plus le privilège des bibliomanes que des inventeurs, comme l’a bien prouvé Balzac dans sa Recherche de l’absolu, — que de tous les amoureux et de tous les passionnés, tous les exaltés et tous les possédés — passionnés et possédés de la femme, de l’argent ou du pouvoir.
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Nous allons passer en revue les plus curieux exemples de bibliomanie et de bibliolâtrie, — revue succincte et sommaire, qu’il eût été facile de prolonger, et qui demanderait à elle seule tout un volume.
Le célèbre helléniste Guillaume Budé (1467-1540) trouva moyen, le jour même de son mariage, de ne pas délaisser ses livres, ses muets trésors, et de passer au milieu d’eux « pour le moins trois heures », — ce qui ne l’empêcha pas, du reste, de devenir père de sept fils et de quatre filles. C’est lui aussi, raconte-t-on, qui, pour ne pas quitter son cabinet et s’arracher à la page commencée, répliqua à un domestique, qui venait lui annoncer, tout haletant, que le feu était à la maison : « C’est bien, avertissez ma femme. Vous savez bien que je ne m’occupe pas des affaires du ménage[222.1] ! »
- Cf. Bayle, Dictionnaire historique et critique ; Fertiault, les Légendes du livre, pp. 93 et 199. — Une réponse analogue fut, dit-on, faite par Corneille à un « jeune homme, auquel il avait accordé sa fille, et que l’état de ses affaires mettait dans la nécessité de rompre ce mariage ». Ce jeune homme se présente un matin chez Corneille, et pénètre jusqu’à son cabinet de travail : « Je viens, monsieur, lui dit-il, retirer ma parole, et vous exposer les motifs de ma conduite. — Eh ! Monsieur, réplique Corneille, ne pouviez-vous, sans m’interrompre, parler de tout cela à ma femme ? Montez chez elle ; je n’entends rien à toutes ces affaires-là…. » (Helvétius, De l’esprit, Discours IV, chap. i, t. II, p. 278, note ; Paris, Chasseriau, 1822.) ↩