Descartes (1596-1650), de son côté, reconnaît que « la gentillesse des fables réveille l’esprit,… que la poésie a des délicatesses et des douceurs très ravissantes[188.1]…. »
Élevant et étendant le débat, Turgot (1727-1781) affirme, lui, que « les auteurs de romans ont répandu dans le monde plus de grandes vérités que toutes les autres classes réunies[188.2] ».
Turgot, en émettant cet avis, que d’aucuns pourront trouver hyperbolique, songeait certainement à l’auteur de Don Quichotte, à celui de Gil Blas, à celui de Clarisse Harlowe, à celui de Candide et de Zadig, à celui de la Nouvelle Héloïse, etc. Quoi qu’il en soit, un juge des plus éclairés et des plus compétents en la question, le grand liseur et grand lettré Doudan, à qui j’ai fréquemment recours[188.3], n’est pas loin de partager l’opinion de Turgot : « … C’est pourtant par les bons romans que la France, l’Angleterre et l’Allemagne ont été en partie civilisées. Ils ont plus contribué que toutes les prédications pédantesques à faire passer dans la masse des hommes des étincelles d’esprit poétique ; ils ont
- Discours de la Méthode, p. 12. (Paris, Didot, 1884 ; in-18.) ↩
- Ap. Albert Collignon, la Vie littéraire, p. 321. ↩
- C’est Doudan, ainsi que nous l’avons vu (p. 57), qui, n’aimant pas à lire « ces livres à surprises, le dos tourné, comme un condamné qu’on mène sur une charrette à l’échafaud, » allait droit au dénouement et commençait la lecture des romans par la fin. ↩