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Mot-clé : « Levallois (Jules) »

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Le Livre, tome II, p. 141-157

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 141.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 141 [157]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 142.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 142 [158]. Source : Internet Archive.

leur exemple, et je relis beaucoup plus que je ne lis[141.1]. »

Sainte-Beuve, auquel on ne saurait trop recourir en pareille matière, donne cet excellent avis[141.2] :

« L’homme de goût, quand même il n’est pas destiné à enseigner, et s’il avait tout son loisir, devrait, pour lui seul, revenir, tous les quatre ou cinq ans, ce me semble, sur ses anciennes et meilleures admirations, les vérifier, les remettre en question comme nouvelles, c’est-à-dire les réveiller, les rafraîchir, au risque même de voir s’y faire, çà et là, quel-

[II.157.141]
  1.  Jules Levallois, op. cit., p. 30.  ↩
  2.  Causeries du lundi, t. XV, p. 379. C’est encore à Sainte-Beuve (op. cit., t. II, p. 312) que j’emprunte, à propos de relectures, les anecdotes suivantes, relatives au mari de la célèbre Mme Geoffrin (1699-1777) : « II paraît avoir peu compté dans sa vie (dans la vie de Mme Geoffrin), sinon pour lui assurer la fortune qui fut le point de départ et le premier instrument de la considération qu’elle sut acquérir. On nous représente M. Geoffrin vieux, assistant silencieusement aux dîners qui se donnaient chez lui aux gens de Lettres et aux savants. On essayait, raconte-t-on, de lui faire lire quelque ouvrage d’histoire ou de voyages, et, comme on lui donnait toujours un premier tome sans qu’il s’en aperçût, il se contentait de trouver « que l’ouvrage était intéressant, mais que l’auteur se répétait un peu ». On ajoute que, lisant un volume de l’Encyclopédie ou de Bayle, qui était imprimé sur deux colonnes, il continuait, dans sa lecture, la ligne de la première colonne avec la ligne correspondante de la seconde, ce qui lui faisait dire « que l’ouvrage lui paraissait bien, mais un peu abstrait ». Ce sont là des contes tels qu’on en dut faire sur le mari effacé d’une femme célèbre. Un jour, un étranger demanda à Mme Geoffrin ce qu’était devenu ce vieux monsieur qui assistait autrefois régulièrement aux diners et qu’on ne voyait plus ? — C’était mon mari : il est mort. »  ↩

Le Livre, tome II, p. 140-156

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 140.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 140 [156]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 141.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 141 [157]. Source : Internet Archive.

« De notre temps surtout, qui n’est pas très riche en choses vraiment nouvelles, il faudrait s’accoutumer à un plus grand plaisir que de lire et qui est de relire. On a fini alors avec la fatigue de faire connaissance ; on revoit des lieux qu’on a vus, qu’on a un peu ou beaucoup oubliés, et qu’on a plaisir à revoir. Il est bien entendu qu’il faut que ce soient de beaux livres, qui ont des tours, des détours, des petits appartements. Il y a bien des plaisirs dans ces relectures. On compare ses impressions passées aux impressions nouvelles qu’on reçoit ; on fait des découvertes ; on en entrevoit de nouvelles dans les pages qui suivent, sans être travaillé par cette curiosité ennuyeuse qui dit : « Comment cela finira-t-il[140.1] ? »

« … Bien que relire soit beaucoup plus agréable que lire. Il y a dans la première curiosité que donne un livre inconnu une petite impatience assez pénible, comme quand on attend le mot décisif à la fin des replis d’une longue phrase allemande[140.2]. »

Jules Levallois nous avoue, lui aussi, que, « sans chercher à imiter en quoi que ce soit Paul-Louis Courier et Royer-Collard[140.3], je suis de mon mieux

[II.156.140]
  1.  Doudan, loc. cit., t. IV, p. 207.  ↩
  2.  Id., loc. cit., t. IV, p. 254.  ↩
  3.  Cf. supra, t. I, p. 186 : « Mes livres font ma joie…. J’aime surtout à relire ceux que j’ai déjà lus nombre de fois…. » (P.-L. Courier, lettre du 10 septembre 1793 : Œuvres, p. 425 ; Paris, Didot, 1865 ; in-18.) « … Le mot de Royer-Collard à Alfred de Vigny : « Je ne lis plus, monsieur, je relis ». (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XI, p. 524.) « La lecture a ses brouillons (ses essais, ses travaux préliminaires), comme les ouvrages, » disait un jour Piron à Fontenelle, — c’est-à-dire que, pour bien comprendre un livre et s’en former une idée nette, lire ne suffit pas, il faut relire. Relisons donc sans cesse. On ne s’attendait pas assurément qu’un mot de Piron irait en rejoindre un autre de Royer-Collard. » (Id., Nouveaux Lundis, t. VII, p. 465.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 136-152

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 136.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 136 [152]. Source : Internet Archive.

ter sans y avoir suffisamment réfléchi. La vérité est qu’elles le dégagent, retendent, le mettent à même de vivre de la vie la plus variée, la plus intense, la plus riche[136.1]. »

M. Albert Collignon, qui a particulièrement étudié cette question, y revient souvent, et il est d’avis, lui aussi, presque toujours, qu’il faut lire beaucoup.

« Nous devons lire beaucoup, — dans tous les sens du mot beaucoup. Je ne suis point partisan du précepte ancien, multum non multa[136.2], et c’est aussi en plus d’un sens que je redoute l’homme d’un seul livre[136.3]. « Le charme de la vaste lecture, et qui en varie presque à l’infini le plaisir, est de chercher le vrai,

[II.152.136]
  1.  Jules Levallois, l’Année d’un ermite, Comment on reste libre, p. 18.  ↩
  2.  Cependant, dans le même ouvrage, la Religion des Lettres, page 111, M. Albert Collignon estime qu’ « il faut lire beaucoup, peu de livres, toujours les mêmes, [c’est-à-dire précisément multum non multa] les meilleurs dans le genre de son talent et de son travail, se pénétrer de leur substance, comme on se nourrit d’aliments sains et solides pour former son tempérament ». Et page 94 : Trop de lecture rend l’esprit paresseux et désaccoutume d’écrire. Un livre ne doit être, pour un homme de lettres, qu’un point de départ, la branche… d’où l’imagination ailée prend son vol, » etc. — Cf. le mot (déjà cité : tome I, page 195, note 2) du Père Gratry : « La lecture, cette paresse déguisée…. » (L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 7 novembre 1899, col. 778.)  ↩
  3.  Timeo hominem unius libri, sentence attribuée à saint Thomas d’Aquin : cf. Jean Darche, Essai sur la lecture, pp. 157-158.  ↩

Le Livre, tome II, p. 057-073

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 057.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 057 [073]. Source : Internet Archive.

tend lire, pour concentrer et fixer son attention, qui n’est jamais et ne peut être qu’une préférence spontanée qu’on accorde aux idées d’autrui sur les siennes propres. Des écrits, d’ailleurs excellents, mais froids et surtout abstraits, cessent de plaire, quand ils subissent la redoutable épreuve d’une lecture à haute voix dans un cercle. Un auteur paradoxal, systématique, et même, selon le langage de Montaigne, un peu processif pour la conversation, y réussit mieux que tant de beaux traités inanimés, qui ne lui fournissent aucun aliment. »

Doudan, pour revenir encore à lui, avait pris l’habitude de commencer les romans par la fin : « Je vais droit au dénouement, disait-il, puis je reviens sur mes pas. Je n’aime pas lire ces livres à surprises le dos tourné, comme un condamné qu’on mène sur une charrette à l’échafaud[057.1]. »

Quant aux recueils de maximes et de pensées, il est à la fois plus agréable et plus profitable de les lire, non d’une seule traite, mais par fragments, à petites doses, de même qu’on n’avale pas d’un seul coup toute une boîte de pastilles, mais qu’on les croque et savoure une à une[057.2]. « La seule manière de lire un livre de pensées sans s’ennuyer, écrit à ce

[II.073.057]
  1.  Doudan, Lettres, t. I, xxxiii ↩
  2.  Cette très judicieuse et jolie comparaison est de Jules Levallois (l’Année d’un ermite, p. 35) : « … Ses Pensées (de Joubert) me font l’effet d’exquises pastilles ; j’en croque deux ou trois quand j’ai lu trop de romans modernes ».  ↩

Le Livre, tome I, p. 245-269

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 245.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 245 [269]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 246.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 246 [270]. Source : Internet Archive.

l’huma­nité »[245.1], La Fontaine de « vieillard égoïste » et de « philosophe cynique » aussi[245.2], se montre indul-

[I.269.245]
  1.  « Rabelais, de qui découlent les Lettres françaises, » disait, au contraire, Chateaubriand. (Cf. Sainte-Beuve, op. cit., t. XI, p. 502.) « … Rabelais, un écrivain si ample, si complet et si maître en sa manière de dire (pour ne le prendre que par cet endroit) qu’il y aurait vraiment à le comparer à Platon, si l’on ne voyait en lui que la forme, et non ce qu’il y a mis, et que l’on pourrait avancer sans blasphème que la langue de Massillon (encore une fois, je parle de la langue uniquement) n’est, par rapport à celle de Rabelais, qu’une langue plutôt de corruption, de mollesse déjà commençante et de décadence. » (Sainte-Beuve, Chateaubriand et son groupe littéraire, t. I, p. 29.) « A Pantagruel commence à poindre la liberté, et j’ose dire la morale. Pantagruel est l’écrasement de l’idéal, le précurseur de Voltaire, la Révolution…. Nous avons entendu M. de Lamartine traiter Rabelais d’infâme cynique ! Pareille insulte devait lui venir du plus mou et du plus efféminé de nos idéalistes. Rabelais est chaste entre tous les écrivains, et Pantagruel honorable entre tous les héros. » (Proudhon, De la Justice dans la Révolution, t. III, p. 315. Bruxelles, Lacroix, 1868.) « … Sans doute, ils (les livres de Rabelais) ne sont pas lecture de jeunes femmes ; mais ils ne contiennent pas un atome d’immoralité. L’immoralité littéraire est dans les peintures lascives et dans les narrations complaisantes d’actes honteux. De ces narrations et de ces peintures il n’y en a pas une, je dis pas une, dans Rabelais. » Etc. (Émile Faguet, Seizième Siècle, p. 125.) « Parlez- moi de Rabelais, voilà mon homme ! Que de profondeur, que de verve ! Que Voltaire, près de lui, est un petit garçon ! Montaigne lui-même n’en approche pas…. Rabelais, sous sa robe de bateleur, avait le mal en haine, et c’était tout un monde nouveau que sa sublime folie aspirait à créer. Il n’y a point, dans notre langue ni dans aucune langue, d’ouvrage plus sérieux que le sien. Il l’est quelquefois jusqu’à effrayer. » (Lamennais, Correspondance, lettre au baron de Vitrolles, ap. Jules Levallois, Revue bleue, 2 juin 1894, p. 680.)  ↩
  2.  Sur ces divers qualificatifs, cf. Proudhon, op. cit., t. III, p. 315 ; Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XI, p. 502 ; et Lamartine, Premières Méditations, Préface, pp. 5-6. De même que tout à l’heure pour Rabelais, donnons ici, en note, pour La Fontaine, un correctif aux brutales épithètes de Lamartine : « Il y a, dans La Fontaine, une plénitude de poésie qu’on ne trouve nulle part dans les autres auteurs français. » (Joubert, Pensées, t. II, p. 379.) « … Elle (la postérité) reconnaît La Fontaine pour l’auteur qui a le plus reproduit en lui et dans sa poésie toute réelle les traits de la race et du génie de nos pères, et, si un critique plus hardi que Voltaire (ce critique, le premier en date, est Joubert : cf. Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. II, p. 315) vient à dire : « Notre véritable Homère, l’Homère des Français, qui le croirait ? c’est La Fontaine, » cette postérité y réfléchit un moment, et elle finit par répondre : « C’est vrai ». (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. VII, p. 519.) « C’est La Fontaine qui est notre Homère, » (Taine, La Fontaine et ses fables, p. 46.)  ↩

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