués pour la lecture et l’étude. L’heureuse disposition de ses organes lui permettait — c’est lui-même qui le dit — « de lire et d’étudier des journées et des nuits entières sans en éprouver la moindre fatigue, et cela jusque dans son extrême vieillesse…. Il remarque avec beaucoup d’esprit et de justesse que la vie sédentaire des savants, bien loin d’être contraire à la santé, comme le prétendent les médecins, prolonge l’existence…. Non seulement l’étude ne fatiguait pas Huet, elle l’égayait. « Je quittais mes livres, dit-il, toujours frais et dispos, même après six ou sept heures de contention d’esprit. Souvent même, alors, j’étais gai[150.2] ! »

« Si l’on veut bien considérer, nous dit d’Olivet[150.3], qu’il (Huet) a vécu quatre-vingt-onze ans moins quelques jours, qu’il se porta dès sa plus tendre enfance à l’étude, qu’il a toujours eu presque tout son temps à lui ; qu’il a presque toujours joui d’une

[I.174.150]
  1.  Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. II, p. 170.  ↩
  2.  S. de Sacy, Variétés littéraires, t. II, p. 576.  ↩
  3.  Ap. Sainte-Beuve, ibid.  ↩

Le Livre, tome I, p. 010-034

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 10.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 10 [034]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 11.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 11 [035]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 12.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 12 [036]. Source : Internet Archive.

En tête des amis des livres dont Rome s’honore le plus, il convient de placer Cicéron (106-43 av. J.-C.), ce grand homme de lettres, ce beau génie, dont on a si bien dit qu’il est « le seul que le peuple romain ait produit de vraiment égal à son empire[010.1] ». C’est

[I.034.010]
  1.  Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome II, page 55, et Cahiers, p. 55. Ailleurs (Portraits littéraires, t. III, p 313). Sainte-Beuve parle de « cet amour pour Cicéron, qui est comme synonyme de pur amour des Lettres elles-mêmes ». Voir aussi Causeries du lundi, t. XIV, pp. 185 et s. Il n’est d’ailleurs pas d’ami des Lettres qui n’ait conçu pour le philosophe de Tusculum la plus reconnaissante affection, professé pour lui et pour ses écrits la plus haute admiration. Voici quelques-uns de ces fervents témoignages :
    « Salut, toi qui, le premier, fus appelé Père de la Patrie ; qui, le premier, as mérité le triomphe sans quitter la toge, et la palme de la victoire par la seule éloquence ; toi qui as donné la vie à l’art oratoire et aux lettres latines ; toi qui, au témoignage écrit du dictateur César, jadis ton ennemi, as conquis un laurier supérieur à celui de tous les triomphes, puisqu’il est plus glorieux d’avoir tant agrandi par le génie les limites du génie romain, que les limites de l’Empire par toutes les autres qualités réunies. » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VII, 31, trad. Littré, t. I, p. 298. Paris, Didot, 1877.) « Il me semble que c’est en s’attachant à imiter les Grecs que Cicéron s’est approprié la force de Démosthène, l’abondance de Platon et la douceur d’Isocrate. Toutefois, ce n’est pas seulement par l’étude qu’il est parvenu à dérober à chacun d’eux ce qu’il avait de meilleur ; la plupart des rares qualités, ou, pour mieux dire, toutes les qualités qui le distinguent, il les a trouvées en lui-même, dans la fécondité de son immortel génie ; car son éloquence, pour me servir d’une comparaison de Pindare, n’est pas comme un réservoir qu’alimentent des eaux pluviales, c’est comme une source vive et profonde qui déborde sans intermittence. On dirait qu’un dieu l’a créé pour essayer en lui jusqu’où pourrait aller la puissance de la parole. » (Quintilien, X, 1, trad. Panckoucke, t. III, p. 167. Paris, Garnier, s. d.) « L’amour de Pétrarque pour Cicéron allait jusqu’à l’enthousiasme. Il n’admettait pas qu’on pût lui comparer un seul prosateur de l’antiquité…. Pour Pétrarque, Cicéron est « un homme unique, une voix unique, un génie unique ». Il ne l’adore pas tout à fait comme un Dieu, mais « il l’admire et le vénère comme un homme d’un génie divin. » (Mézières, Pétrarque, p. 339. Paris, Didier, 1868.) « Ai-je fait quelques progrès en vieillissant ? Je l’ignore. Ce que je sais, c’est que jamais Cicéron ne m’a plu autant qu’il me plaît dans ma vieillesse. Non seulement sa divine éloquence, mais encore sa sainteté inspirent mon âme et me rendent meilleur. C’est pour cela que je n’hésite pas à exhorter la jeunesse à consacrer ses belles années, je ne dis pas à lire et à relire ses ouvrages, mais à les apprendre par cœur. Pour moi, déjà sur le déclin de mes jours, je suis heureux et fier de rentrer en grâce avec mon Cicéron, et de renouveler avec lui une ancienne amitié trop longtemps interrompue. » (Érasme, ap. Albert Collignon, la Vie littéraire, p. 331.) « Que de fois, par un beau jour de printemps ou d’automne, lorsque tout me souriait, la jeunesse, la santé, le présent et l’avenir, ai-je relu, dans mes promenades, le Traité des Devoirs de Cicéron, ce code le plus parfait de l’honnêteté, écrit dans un style aussi clair et aussi brillant que le ciel le plus pur ! » (S. de Sacy, ap. Albert Collignon, la Religion des lettres, p. 183.) Cicéron « est tout simplement le plus beau résultat de toute la longue civilisation qui l’avait précédé. Je ne sais rien de plus honorable pour la nature humaine que l’état d’âme et d’esprit de Cicéron. » Etc. (Doudan, Lettres, t. III, p. 23.) « La beauté accomplie de l’élocution, la merveilleuse lucidité de l’exposition, la variété des aperçus, les trésors d’une érudition semée avec un goût et un tact extrêmes, la connaissance des hommes et des affaires, la sagacité et la multitude des points de vue, les emprunts nombreux et habiles faits aux philosophes de la Grèce et revêtus d’un style harmonieux et coloré, font du recueil des œuvres de Cicéron, complétées par la délicieuse collection de ses lettres familières, une encyclopédie d’une inestimable valeur. » (Albert Collignon, la Vie littéraire, pp. 292-293.) Cette diversité et cette abondance de choses, ce caractère encyclopédique des écrits de Cicéron, permet de leur appliquer ce mot, qui est de Cicéron lui-même : « Silva rerum ac sententiarum ». (Cf. Renan, Mélanges d’histoire et de voyages, p. 416.) Voir aussi le livre de M. G. Boissier, Cicéron et ses amis ; et infra, p. 239, l’éloge de Cicéron par les jansénistes Arnauld et Lancelot.  ↩