papier manque-t-il ? elles prennent une carte, une épingle, même une épingle à cheveux. S’agit-il de livres rares ? le moindre bibelot les intéresse plus que toutes les premières éditions[299.1]. Elles préfèrent un bout de ruban à la plus exquise reliure. Ne leur confiez pas, en le retirant du rayon sacré qu’un bibliophile appelait « le reliquaire », un petit livre à faire pâlir de joie : elles l’ouvriraient en lui cassant
- « Pourquoi les livres coûtent-ils si bon marché et les bibelots si cher ? C’est que les femmes adorent les bibelots et qu’elles ne s’intéressent pas aux livres. Le bibelot est décoratif, on le met dans son salon, on l’accroche aux murs ; tout le monde le remarque et s’extasie…. » (Adolphe Brisson, Portraits intimes, Un amateur de vieux livres [Xavier Marmier], p. 24.) « Une femme élégante et riche, une femme d’esprit, a noté Mme de Girardin, attend patiemment deux mois pour lire un roman de George Sand, et l’idée ne lui vient pas de l’acheter [elle préfère avoir recours aux cabinets de lecture] ; et, dans son élégante demeure, vous trouverez toutes les splendeurs imaginables…. Cependant il est une justice à rendre à nos jeunes élégantes : elles n’ont point de livres, c’est vrai, mais elles ont de superbes bibliothèques, des armoires de Boule d’un grand prix, auxquelles on a laissé, par respect, le nom menteur de bibliothèque. Mais ne craignez pas que ces belles armoires restent inutiles ; non, certes; on leur donne un très noble emploi ; voyez, dans celle-ci, les chapeaux, les bonnets et les turbans de Madame…. Au fond des plus petites armoires, sur les étagères, pas un livre non plus…. Vous trouvez des bergers en flacon, des chiens de porcelaine, des magots chinois…. Mais à quoi bon des livres ? O progrès ! Que voulez-vous ? les jeunes femmes ne lisent plus, et, chose plus terrible, hélas ! celles qui, par exception, lisent encore un peu … écrivent !! » Mme Émile de Girardin, le Vicomte de Launay, Lettres parisiennes, 16 décembre 1837, t. I, pp. 288-289; Paris, Calmann Lévy, 1878.) ↩