passion éternelle ; toutes les autres nous quittent, à mesure que cette misérable machine qui nous les donne s’approche de sa ruine…. Il faut se faire un bonheur qui nous suive dans tous les âges : la vie est si courte que l’on doit compter pour rien une félicité qui ne dure pas autant que nous[163.1]. » « L’étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n’ayant jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé, » nous dit encore Montesquieu[163.2]. Et, dans ses admirables Pensées, il note avec mélancolie, mais non sans une communicative émotion et sans grandeur : « Mes lectures m’ont affaibli les yeux ; et il me semble que ce qu’il me reste encore de lumière n’est que l’aurore du jour où ils se fermeront pour jamais[163.3] ».
« Quelque chose qu’il arrive, aimez toujours les lettres, écrivait Voltaire au cardinal de Bernis[163.4]. J’ai soixante-dix ans, et j’éprouve que ce sont de bonnes
- Montesquieu, Discours sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences. (Œuvres complètes, t. II, p. 402. Paris, Hachette, 1866.) ↩
- Pensées diverses, Portrait (t. II, pp. 419-420). Voir, comme correctif de cet aveu, supra, p. 2, n. 2. ↩
- Pensées diverses, Portrait (t. II, p. 424). ↩
- Lettre du 18 janvier 1764. (Voltaire, Œuvres complètes, t. VIII, p. 332. Paris, édit. du journal le Siècle, 1867-1870.) Presque à la même époque, le cardinal de Bernis, archevêque d’Albi (1715-1794), écrivait de son côté : « J’aime toujours les lettres : elles m’ont fait plus de bien que je ne leur ai fait d’honneur. » (Ap. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. VIII, p. 47.) ↩