Piémont, dans un temps et sous un gouvernement où rien de grand ne pouvait se faire ni se dire, et où, tout au plus, pouvait-on stérilement sentir et penser de grandes choses. »
« … Les Essais de Montaigne (si depuis j’ai su penser un peu, je ne le dois peut-être qu’à ce livre), ces sublimes Essais du plus familier des écrivains, m’étaient aussi d’une grande ressource. Divisés en dix petits volumes et devenus pour moi de fidèles et inséparables compagnons de route, ils occupaient exclusivement toutes les poches de ma voiture. Ils m’instruisaient, ils me charmaient, ils flattaient même singulièrement ma paresse et mon ignorance ; car il me suffisait d’en ouvrir au hasard un volume et de le refermer après en avoir lu une page ou deux, pour n’avoir plus moi-même qu’à rêver ensuite sur ces deux pages pendant des heures entières. J’éprouvais bien aussi quelque honte lorsqu’il m’arrivait, à chaque page, de rencontrer deux ou trois passages latins, et que je me voyais forcé d’en chercher le sens dans la note, incapable désormais de comprendre même les plus simples citations en prose, loin de pouvoir entendre celles que Montaigne emprunte sans cesse aux plus grands poètes. Je ne me donnai même plus la peine de l’essayer, j’allai droit à la note. » Etc.[271.1].
- Citons encore ces aveux de Victor Alfieri (op. cit., p. 363), terminés par une attestation ou profession de foi, qui va de pair avec celle de Buffon (supra, p. 266, n. 2) : « … C’est à dater de ce jour que commença mon désenchantement de la gloire, qui, depuis, a toujours été en augmentant. Toutefois je persisterai dans la résolution que j’ai prise d’essayer encore pendant dix ou quinze ans, jusqu’à l’approche de ma soixantaine, d’écrire, dans deux ou trois genres, de nouvelles compositions. Je le ferai de mon mieux et avec tout le soin dont je suis capable. Je veux avoir, en mourant ou en vieillissant, l’intime consolation de me dire que, autant qu’il a été en moi, j’ai satisfait à l’art et à moi-même. » ↩