exemple, au début de son Histoire universelle[062.1], constate, sans s’émouvoir, que certains de ses lecteurs, peu charmés de tel ou tel passage de son récit, « s’en dégoûtent et donnent du pouce au feuillet ».
Il en est, d’ailleurs, qui lisent uniquement comme lisait Guez de Balzac (1597-1654)[062.2], « pour trouver de belles sentences et de belles expressions à recueillir et à enchâsser ».
C’était la méthode de Delille (1738-1813), qui se gênait si peu pour plagier et piller ses confrères, poètes ou prosateurs, anciens ou modernes. Il disait quelquefois, après une lecture : « Allons, il n’y a rien là de bon à prendre ». La prose surtout était pour lui de bonne prise. Un jour qu’il venait de réciter à Parseval-Grandmaison des vers dont l’idée était empruntée à Bernardin de Saint-Pierre, ce que Parseval avait remarqué et objecté : « N’importe, s’écria Delille, ce qui a été dit en prose n’a pas été dit[062.3] ».
Montaigne souvent lisait de cette même façon, dans l’intention, plus ou moins avouée, de faire main basse sur quelque sage maxime ou piquante remarque de Plutarque ou de Sénèque : « Je feuillette à cette heure un livre, à cette heure un aultre, sans
- Préface de la première édition, Appendice des Mémoires, p. 236. (Paris, Librairie des bibliophiles, 1889.) ↩
- Cf. supra, t. I, pp. 129-130. ↩
- Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. II, p. 100. ↩