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Mot-clé : « Joubert (Joseph) »

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Le Livre, tome II, p. 167-183

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 167.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 167 [183]. Source : Internet Archive.

Beuve[167.1] de réflexions sur notre sujet même, sur l’amour et la passion des livres :

« La passion des livres, qui semble devoir être une des plus nobles, est une de celles qui louchent de plus près à la manie ; elle atteint toutes sortes de degrés, elle présente toutes les variétés de forme, et se subdivise en mille singularités comme son objet même. On la dirait innée en quelques individus et produite par la nature, tant elle se prononce chez eux de bonne heure ; et, bien qu’elle se mêle dans la jeunesse au désir de savoir et d’apprendre, elle ne s’y confond pas nécessairement. En général, toutefois, le goût des livres est acquis en avançant. Jeune, d’ordinaire, on en sent moins le prix ; on les ouvre, on les lit, on les rejette aisément. On les veut nouveaux[167.2] et flatteurs à l’œil comme à la fantaisie ; on y cherche un peu la même beauté que dans la nature. Aimer les vieux livres, comme goûter le vieux vin, est un signe de maturité déjà. M. Joubert, dans une lettre à Fontanes[167.3], a dit : « Il me reste à vous dire sur les livres et sur les styles une chose que j’ai toujours oubliée. Achetez et lisez

[II.183.167]
  1.  Dans son article sur le célèbre bibliophile et érudit Gabriel Naudé. (Portraits littéraires, t. II, pp. 483-484 et 320-321.)  ↩
  2.  C’est ce que nous venons de voir il y a un instant.  ↩
  3.  Joubert, Pensées et Correspondance, Lettre datée de Villeneuve-sur-Yonne, 5 novembre 1794, t. I, pp. 18-19. (Paris, Didier, 1862.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 166-182

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 166.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 166 [182]. Source : Internet Archive.

teurs, qui parfois me débauchent et me détournent de mon chemin, je me hâte de les fermer, de les écarter. Un long et profond entretien avec les sages, avec les forts, avec les maîtres, pourra seul me rendre la sérénité, me remettre sur la trace et dans la direction du vrai…. Je fais mon possible pour me tenir à égale distance du dilettantisme, qui est la forme la plus raffinée de l’orgueil intellectuel, et de l’étude proprement dite, qui exige, non plus la simple lecture, mais la recherche. Prendre du plaisir, soit. Je ne demande pas mieux, et quand je rencontre sur ma route les gaietés d’un Regnard ou d’un Rabelais, les songes grandioses d’un Cervantès ou d’un Shakespeare, je m’y laisse aller très volontiers. Pourtant, si ce plaisir m’est utile, s’il peut à un instant donné se changer en un bienfait pour d’autres, j’en jouis doublement. La marquise de Créqui, cette spirituelle et verte vieille que Rousseau estimait fort, et qui, malgré sa dévotion, était du xviiie siècle jusqu’au bout des doigts, recommandait à son ami Sénac de Meilhan de lire moralistement. Elle avait raison, et je lui passe le barbarisme en faveur de ce que l’idée à d’excellent. A le prendre en ce sens, regardez-moi comme un liseur moraliste. »

Ici encore peut prendre place la lettre de Joubert sur les « livres anciens » et les « livres faits par des vieillards », ainsi reproduite et encadrée par Sainte-

Le Livre, tome I, p. 245-269

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 245.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 245 [269]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 246.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 246 [270]. Source : Internet Archive.

l’huma­nité »[245.1], La Fontaine de « vieillard égoïste » et de « philosophe cynique » aussi[245.2], se montre indul-

[I.269.245]
  1.  « Rabelais, de qui découlent les Lettres françaises, » disait, au contraire, Chateaubriand. (Cf. Sainte-Beuve, op. cit., t. XI, p. 502.) « … Rabelais, un écrivain si ample, si complet et si maître en sa manière de dire (pour ne le prendre que par cet endroit) qu’il y aurait vraiment à le comparer à Platon, si l’on ne voyait en lui que la forme, et non ce qu’il y a mis, et que l’on pourrait avancer sans blasphème que la langue de Massillon (encore une fois, je parle de la langue uniquement) n’est, par rapport à celle de Rabelais, qu’une langue plutôt de corruption, de mollesse déjà commençante et de décadence. » (Sainte-Beuve, Chateaubriand et son groupe littéraire, t. I, p. 29.) « A Pantagruel commence à poindre la liberté, et j’ose dire la morale. Pantagruel est l’écrasement de l’idéal, le précurseur de Voltaire, la Révolution…. Nous avons entendu M. de Lamartine traiter Rabelais d’infâme cynique ! Pareille insulte devait lui venir du plus mou et du plus efféminé de nos idéalistes. Rabelais est chaste entre tous les écrivains, et Pantagruel honorable entre tous les héros. » (Proudhon, De la Justice dans la Révolution, t. III, p. 315. Bruxelles, Lacroix, 1868.) « … Sans doute, ils (les livres de Rabelais) ne sont pas lecture de jeunes femmes ; mais ils ne contiennent pas un atome d’immoralité. L’immoralité littéraire est dans les peintures lascives et dans les narrations complaisantes d’actes honteux. De ces narrations et de ces peintures il n’y en a pas une, je dis pas une, dans Rabelais. » Etc. (Émile Faguet, Seizième Siècle, p. 125.) « Parlez- moi de Rabelais, voilà mon homme ! Que de profondeur, que de verve ! Que Voltaire, près de lui, est un petit garçon ! Montaigne lui-même n’en approche pas…. Rabelais, sous sa robe de bateleur, avait le mal en haine, et c’était tout un monde nouveau que sa sublime folie aspirait à créer. Il n’y a point, dans notre langue ni dans aucune langue, d’ouvrage plus sérieux que le sien. Il l’est quelquefois jusqu’à effrayer. » (Lamennais, Correspondance, lettre au baron de Vitrolles, ap. Jules Levallois, Revue bleue, 2 juin 1894, p. 680.)  ↩
  2.  Sur ces divers qualificatifs, cf. Proudhon, op. cit., t. III, p. 315 ; Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XI, p. 502 ; et Lamartine, Premières Méditations, Préface, pp. 5-6. De même que tout à l’heure pour Rabelais, donnons ici, en note, pour La Fontaine, un correctif aux brutales épithètes de Lamartine : « Il y a, dans La Fontaine, une plénitude de poésie qu’on ne trouve nulle part dans les autres auteurs français. » (Joubert, Pensées, t. II, p. 379.) « … Elle (la postérité) reconnaît La Fontaine pour l’auteur qui a le plus reproduit en lui et dans sa poésie toute réelle les traits de la race et du génie de nos pères, et, si un critique plus hardi que Voltaire (ce critique, le premier en date, est Joubert : cf. Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. II, p. 315) vient à dire : « Notre véritable Homère, l’Homère des Français, qui le croirait ? c’est La Fontaine, » cette postérité y réfléchit un moment, et elle finit par répondre : « C’est vrai ». (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. VII, p. 519.) « C’est La Fontaine qui est notre Homère, » (Taine, La Fontaine et ses fables, p. 46.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 187-211

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 187.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 187 [211]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 188.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 188 [212]. Source : Internet Archive.

faire un goût que personne ne peut blâmer, et qui m’offre des plaisirs toujours nouveaux. Je sais bien que le grand nombre des hommes ne pense pas de la sorte ; mais il m’a paru que leur calcul était faux, car ils conviennent presque tous que leur vie n’est pas heureuse. »

« Les lettres et la solitude, voilà mon élément, » écrivait, en 1792, Benjamin Constant (1767-1830) à Mme de Charrière[187.1].

« Je n’aime guère à changer de place…. J’étais né pour vivre et mourir dans une cellule, et encore des plus étroites : in angulo cum libello, » assurait Lamennais (1782-1854), à trente ans, du fond de sa retraite de la Chesnaie[187.2].

« Je veux mourir la tête appuyée, à droite et à gauche, sur des piles de bouquins, souhaitait Charles Nodier (1780-1844) ; il faut bien s’amuser à quelque chose, quand l’âge, les soucis et les infirmités nous ont fait perdre le seul avantage de nous amuser de tout[187.3]. » « La bibliomanie est peut-être encore de

[I.211.187]
  1.  Ap. Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. III, p. 270.  ↩
  2.  Lettre datée de la Chesnaye, 1811, dans les Œuvres inédites de Lamennais publiées par A. Blaize, t. I, p. 110 (Paris, Dentu, 1886). « Rappelons-nous le mot cité de saint François de Sales, à propos de l’Imitation : « J’ai cherché le repos partout, et je ne l’ai trouvé que dans un petit coin, avec un petit livre. (Joubert, Pensées, CCXXII, t. II, p. 341.)  ↩
  3.  Ap. Un Bibliophile [E. Mulsant], les Ennemis des livres, p. 2. (Lyon, Georg, 1879.) A ce propos, citons ce mot, absolument authentique, prononcé par un tout jeune commis libraire d’une des plus importantes maisons de Paris. A un vieillard septuagénaire, client assidu de cette librairie, qui disait un jour gentiment, en soldant un achat : « Vous ne vous plaindrez pas que je ne viens pas vous voir ? J’en laisse, de l’argent, chez vous ! » ce petit commis, âgé de quatorze ans au plus, répliquait, sans y mettre un grain de malice : « Mais, monsieur, à votre âge, qu’est-ce que vous en feriez, de votre argent ? »  ↩

Le Livre, tome I, p. 182-206

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 182.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 182 [206]. Source : Internet Archive.

« Lorsque mon cœur oppressé me demande du repos, dit Joseph de Maistre (1754-1821)[182.1], la lecture vient à mon secours. Tous mes livres sont là sous ma main ; il m’en faut peu, car je suis depuis longtemps bien convaincu de la parfaite inutilité d’une foule d’ouvrages qui jouissent d’une grande répu­tation[182.2]. »

Un ingénieux et profond moraliste, Joseph Joubert (1754-1824), si apprécié de tous les délicats, si cher à tous les lettrés, a, lui aussi, beaucoup aimé les livres, et les a magnifiquement prônés. « Il n’est rien de plus beau qu’un beau livre », déclarait-il[182.3]. « Ce sont les livres qui nous donnent nos plus grands plaisirs, disait-il encore[182.4], et les hommes qui nous causent nos plus grandes douleurs. » Un de ses biographes, Paul de Raynal, a décrit en ces termes la passion de Joubert pour les livres. Cette passion « n’était pas celle du bibliomane qui, comme l’avare, amoncelle des trésors dont il ne sait point user. Il lisait tout, et la plupart des volumes de sa bibliothèque portent encore les vestiges du

[I.206.182]
  1.  Soirées de Saint-Pétersbourg, t. I, p. 11. (Lyon, Pélagaud, 1870, 10e édit.)  ↩
  2.  Sur cette question, cf. notre tome II, chap. iv, Du choix des livres ; et tome IV, chap. i, De l’achat des livres.  ↩
  3.  Pensées, CCXI, t. II, p. 338. (Paris, Didier, 1862.)  ↩
  4.  Op. cit., CCVIII, t. II, p 337.  ↩