leur exemple, et je relis beaucoup plus que je ne lis[141.1]. »
Sainte-Beuve, auquel on ne saurait trop recourir en pareille matière, donne cet excellent avis[141.2] :
« L’homme de goût, quand même il n’est pas destiné à enseigner, et s’il avait tout son loisir, devrait, pour lui seul, revenir, tous les quatre ou cinq ans, ce me semble, sur ses anciennes et meilleures admirations, les vérifier, les remettre en question comme nouvelles, c’est-à-dire les réveiller, les rafraîchir, au risque même de voir s’y faire, çà et là, quel-
- Jules Levallois, op. cit., p. 30. ↩
- Causeries du lundi, t. XV, p. 379. C’est encore à Sainte-Beuve (op. cit., t. II, p. 312) que j’emprunte, à propos de relectures, les anecdotes suivantes, relatives au mari de la célèbre Mme Geoffrin (1699-1777) : « II paraît avoir peu compté dans sa vie (dans la vie de Mme Geoffrin), sinon pour lui assurer la fortune qui fut le point de départ et le premier instrument de la considération qu’elle sut acquérir. On nous représente M. Geoffrin vieux, assistant silencieusement aux dîners qui se donnaient chez lui aux gens de Lettres et aux savants. On essayait, raconte-t-on, de lui faire lire quelque ouvrage d’histoire ou de voyages, et, comme on lui donnait toujours un premier tome sans qu’il s’en aperçût, il se contentait de trouver « que l’ouvrage était intéressant, mais que l’auteur se répétait un peu ». On ajoute que, lisant un volume de l’Encyclopédie ou de Bayle, qui était imprimé sur deux colonnes, il continuait, dans sa lecture, la ligne de la première colonne avec la ligne correspondante de la seconde, ce qui lui faisait dire « que l’ouvrage lui paraissait bien, mais un peu abstrait ». Ce sont là des contes tels qu’on en dut faire sur le mari effacé d’une femme célèbre. Un jour, un étranger demanda à Mme Geoffrin ce qu’était devenu ce vieux monsieur qui assistait autrefois régulièrement aux diners et qu’on ne voyait plus ? — C’était mon mari : il est mort. » ↩