Beuve[167.1] de réflexions sur notre sujet même, sur l’amour et la passion des livres :
« La passion des livres, qui semble devoir être une des plus nobles, est une de celles qui louchent de plus près à la manie ; elle atteint toutes sortes de degrés, elle présente toutes les variétés de forme, et se subdivise en mille singularités comme son objet même. On la dirait innée en quelques individus et produite par la nature, tant elle se prononce chez eux de bonne heure ; et, bien qu’elle se mêle dans la jeunesse au désir de savoir et d’apprendre, elle ne s’y confond pas nécessairement. En général, toutefois, le goût des livres est acquis en avançant. Jeune, d’ordinaire, on en sent moins le prix ; on les ouvre, on les lit, on les rejette aisément. On les veut nouveaux[167.2] et flatteurs à l’œil comme à la fantaisie ; on y cherche un peu la même beauté que dans la nature. Aimer les vieux livres, comme goûter le vieux vin, est un signe de maturité déjà. M. Joubert, dans une lettre à Fontanes[167.3], a dit : « Il me reste à vous dire sur les livres et sur les styles une chose que j’ai toujours oubliée. Achetez et lisez
- Dans son article sur le célèbre bibliophile et érudit Gabriel Naudé. (Portraits littéraires, t. II, pp. 483-484 et 320-321.) ↩
- C’est ce que nous venons de voir il y a un instant. ↩
- Joubert, Pensées et Correspondance, Lettre datée de Villeneuve-sur-Yonne, 5 novembre 1794, t. I, pp. 18-19. (Paris, Didier, 1862.) ↩